La chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes veille au grain et s’assure du bon emploi de l’argent public. Grand entretien avec son président.
Marché public pipé, favoritisme, prise illégale d’intérêts... Voici quelques uns des sujets sur lesquels se penchent la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes. La CRC, parfois appelé "gendarme des finances publiques" - lui préfère la terme de "contre-pouvoir" - c'est 108 agents (42 magistrats, 42 vérificateurs, 24 administratifs), 500 000 euros de budget de fonctionnement (hors loyers), 91 rapports d’observations définitives publiés en 2023 (+111 % par rapport à 2020), 31 avis (contrôle budgétaire) et 487 recommandations formulées dont 317 assujetties à l’obligation de suivi.
Lyon Capitale : La chambre régionale des comptes, déclinaison territoriale de la Cour des comptes, a pour objectif de s’assurer du bon emploi de l’argent public et d’en informer les citoyens. Vous considérez-vous plutôt comme le gendarme des finances publiques ou comme un contre-pouvoir ?
Bernard Lejeune : Je ne sais pas quel est le bon terme… Le gendarme donne toujours l’impression que nous sommes au bord de la route avec notre flash, même s’il est vrai que la chambre sanctionne les écarts de conduite, et incite aussi à ne pas en commettre. À titre personnel, j’utilise le terme de contre-pouvoir – les médias le sont aussi d’une certaine façon – car j’ai la faiblesse de penser que nous participons à un certain équilibre des pouvoirs : entre l’exécutif qui a la responsabilité du pouvoir et le législatif qui donne la norme, nous nous assurons que les règles sont bien respectées. La chambre régionale des comptes a pour but de contrôler et de faire appliquer les règles. C’est, je crois, un gage de démocratie. Pour autant, il n’y a pas de gouvernement des juges, dans le sens où nous n’avons pas à apprécier l’opportunité des choix politiques des élus.
Votre cœur de métier est de vérifier que l’argent public est bien géré. Êtes-vous aussi amené à évaluer des politiques publiques locales ?
L’examen de gestion de la chambre régionale des comptes porte sur trois thématiques : la régularité des actes de gestion, c’est-à-dire la conformité au droit des opérations de dépenses et de recettes (l’achat a-t-il respecté les règles applicables à la commande publique ?), l’économie des moyens mis en œuvre dans l’utilisation des fonds publics (l’objectif ou le programme défini par la collectivité aurait-il pu être réalisé à moindre coût ?) et l’évaluation des résultats atteints par rapport aux objectifs fixés par l’assemblée délibérante ou par l’organe délibérant, c’est-à-dire l’efficacité de l’action de la collectivité (l’investissement réalisé par la collectivité a-t-il permis d’atteindre l’objectif fixé ?). Donc sans aller jusqu’à évaluer les politiques publiques locales, nous regardons la performance de l’action publique. Nous avons donc des rapports, concernant des collectivités, avec plusieurs angles d’attaque, comme la situation financière, la bonne gestion des ressources humaines, la gouvernance, tout ce qui touche au recrutement ou l’attribution de primes. Nous pouvons aussi porter une appréciation sur l’efficacité d’un équipement public, la maîtrise de son coût de réalisation, de son coût de fonctionnement, sa fréquentation, l’optimisation des recettes, etc. En général, nous faisons des recommandations qui permettent d’améliorer la situation et, dans certains cas, après avoir constaté des erreurs graves, voire des atteintes à la probité, nous pouvons faire des signalements à la justice ou déférer à la chambre du contentieux de la Cour des comptes. L’évaluation des politiques publiques qui permet d’aller un peu plus loin est une compétence récente pour les chambres régionales des comptes. Nous venons d’en achever une dont les travaux seront rendus publics dans quelques semaines.
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