Immobilier: les Lyonnais ont-ils encore leur place à Lyon ?

Les prix de l’immobilier ne cessent de grimper à Lyon. Alors que les projets dans l’hôtellerie et les immeubles de bureaux se multiplient, les candidats lyonnais à l’achat d’un appartement ou d’une maison font-ils les frais d’une politique trop centrée sur le prestige ?

Inabordable, l’immobilier à Lyon ? Le 4e trimestre 2012 s’est en tout cas révélé saignant pour les candidats lyonnais à l’achat immobilier. Tandis que la moyenne des prix en province chutait de 1,6 % pour les appartements et de 2,3 % pour les maisons par rapport au même trimestre de 2011, ces biens s’appréciaient à Lyon respectivement de 2,5 % et 2,6 %. Le mètre carré y vaut aujourd’hui 3 230 euros. Seules les villes de Paris et de Nice sont plus chères.

Sur l’ensemble de 2012, le prix d’un appartement à Lyon a grimpé de 2,5 %, tandis qu’il fallait en moyenne 315 000 euros pour s’offrir une maison (+4,3 %, hausse record en France). L’an dernier, avec 250 000 euros en poche, vous pouviez acquérir ici un 3 pièces dans le 3e arrondissement… ou une maison de 5 pièces à Toulouse. Un appartement de 4 pièces dans le 6e arrondissement vous aurait coûté un demi-million d’euros, de quoi préférer Nice (apt de 5 pièces pour la même somme) ou Bordeaux (maison de 6 pièces !).

Trop d’hôtels, trop de bureaux… et pas assez d’habitations ?

Que fait la mairie pendant que les prix de l’immobilier, loin de stagner voire de chuter comme dans les autres grandes villes, ne cessent d’augmenter ? Gérard Collomb annonce projet de prestige sur projet de prestige, mais dans l’immobilier de bureaux et l’hôtellerie. Un exemple parmi d’autres, les immeubles de grande hauteur (IGH) vont fleurir sur la place lyonnaise : Incity en 2015 (42 000 m², dont plus de la moitié déjà attribués à la SNCF) et Sky 56 en 2016 (30 000 m²), notamment. “Lyon ne peut absorber toutes les superficies de bureaux qui sont prévues”, prévient déjà Gérard Forcheron, président de l’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) Rhône et Rhône-Alpes.

“On construit trop de chambres”

Côté hôtels, la frénésie est du même ordre. “Plus de 1 000 ouvertures de chambres d’hôtel à Lyon en quelques années, et plus de 3 000 prévues dans les trois ans à venir, c’est énorme! s’étrangle Laurent Jaumes, président de la chambre de l’industrie hôtelière du Rhône. On construit trop de chambres dans le contexte actuel et futur.” Avec une conséquence immédiate : la baisse du revenu moyen par chambre (- 1,8 % en 2012). “L’offre absorbe largement la demande, continue Laurent Jaumes. Le taux d’occupation n’atteint pas 50 % en centre-ville !”

Comment expliquer ce dérapage ? Laurent Jaumes répond indirectement : “Pour construire un hôtel, il faut un maire – qui délivre le permis de construire – et un investisseur, qui apporte l’argent. Les investisseurs sont là, car la destination attire. Mais il faut créer une authenticité et, surtout, bien choisir les types de projets retenus.” La fédération hôtelière parvient-elle à se faire entendre des autorités lyonnaises ? “Nous les alertons, nous livrons nos chiffres, nos conseils, mais en fin de compte c’est le maire qui décide.”

Une fiscalité “confiscatoire” et trop de normes

Du côté du Grand Lyon, on insiste sur les 8 000 et quelques logements produits l’an dernier, dont près de 4 800 logements sociaux financés. À une nuance près : de ce dernier montant, il faut ôter 447 logements reconstruits après démolition, dans le cadre des projets de renouvellement urbain.

Pour Laurent Brossier, directeur de l’UNPI Rhône, c’est clair : “On n’arrive pas à construire !” La responsabilité n’en revient cependant pas forcément à la politique lyonnaise en matière d’habitat, qu’il juge “pas trop mauvaise” et “plutôt réaliste”. En outre, “il existe encore des investissements privés dans les programmes immobiliers à Lyon”, précise-t-il.

Laurent Brossier pointe plutôt la politique fiscale au niveau national : “Les propriétaires ne vendent que s’ils obtiennent l’exonération de la plus-value (en cas de résidence principale) ; sinon, ils attendent trente ans. Résultat : le marché se tend. Il est bloqué depuis la réforme sur les plus-values immobilières, adoptée sous Fillon et maintenue sous Ayrault.”

Le président de l’UNPI cite quant à lui l’“accumulation des normes, qui provoque une montée excessive des coûts et une dégringolade des ventes”. Il déplore lui aussi la “fiscalité confiscatoire” qui frappe le propriétaire immobilier, notamment le système de donation-succession “qui s’est beaucoup alourdi”, pour conclure que “tout ceci convainc les gens qui ont de l’argent à le garder sous forme d’épargne ou à l’investir en Bourse”, et non dans la pierre, qu’elle soit neuve ou d’occasion.

L’avenir dira si la prime à l’acquisition, qui devrait être dévoilée par le Grand Lyon en mai, parviendra à calmer le jeu sur le Monopoly immobilier lyonnais. Un objectif d’autant plus difficile à atteindre que, selon le Conseil supérieur du notariat, 2013 verra une nouvelle hausse du coût de la construction, du fait de l’entrée en vigueur de nouvelles normes thermiques.

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