Ça y est, je me suis enfin décidé. Pour la première fois de ma vie, je suis en grève ! Eh oui, tout arrive (je me sens mieux, il était temps). Chaque matin, en me rasant, je ressentais comme un malaise, à écouter sur ma radio préférée tous ces interviewés en lutte alors que j’étais là, peinard, à m’enfiler depuis vingt ans des semaines de soixante-dix heures six jours sur sept sans réfléchir, piquant le boulot aux jeunes et aux seniors. Déjà que du travail il n’y en a pas des masses, si en plus des types comme moi raflent tout au passage… J’ai remisé ma panoplie de patron réac : aujourd’hui, ni costume ni voiture ni cravate ! J’ai passé mon survet’ à trois bandes, rempli mon sac à dos d’un appareil photo et d’un sandwich au tofu, enfourché mon Vélo’v et hop, en route vers de nouvelles aventures.
J’ai commencé par le lycée de ma fille, pour voir ce que c’était "un blocus." Je vais peut-être vous choquer mais c’est sympa. Ça consiste à se réunir devant les portes pour empêcher les élèves qui n’ont rien compris à la vie d’aller en cours. Tous ces gamins qui tapent sur des poubelles en rythme, tous ces sons, ces couleurs, cette fumée… En plus les slogans sont vraiment originaux : "Sarko t’es foutu les jeunes sont dans la rue", "Woertho facho le peuple aura ta peau", "La guerre sociale est déclarée, avec Facebook les jeunes vont la gagner." Je me demande où ils vont chercher tout ça (ils ont même organisé " un concours de slogans pour la lutte" sur Internet, avec l’aide d’un professeur). Et puis je suis tombé sur un proviseur vraiment compréhensif, qui disait aux élèves, "venez fumer dans la cour, on est de tout cœur avec vous, nous on peut pas mais vous c’est bien de vous battre pour les retraites".
À un moment, j’ai décidé "d’entamer le dialogue". Pas avec n’importe qui hein et surtout pas avec ces bandes organisées qui profitent de la grève pour tout casser sur leur passage, non, j’ai repéré des amis de ma fille, en lutte. "C’est bien de vous battre les jeunes ! En plus vous avez vu, Ségolène Royal et Najat Belkacem vous soutiennent, allez-y mollo quand même, elles ont dit pacifiquement." Là encore, j’avais tout faux. "Ségolène Royal on s’en fout et Belkacem on sait pas qui c’est", ils m’ont répondu. "Nous, ce qu’on veut pas, c’est payer les retraites pour les vieux, parce qu’on n’est pas sûrs d’avoir une retraite et même d’avoir un boulot un jour." Autant l’avouer, cet aspect des choses m’avait complètement échappé. Une logique irréfutable, une franchise à couper le souffle. Pourquoi en effet bosser pour les autres quand on n’est pas sûr que les autres bosseront pour nous ? Moi qui étais resté arc-bouté sur mes vieux principes en lettres majuscules, Liberté, Egalité, Fraternité, Solidarité… Ils sont quand même plus avancés que nous, les lycéens. Ils vont à l’essentiel.
Alors je suis resté un peu avec eux, j’ai fumé quelques clopes en tapant sur des poubelles. On a chanté "We Will Rock You" et j’étais super fier parce que j’étais le seul à connaître par cœur toutes les paroles des couplets. Avant que ma fille, gênée, m’incite à repartir d’où je venais. "Tu me mets la honte devant tous mes copains". "Ok ok, je ne veux pas d’embrouilles moi". Entre temps on m’a piqué mon Vélo’v, pas grave, je suis rentré chez moi à pied, absorbé par mes pensées. C’est beau une ville le matin. En tout cas, je suis bien content d’être en grève : j’apprends des tas de choses, je me remets en cause, je prends enfin le temps de vivre et de comprendre la société "sur le terrain". Demain, je piquerai la trottinette de mon fils pour faire le tour des maisons de retraite.
