Après avoir dévissé brutalement de 10% en un an, le marché serait en passe de se stabiliser selon les professionnels, en tout cas à Lyon intra muros. Nous avons essayé de vérifier cette tendance en nous appuyant sur des exemples réels de ventes signées.
C’est un hiver qui dure depuis un an. Il fait suite à des années d’euphorie où tout semblait permis : sur-côte des biens, hausse des prix de 10 à 20 % chaque année, ventes en trois jours chrono, etc. Tout était possible : le vendeur faisait la loi. Le retour à la réalité a été brutal pour les professionnels : les prix ont en moyenne décroché de plus de 10 % en un an sur l’agglomération. “Des notaires sont même venus m’inviter à déjeuner : une première !”, sourit avec gourmandise Gilles Vaudois, gérant de l’agence villeurbannaise de Laforêt immobilier.
Après l’ouragan, le marché immobilier n’est plus vraiment le même. Lyon intra muros a mieux résisté que les extérieurs. À l’intérieur de Lyon, la Presqu’Île et le 6e, valeurs sûres, se sont mieux comportés que Gerland et Vaise qui s’étaient surtout renchéris durant les années folles. “Ces quartiers refuges ont seulement perdu 4 à 5 % de leur valeur”, indique Me Pierre Bazaille, président de l’institut notarial du droit immobilier. Et les petites surfaces, portées par une demande soutenue, ont mieux supporté le choc que les grandes, quelle que soit la localisation.
“C’est le moment d’acheter”
Certes, une hirondelle ne fait pas le printemps, mais les professionnels guettent tout de même le ciel. Car celui-ci s’est légèrement dégagé depuis quelques mois : les investisseurs, échaudés par la crise boursière, se sont repliés sur la pierre. Puis - second volatil aperçu – les acheteurs utilisateurs font un retour timide, sous l’effet conjugué de la diminution des taux d’intérêt et des baisses enfin consenties par les vendeurs. Que va-t-il désormais advenir ? “Je ne crois pas en une diminution substantielle des prix en 2010 par rapport à 2009, notamment parce qu’il y aura peu de biens à la vente dans le neuf, analyse Me Bazaille. Les grands opérateurs ont fermé le robinet depuis le déclenchement de la crise. Aujourd’hui, c’est le moment d’acheter parce que Lyon a un potentiel de croissance. Et les taux d’intérêt sont historiquement bas”.
Croix-Rousse, Presqu’Île, 6e
Les valeurs refuges
La crise ? Quelle crise ? Côtés à plus de 3000 euros le m2, ces quartiers sont des havres anti-déprime.
En tout cas pour les vendeurs…
Chic 6e
Qu’il est loin le temps où les Lyonnais décriaient la proximité de la Tête d’Or où sévissaient les attaques de moustiques et les rugissements de fauves. Désormais, c’est à qui sera le plus près du parc et de ses immeubles à l’allure haussmannienne. Ses habitants sont aussi sensibles à la réputation des écoles : les lycées du Parc et Édouard Herriot, les collèges et écoles privées. Habiter le 6e, c’est chic. Ainsi boulevard des Belges, un bien de 150 m2 a été racheté pour le prix exorbitant de 900 000 euros (6000 euros le m2).
“L’emplacement est exceptionnel”, justifie Yves Mettetal, associé chez Primmo. Au dernier étage d’une résidence de standing, il toise tout le parc. Traversant, il dispose de trois chambres, d’un bureau et deux garages. Rue Duquesne, un appartement de 75 m2 a été cédé pour 260 000 euros (3467 euros le m2). Au 2e étage d’un immeuble érigé en 1988, il comprend deux chambres. Mais est à rafraîchir. Pour ce prix, les acquéreurs s’offrent une tranquillité sidérante. Mais certains préfèrent la proximité des Brotteaux ou du cours Vitton où l’on rencontre plus de vie. C’est là qu’un logement de 120 m2 en 2e étage avec trois chambres s’est vendu 420 000 euros (3500 euros le m2).
“C’est un bien ancien typique, avec une cheminée, un parquet au sol et des boiseries. Mais l’électricité, les sanitaires et la cuisine sont à refaire”, raconte Yves Mettetal. Bien que dans le 3e arrondissement, Saxe-Préfecture se négocie aussi chèrement. Par exemple cet appartement de 118 m2 situé avenue de Saxe, au 3e étage immeuble au style Art-déco qui comprend deux ascenseurs, l’un pour le (petit) personnel, l’autre pour le propriétaire – les deux ne devant naturellement pas se croiser. Il compte deux chambres, un grand séjour et s’est vendu pour 310 000 euros (2627 euros le m2). Un prix raisonnable mais “il faut compter au moins 60 000 euros de travaux pour le rénover”, selon Christian Kalfon, négociateur chez Century 21.
