Dieudonné. (Photo by Fabrice COFFRINI / AFP)

Interview. Dieudonné : "Je ne corresponds plus à la propagande culturelle française"

Interdit de spectacle par la mairie de Lyon, l'humoriste controversé Dieudonné s'est produit devant une centaine de personnes le 19 août à Décines. Nous avons eu l'opportunité de discuter avec lui sur divers sujets tels qu'Emmanuel Macron, la communauté LGBTQ+, le domaine de l'humour, ainsi que les questions liées à l'immigration.

Dieudonné M’Bala M’Bala, humoriste engagé, controversé et condamné à plusieurs reprises par les justices française, suisse, belge et canadienne notamment pour "injure publique envers un fonctionnaire", "injure publique à caractère antisémite", "contestation de crime contre l’humanité" mais également accusé d’homophobie, a contourné un arrêté de la mairie qui l’interdisait de se produire à Lyon. L'homme de 57 ans a donné rendez-vous à ses plus fidèles supporters dans un champ de Décines. C'est dans ce contexte que nous l'avons rencontré, explorant ainsi ses opinions sur une palette de sujets divers et variés.

Comment percevez-vous les critiques ?

Je ne peux pas plaire à tout le monde, mais j’ai mon public. Ça fait partie de la vie d’un artiste d’avoir des détracteurs, mais je l’assume. Ça me peine un peu de ne pas être accepté partout, mais il y a beaucoup de gens qui sont peinés en France. Je suis un Français parmi les autres, peiné et désolé de la situation entre le mouvement des gilets jaunes et tous ces jeunes dans les rues qui crient à la justice. Il y a un sentiment de malaise aujourd’hui en France et je le partage.


"Aujourd’hui, je n’ai plus rien à voir avec le gouvernement en place"


Seriez-vous prêt à quitter la France ?

Contrairement à beaucoup d’autres, j’ai la chance d’avoir un plan B, le Cameroun, et la double-nationalité. J’ai l’impression que l’Etat français souhaite que Dieudonné ne s’exprime plus en France. Je ne veux pas fuir ce pays, je suis né ici, j’aime la France et le peuple français. Mais aujourd’hui, je n’ai plus rien à voir avec le gouvernement en place. Culturellement, je comprends que je dois partir. Si les préfectures m’interdisent de me produire, je m’en irai, le temps que la France change. Et je ne suis qu’un humoriste, je n’ai pas la possibilité de me battre contre un Etat.


"Il faut suivre un chef mais moi, je préfère me retirer.
Suivre Macron, ça ne m’intéresse pas"


Toutes ces préfectures qui vous interdisent de vous produire, est-ce un recul de la démocratie selon vous ?

C’est la guerre un peu partout, il n’y a plus vraiment de démocratie, les gens ont peur. C’est une période particulière. Il faut suivre un chef mais moi, je préfère me retirer. Suivre Macron, ça ne m’intéresse pas. Le souci, c'est que tous nos responsables politiques ont des formations de banquiers ou d’avocats. Il faudrait revenir à des gens qui sont plus patriotes, plus français. Quelqu’un qui travaille dans la finance est international, il n’est pas Français. Le mondialisme ça ne marche pas, l’Europe ça ne marche pas du tout. 

La chance de la France, c’est la francophonie. Mais elle est en train de gâcher tout ce qu’elle avait en Afrique. La Françafrique de Macron, des banquiers, doit disparaître. Mais celle des peuples doit perdurer. Les gilets jaunes, les émeutiers et les personnes dans les rues du Niger, ce sont les mêmes personnes et ils doivent se retrouver. Il y a plus de proximité entre un Nigérien et un Français qu’un Français et un Lituanien.

Que pensez-vous des relations entre peuple et élites aujourd’hui, en France et en Afrique ?

Les peuples s’apprécient en réalité mais ce sont les élites blanches (et notamment Emmanuel Macron), qui ont un comportement paternaliste qui nuit au peuple français. La France est en train de tout perdre en Afrique. 


«'L’immigration clandestine en France, c’est catastrophique"


Pour moi, ‘la France aux Français’, ça ne me choque pas. Les Français en ont marre et ont envie d’être chez eux. L’immigration clandestine en France, c’est catastrophique. C’est de nature à provoquer des incidents énormes. Je vais en Afrique pour dire aux Africains ‘ne partez pas, restez là, vous avez un pays riche, un continent riche et vous n’avez pas à vous clochardiser en Europe’. 

Vos spectacles portent parfois atteinte à la communauté LGBTQ+. Avez-vous des réserves vis-à-vis de la diversité ?

Il faut que la France arrête de s’imposer en Afrique. Il ne faut pas imposer la GayPride à l’Afrique, on n’en veut pas. Il faudrait qu’on puisse être un peu plus tolérant de part et d’autre. Laissez-nous tranquille avec cette culture LGBTQ+ d’Europe occidentale qui essaie de s’imposer en Afrique. En revanche, en France, il faut laisser la GayPride se mettre en place si les gens ont envie de faire ça. 


