Un journaliste de Lyon Capitale s'est greffé à l'étape lyonnaise du Winamax Poker Tour, le plus grand tournoi de poker à Lyon, pour affronter 902 joueurs venus de la France entière. Récit.
Dix heures. Devant le Double Mixte, à Villeurbanne, une file d'attente s’étire, presque interminable. Les passionnés de poker — certains venus de loin, du Mans, de Nîmes ou d’autres coins du pays — patientent difficilement. L’air est saturé de l’odeur âcre des cigarettes, mélange curieux de nervosité et d’habitude. L’ambiance est électrique : ce tournoi gratuit, rare dans l’univers du poker, attire autant les requins des tables virtuelles que des amateurs passionnés. Pour décrocher leur place, ces joueurs ont bataillé sur l’application Winamax, enchaînant les sit-and-go et les multi-tables qualificatifs. Quelques joueurs pros et semi-pros se sont même glissés parmi les concurrents. L'enjeu est de taille pour les bons joueurs, puisque des tickets d'entrée pour la grande finale du Winamax Poker Tour, d'une valeur de 500€, sont à la clé.
Avec mon niveau à peine correct — fruit de quelques parties en famille ou entre amis —, je n’ai rien d’un grinder expérimenté. Pourtant, je suis prêt à défendre mes maigres bases face à cette armée de stratèges.
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Après une demi-heure d’attente, bercé par des bribes de stratégies murmurées ici et là, j’entre enfin dans l’arène : une immense salle pleine à craquer, envahie par des tables de poker alignées avec rigueur. L’ambiance est électrique, comme si chaque joueur portait déjà le poids des milliers de jetons à venir ou à perdre. La table 84 et son siège 1 m'attendent.
Dans le dur dès l'entame
Mon tapis de départ, comme celui de mes neuf concurrents, est de 40 000. Mais dès les premières mains, la partie s’annonce rude. Les cartes ne m’offrent que des Dames escortées de petites compagnies insignifiantes (2, 3, 4, 6). Pas de quoi me lancer dans des relances audacieuses. Mes jetons fondent au fil des tours, glissant discrètement vers d’autres piles mieux garnies.
Frustré par cet enchaînement de mains médiocres, je tente un coup d’éclat avec un As-3 assorti. Le flop me sourit brièvement : une paire d’As. Suffisant pour m’emballer et miser gros. Mais mon adversaire, une joueuse de club aguerrie, retourne un full 10-J. Ma paire d’As s’écrase. Une poignée de gros jetons bleus (valeur 5 000) rejoint sa pile déjà intimidante.
Me voilà dernier de cette table chaleureuse mais sans pitié. Pourtant, je tiens bon. J’apprends à économiser chaque jeton et à choisir mes coups avec soin. Quelques bonnes décisions me permettent de respirer, de grappiller de quoi rester dans la partie. Les premiers éliminés quittent déjà les tables voisines. De mon côté, je continue de naviguer à contre-courant, suivant et relançant avec un pragmatisme calculé. Peu à peu, ma maigre pile de jetons se stabilise et je parviens même à rattraper certains joueurs.
Lorsque les premières tables éclatent, l’immense pièce s’anime : les joueurs se lèvent, emportant leurs jetons pour compléter les tables encore actives. Le tournoi se resserre. Après plus d’une heure de jeu, notre table 84 est dissoute. Mon nouveau point de chute ? La table 8.
Rebondissements à la table 8
C’est là que je croise Moundir, l’ex-aventurier de Koh-Lanta et désormais ambassadeur Winamax. Il est dos à moi, bavard et exubérant, un brin provocateur. Ses éclats de voix fusent, sa gestuelle théâtrale capte les regards, et il sollicite fréquemment les arbitres. Ce spectacle m’amuse plus qu’il ne me distrait. À ma nouvelle table, les visages sont concentrés, et le silence revient dès que les cartes sont distribuées.
Mon arrivée sur cette table marque un tournant. Les cartes, enfin, semblent vouloir se réconcilier avec moi. Un bon jeu combiné à des flops favorables me permet de tripler mon tapis en une dizaine de mains. Je ressens cette montée d’adrénaline propre au poker, ce moment où chaque mise réussie fait naître une euphorie discrète mais grisante. En l’espace de deux heures, mon tapis grimpe à 61 700, bien au-delà des 40 000 initiaux. Mais mes adversaires ont, entretemps, renfloué leurs stacks (piles). Je ne suis toujours pas en position de force.
Un répit bienvenu
La pause déjeuner d’une heure me permet de souffler, un répit bienvenu alors que la fatigue commence à peser et que ma lucidité vacille par moments. Autour de moi, un tiers des 903 participants a déjà quitté le tournoi, chacun accompagné d’applaudissements respectueux, un rituel immuable après chaque élimination.
De retour à la table, je reprends ma progression, adoptant un style de jeu plus agressif dès que l’occasion se présente. Mon tapis, désormais modeste, me pousse à jouer serré mais stratégique, alors que les blindes atteignent 2000/4000, loin des 100/200 du début. Deux fois, je me retrouve face à un trentenaire expérimenté qui me met la pression avec des relances audacieuses. Mais je ne plie pas. Mieux encore, je parviens à me refaire peu à peu, grappillant des jetons là où je peux.
Une fois encore, les tables se réorganisent. Je quitte mes adversaires actuels pour m’installer dans un nouvel environnement, entouré de visages inconnus. Mais la chance semble m’avoir définitivement tourné le dos. Les jeux continuent de me désavantager, tandis que les blindes, désormais à 2500/5000, grignotent inexorablement mon tapis.
La poisse jusqu'au bout
Arrive la main fatidique. En grosse blinde avec un modeste K-8 dépareillé et seulement 10 000 jetons, je n’ai plus vraiment le choix. All-in. Mon adversaire retourne K-9. La tension monte. Le flop me donne une paire de 8 qui ravive l’espoir, mais la rivière, cruelle, révèle un 9 qui scelle mon sort.
Il est 17 heures. Après six heures de tension, je sors du tournoi, parmi les 350 derniers survivants. Pas si mal, sachant que des joueurs et joueuses bien plus expérimentés n’ont pas tenu aussi longtemps. Et tout cela malgré la fatigue et un mal de crâne lancinant. Honorable ?
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