Centrale Presqu’Île
Berceau de la bourgeoisie traditionnelle, Aisnay est le rival du 6e. À la différence des autres secteurs de la Presqu’Île, on se côtoie ici entre gens biens, loin de l’agitation de la rue de la Ré. Les prix semblent aussi à l’abri de la tourmente baissière qui sévit ailleurs. Les appartements ont de l’allure, de grande taille, mais souvent figés dans le passé. Comme cet immense bien de 250 m2 qui s’est négocié à 750 000 euros (3000 euros le m2). Traversant, il comporte cinq chambres et un garage. Il a le charme désuet de son époque : parquets de Versailles, moulures au plafond, cheminées en marbres, des mosaïques dans la salle à manger, etc. “La cuisine est pourrie, mais c’est pour la bonne”, ajoute, acide, Yves Mallecourt, gérant de l’agence Laforêt. L’acheteuse prévoit 200 000 euros de travaux, notamment pour aménager un logement pour son fils. Non loin de là, un appartement de 76 m2 a été cédé pour 210 000 euros (2763 euros le m2).
Traversant, au 4e étage, il dispose d’une seule chambre et d’un grand séjour avec alcôve. “Le nouveau propriétaire a prévu de réaliser une deuxième chambre”, confie Aurélien Delandrea, responsable transaction aux Régies de l’opéra. Les Jacobins, rupins, attirent la même clientèle. Au 5e étage, un logement de 58 m2 en bon état a été acquis pour 180 000 euros (3103 euros le m2). Traversant, il compte deux petites chambres. Vers Bellecour, un appartement de 76 m2 entièrement à rénover, au 4e étage, a été cédé pour 190 000 euros (2500 euros le m2). “C’est un plateau entièrement à reconfigurer. Il y a de la place pour aménager deux chambres, mais il faut prévoir 1000 euros/m2 de travaux”, estime Aurélien Delandrea. “Il y a ici beaucoup de demandes mais peu de produits, regrette Pierrick Michon, négociateur chez Foncia. Les prix ne baissent pas, notamment parce que la valeur locative reste très forte”.
Bêcheuse Croix-Rousse
La Mecque des bobos est-elle en passe de devenir plus bourgeoise que bohème ? Certes, l’esprit village prévaut encore, avec son marché, ses commerces et le goût immodéré que les gens ont à se parler dans la rue. Mais à force d’être couru, le quartier devient cossu. D’autant que la nouvelle esplanade a donné au boulevard une belle perspective… et un parking souterrain.
C’est ainsi que l’habitat canut n’a cessé de se valoriser malgré ses défauts intrinsèques : isolation précaire, parties communes délabrées, absence d’ascenseur. “Ça ne vaut clairement pas 3800 euros le m2”, s’indignerait presque Yves Mallecourt. Rue Durmond d’Urville, un petit canut en bon état de 66 m2 avec deux chambres a été racheté pour 210 000 euros (3182 euros le m2). Il lui manque l’accessoire typique des appartements croix-roussiens - la mezzanine - mais il est tout de même coiffé par le traditionnel plafond à la française. Vers l’hôpital, un appartement de 50 m2 (40 m2 loi Carrez) a été cédé pour 163 000 euros. Chauffé à l’électrique, il comprend deux chambres, dont une en mezzanine. Surtout, il dispose d’une cour privative exposée ouest au fond de laquelle se dresse une annexe de 12 m2.
“L’acquéreur va la transformer en atelier pour sa compagne peintre”, raconte Loïc Dugas, agent commercial chez Logi direct. En contrebas, sur les quais de Saône, un autre produit tout aussi atypique a trouvé preneur : c’est un bien de 110 m2 dans une ancienne copropriété bourgeoise avec un jardin et une piscine collective. En rez-de-chaussée, cet appartement comprend deux chambres et un grand séjour. Son prix : 330 000 euros (3000 euros le m2). “Il a été transformé avec goût avec des matériaux très modernes : tomettes, peintures à la chaux, briques de verre et fer forgé”, décrit Yves Mallecourt. Mais il est un peu excentré du quartier.
Part-Dieu
“La frontière” lyonnaise
Vous n’allez pas le croire : derrière sa gare, son centre-commercial, ses tours et ses paquebots d’entreprises, la Part-Dieu est un quartier. Certes plus animé aux heures ouvrables, mais un quartier quand même, qui affiche une concentration de transports en commun sans égale. Pour trouver de la vie, il faut s’éloigner un peu de son cœur, vers la place Guichard, la Ferrandière ou les Brotteaux.