"Se mettre à poil sur un char et faire des mouvements sexuels, je ne trouve pas ça beau"


Personnellement, sur le plan artistique, je ne trouve pas ça beau. Quand je vois ces chars, je trouve que ce n’est pas beau mais c’est totalement subjectif. Je trouve magnifiques les sourires des mecs heureux après avoir marqué un but. Mais se mettre à poil sur un char et faire des mouvements sexuels, je ne trouve pas ça beau. C’est mon point de vue. Si des gens aiment le faire, qu’ils continuent. Quand on va au Cameroun, c’est interdit et je me retrouve dans cette culture.


"Il faut respecter la propagande LGBT mais il faut aussi respecter les gens qui trouvent ça moche"


En France, il y a maintenant une propagande pro-LGBT, pro-trans, des représentants de ces communautés à l’Eurovision. Il faut respecter ça mais il faut aussi respecter les gens qui trouvent ça moche. Aujourd’hui, on est montrés du doigt et traités d’homophobes, de transphobes, mais ce n’est pas vrai. Personnellement, quand je vois deux hommes qui s’embrassent dans la rue, je ne trouve pas ça beau. Alors qu’un homme et une femme qui s’embrassent, même s’ils sont moches, je trouve ça beau. Et ça, je n’ai pas le droit de le dire dans mes spectacles. Le ministre de l’Éducation (nationale et de la Jeunesse, Monsieur Attal vit en couple avec le secrétaire général de Renaissance (Stéphane Séjourné), donc je comprends qu’ils trouvent ça inaudible. Je comprends, et c’est vrai que s’ils ont le pouvoir, je n’ai rien à faire ici et je reviendrai plus tard. Qui sera le prochain ministre de la Culture ? Bilal (Hassani) ? Pourquoi pas, mais moi, ce n’est pas ma culture.


"Si un homosexuel se faisait agresser dans la rue, je serai le premier à le défendre"


Apparemment, à en croire ce que disent certaines personnes, je suis homophobe. Mais je sais très bien que si un homosexuel se faisait agresser dans la rue, je serai le premier à le défendre, alors que ceux qui crient à l’homophobie courraient et rentreraient chez eux. Il y a une forme de contradiction dans la société actuelle.

Peut-on rire de tout ?

Aujourd’hui, les jeunes humoristes sont contraints de s’auto-censurer et ils s’en plaignent. Ce ne sont plus les gens qui décident de ce qui est drôle ou non, mais la loi. Et puis moi, qui suis un humoriste plus ancien maintenant, je ne peux qu’essayer de libérer au mieux la parole, pour eux. Ce sont l’avenir, et j’espère qu’ils pourront aborder tous les sujets. Aujourd’hui, on ne peut plus rire du tout. Les interdits ont bougé.


"Les jeunes humoristes souffrent énormément
de l’auto-censure qu’ils s’infligent"


J’ai apporté à l’humour français quelque chose qui est dans le patrimoine humoristique de ce pays. J’ai pu inspirer du monde, je sais faire rire les gens, j’ai une très longue carrière, très fournie, et à mon âge, je devrais transmettre cela aux jeunes humoristes mais c’est le contraire qui se passe. Je ne corresponds plus à la propagande culturelle française, j’entends. L’époque est difficile. Je ne suis pas un politique, je ne suis pas un intellectuel, je suis un humoriste. Je regrette que l’humour ait reculé et c’est de plus en plus difficile de faire rire. Les jeunes humoristes souffrent énormément de l’auto-censure qu’ils s’infligent. J’aimerais qu’ils effectuent leur travail correctement.

En 2022, vous vous êtes présenté aux élections législatives dans l’Oise. Quelle femme ou homme politique a vos faveurs ? 

Je ne vais surtout pas le dire parce que ça va leur porter ombrage (rires). Je préfère ne pas m’immiscer dans ce débat même si bien sûr, j’entends des choses. Je suis plus pour la périphérie que pour le centre. Je pense qu’il y a aujourd’hui de meilleures idées chez des personnes qualifiées d’extrême, que ce soit d’un côté ou de l’autre. 


"Je pense qu’il y a aujourd’hui de meilleures idées
chez des personnes qualifiées d’extrême"


L’extrême-centre, c’est la lâcheté. Il faudrait peut-être revenir à des gens qui ont peut-être une autre vision de la gestion du bien commun. On a vu le Covid-19, des milliards d’euros injectés… puis on nous dit qu’il n’y a plus d’argent pour le fauteuil roulant d’une petite vieille. Et puis donner des armes à l’Ukraine, pour quoi faire, pour tuer des gens ? C’est une guerre fratricide entre l’Ukraine et la Russie, qu’est-ce que vous allez foutre là-bas ? Mais de quoi tu te mêles ? Enfin bon, on vit dans un monde étrange.

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