Didier Maïsto
Directeur de la Publication
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Vous stigmatisez avec humour et 'décalage' une réalité que nombre de parents considèrent tout simplement scandaleuse : . le blocage par une minorité de 'lycéens' des accès aux lieux de savoir.le vol et la destruction débile sur la voie publique par une minorité de voyous écervelés.Mais une fois le sourire passé après cette lecture (et merci pour ce sourire!), c'est bien la consternation et l'inquiétude pour l'avenir de nos enfants qui nous saisit : ce n'est pas cette France de la puérilité, de l'irresponsabilité, du laxisme et de la violence que nous voulons leur transmettre.Monsieur SARKOZY avait promis en 2007 la restauration de l'autorité de l'Etat et de la responsabilité des parents. Son diagnostic est on ne peut plus d'actualité. Son échec en la matière est malheureusement cuisant. Peut-être faudra-t-il s'habituer à de telles exactions au coeur de nos villes : les 'caïds' refusent toute émeute urbaine en banlieue, par peur de stopper net leurs trafics. Le centre ville remplace le pied des tours comma aire de jeux.
Bon humour, quoique un peu humour de droite ..
La rédaction n'aurait jamais du laisser passer le 'sandwich au tofu' !
Je vois, cher Mr le journaliste que votre expérience de père d'ado vous a donné cette petite touche d'auto dérision qui permet de combattre la déraison par absurde... Attention toutefois que ce retour d'âge ( monde lycéen ) ne vous conduise à la douce époque des couches culottes.... Les djeuns s'imaginent que la retraite plus tardive va les priver de travail.... Comment cette jeunesse si prompte à s'engager n'a t elle en elle cette volonté de créer son emploi, d'irradier de son énergie cette France décrépite? Comment n'a t elle pas compris cette fragile jeunesse que plus d'actifs, c'est aussi, moins de retenues sur salaires pour payer les pensions des retraités. Comment n' a t elle pas compris cette jeunesse enfumée qu'une retraite à 60 ans ne veut pas dire retraite à taux plein ??? Et c'est qui qui va payer si papa retraité ne peut plus payer son loyer???? C'est bébé actif qui devra lui venir en aide .... Ce n'est pas un retour d'âge, ni un retour de bâton mais une triste réalité qui pourrait devenir leur futur à ces jeunes ......quand ils le seront un peu moins!
@ Jérôme : +1, c'est exactement ce que je me disais 🙂 @ Didier Maïsto : Excellent article ! Un vrai plaisir à lire. Chacun se fait son idée, mais le message passe bien.
Prendre votre vélov' pour rejoindre la capitale où vos enfants vont à l'école n'a pas du être aisé...
C'est sur que d'essayé de prendre un vélo'v aussi est assez périlleux quand l'on voit l'état des stations.
Je crois que ses enfants vont à l'école à New York, à moins que ce ne soit à Moscou ou peut-être à Londres. Ah oui, je l'ai croisé l'autre jour, c'est bien ce qu'il m'a dit, ses enfants vont à l'école à Pékin. Que voulez-vous démontrer exactement par ces petites insinuations nauséabondes ??? On est en république oui ou non ?
'Lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants, Lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles, Lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, Lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus au dessus d’eux l’autorité de rien ni de personne, Alors c’est là, en toute beauté et en toute jeunesse, le début de la tyrannie.' PLATONPLATON, il y a 2500 ans, quand l'autorité parentale comme celle des professeurs n'était jamais remise en cause, imaginait ce qui pouvait être le pire pour un peuple et le symbole de la décadence : la tyrannie.Ce texte est aujourd'hui d'actualité, votre article en est une nouvelle preuve.
@bigbrother68 Très cher(e) l'édito de M. Maisto est certes sympathique! Je voulais simplement avoir précision du nom du lycée lyonnais auquel il fait référence. Votre remarque sur était ou non en république me laisse pantoise.. Quel rapport. Bien a vous
@mj69Vous avez l'air bien renseignée, donnez-nous plutôt le nom du lycée de 'la capitale'. Je suis sûr que ça intéresse tout le monde. C'est passionnant. Bien à vous