Rue du lac, un rez-de-jardin de 83 m2 a été cédé pour 250 000 euros (3012 euros le m2). Dans une résidence toute récente, il comprend deux chambres, un garage et une petite pelouse de 15 m2. Plus proche de la place Guichard, un grand T2 de 80 m2, entièrement rénové, a été acquis pour 225 000 euros (2812 euros le m2). Il est en dernier étage d’un immeuble des années 50. À voir son immense séjour-cuisine de 50 m2 !
L’est de la gare, appendice lyonnais tourné vers Villeurbanne, se vend 200 euros de moins le m2 que sa partie ouest, selon Thibaut di Palma, gérant de l’agence Orpi. “Pour le Lyonnais, sa frontière, ce sont les voies ferrées. Mais les personnes extérieures à la ville n’y prêtent pas attention”, note l’agent immobilier. À Ferrandière, un T4 traversant de 85 m2 a été racheté pour 221 000 euros (2600 euros le m2). Il est au 2e étage d’un immeuble des années 70, dispose d’un garage et d’un grand séjour exposé au soleil.
Gerland, Vaise
La crise n’a rien arrangé
Dans les années 90, on ne parlait que d’eux. C’étaient les quartiers modernes de Lyon, consacrés comme tels par l’arrivée du métro. Mais Vaise et Gerland ont depuis pris un coup de vieux, sans avoir atteint la maturité.
Les regards se sont depuis tournés vers la Cité internationale, Confluence, demain peut-être Carré de Soie. Leur problème : la vie de quartier refuse de s’y développer. Coté à moins de 2400 euros le m2, Gerland est à la peine, rétrogradé à la 24e position sur 28 au palmarès établi par les notaires lyonnais. Il est toujours difficile de faire passer les voûtes aux Lyonnais pur sucre. “On habite ici par nécessité, parce que l’on travaille dans un laboratoire ou un centre de recherche ou parce qu’on apprécie son accessibilité par le sud”, constate Christian Kalfon, négociateur chez Century 21. Selon lui, les prix ont ici diminué de 8 à 10 % depuis un an. “Plus on s’éloigne de l’avenue Berthelot et plus la baisse est sensible”, complète Gaël Fluchaire, gérant chez Guy Hôquet. Vers les quais, un rez-de-jardin de 140 m2 en très bon état s’est négocié 285 000 euros (2035 euros le m2).
Dans une résidence érigée en 1991, il dispose de trois chambres et d’un séjour double. Vers la Zac Bon Lait, un appartement de 65 m2 comptant deux chambres s’est vendu pour 155 000 euros (2385 euros le m2). Au 3e étage d’un immeuble érigé dans les années 70, il n’a ni ascenseur ni balcon, mais dispose du double vitrage et il est chauffé au gaz.
À la différence de Gerland, Vaise dispose de quelques pôles commerçants, vers la place Valmy et la gare. “La demande se concentre autour des trois stations de métro”, constate Anthony Boutonnet, responsable de la Bourse de l’immobilier. Au 6e étage d’une résidence de 1996 située rue du Bourbonnais, un T2 de 50 m2 a été racheté pour 160 000 euros (3200 euros le m2). Il comprend une terrasse et un garage. Autre exemple un rez-de-chaussée de 65 m2 localisé avenue Joannès Masset. En très bon état, il comprend un petit jardin, deux chambres et un garage. Vendu pour 203 000 euros (3123 euros le m2). “Vaise a du potentiel mais c’est vrai que le quartier a souffert. Les prix ont baissé de 10 à 12% en un an”, indique Anthony Boutonnet.
Guillotière
Le bon plan
C’est un autre monde, situé à quelques pas de Bellecour. Central, populaire voire un tantinet bobo.
“Il suffit de traverser le pont pour voir les appartements gagner ou perdre 500 euros le m2”, constate Me Bazaille. Aussi, si vous n’êtes pas bégueule et avez un budget un peu ric-rac, Guillotière constitue un bon compromis. “Je vois venir une clientèle assez jeune venue de la Croix-Rousse, où les prix sont devenus trop élevés, et qui apprécie de retrouver une vraie mixité sociale”, observe Gaël Fluchaire, gérant chez Guy Hôquet. À l’angle de l’avenue Jean-Jaurès et de la rue Montesquieu, un logement de 55 m2 avec une chambre est parti en une seule journée au petit prix de 130 000 euros (2364 euros le m2).
Mais beaucoup de travaux sont à prévoir : l’acquéreur compte reconfigurer ce bien qui comprend deux alcôves. Rue Chevreul, derrière l’hôpital Saint-Joseph, un appartement de 80 m2 avec deux chambres a été acquis pour 215 000 euros (2687 euros le m2). Au 4e étage, c’est un bien ancien, avec une belle hauteur sous plafond. Ses alcôves ont toutes été réaménagées de façon à agrandir les pièces. Il est lumineux, exposé sud, est doté de deux cheminées et d’un parquet. Seul hic : il n’a pas d’ascenseur.
Le quartier est prisé par les investisseurs. C’est ainsi que l’un d’eux a acquis un studio de 18 m2, situé rue Chalopin et vendu 65 000 euros (3611 euros le m2). Il est en 1er étage, exposé est, en bon état. Il dispose d’une mezzanine pour libérer de la place disponible pour le séjour et hisser au-dessus le couchage, et d’un petit balcon “pour aérer les plantes vertes”. “Ce type de bien se loue vers les 400 euros. C’est un bon plan car à deux pas de la station Saxe-Gambetta, il est relié à la plupart des écoles de Lyon, de Grange-Blanche à Gorge de Loup en passant par Gerland”, souligne Gaël Fluchaire.
Montchat, Monplaisir
Chère tranquillité
Montchat est un quartier oublié et ça lui va très bien.
Loin des métros, des grandes avenues, des quartiers d’affaires et des centres commerciaux, Montchat cultive sa tranquillité. Presque son oisiveté. On peut ici se promener dans les rues en se croyant en pleine campagne, dans un silence étourdissant. Point de branchés ici : “vient surtout une clientèle familiale. Et beaucoup de professions médicales qui se rapprochent des hôpitaux”, explique Josiane Pioda, gérante de l’agence Orpi. Les jeunes sont rares, faute de budget. Il est difficile de trouver son bonheur à moins de 250 000 euros. Un appartement de 90 m2 situé au 3e étage d’une résidence de 1988 bordant le cours du docteur Long a été racheté pour 275 000 euros (3056 euros le m2).
Ce T4 comprend deux chambres et un séjour double, une grande loggia exposée sud-est. Un petit T2 de s49 m2, en 3e étage d’une résidence de 1995, s’est vendu pour 160 000 euros (3265 euros le m2). Dans la partie la plus résidentielle de Montchat (c’est peu dire…), une villa de 200 m2 a été acquise pour 780 000 euros. Erigée sur un terrain de 1200 m2, elle dispose d’un étage et de combles à aménager. Les travaux sont importants mais cinq chambres peuvent être réalisées. “Ici les maisons les plus petites se vendent autour de 300 000 euros”, explique Josiane Pioda.
Son quartier voisin, Monplaisir, a aussi une physionomie de village, mais il compte sa ligne de métro. L’habitat est plus collectif, avec des appartements récents avec balcons. Selon Guillaume Dadolle, conseiller chez Orpi, les prix résistent bien, avec une décote moyenne de seulement 5%. Un T3 (deux chambres) de 54 m2 a été racheté pour 145 000 euros (2685 euros le m2). Au 2e étage d’un immeuble des années 60, il est traversant, dispose du double vitrage et d’un petit balcon, est chauffé au gaz. “La partie du quartier située dans le 3e se vend un peu plus cher”, décrypte Arnaud Manzanini, gérant chez ERA immobilier. Vers Sans-souci, un appartement récent de 114 m2 s’est négocié à 388 000 euros (3404 euros le m2). Traversant, il dispose de quatre chambres, de deux balcons, d’un garage double et d’un chauffage au gaz.
Villeurbanne
Le Xe arrondissement lyonnais
Avec ses 472 000 habitants, Villeurbanne constitue un immense marché coté en moyenne 400 euros/m2 moins cher que Lyon. De ce fait, la ville s’affirme comme le refuge des classes moyennes et des primo-accédants. Elle offre une belle vitalité commerçante, est remarquablement accessible (métro, tram et périphérique) et dispose de stations Vélo’V. On y trouve des maisons à moins de dix minutes du métro. Comme cette villa de 150 m2 avec un petit jardin, située vers la rue Francis de Pressensé, qui a été rachetée pour 360 000 euros. Erigée en 1975, elle dispose d’un étage, de cinq chambres et d’un garage. “Gratte-Ciel et Charpennes se négocient autour de 2500/2600 euros le m2 en moyenne”, indique Meziane Begdad, négociateur chez Carré d’Or.
Rue Clément Michu, un appartement traversant de 97 m2 s’est vendu pour 265 000 euros (2732 euros le m2). Au 2e étage d’un immeuble des années 80, il compte trois chambres, un garage double, un balcon et est équipé en chauffage électrique. À Charpennes, un appartement de 61 m2 au 3e étage d’un immeuble des années 50 a été chèrement acquis pour 207 000 euros (3393 euros le m2). Il ne compte qu’une chambre et un grand hall. Un prix fort : nul doute que Villeurbanne s’est renchéri. “J’ai vu une clientèle qui a glissé du 6e vers Villeurbanne”, affirme Gilles Vaudois.