"Je vois des femmes qui ont subi une ablation du clitoris"

A l'occasion d'un colloque qui se tient cette semaine à Lyon, le docteur Chantal Bernard dresse un état des lieux sur les mutilations sexuelles féminines dans le département

Lyon Capitale : Quelle est l'ampleur du phénomène des mutilations sexuelles féminines observées dans le Rhône ?
Dr Chantal Bernard : Hors Ile-de-France, le Rhône est le deuxième département le plus concerné par les mutilations sexuelles féminines et le risque d'excision de fillettes chez des populations issues de l'immigration. En consultation, je vois des femmes qui ont subi une ablation du clitoris, associée parfois à une mutilation des petites lèvres et à une infibulation, une suture des lèvres. Les pratiques varient selon les ethnies d'origine. Dans le Rhône, ces femmes viennent essentiellement de Somalie, du Soudan, du Mali et du Sénégal. Le risque, c'est qu'à l'occasion d'un retour au pays pendant les vacances, elles acceptent de faire exciser leurs filles. Même si elles n'y sont pas favorables, la pression sociale peut être très forte.

Comment ces femmes vivent-elles leur excision ?
La plupart n'en veulent pas à leur mère qui avait le souci que leur fille soit intégrée dans la communauté, se marient. Certaines demandent une intervention chirurgicale pour lutter contre les douleurs au moment des règles, des rapports sexuels, de l'accouchement. Les douleurs peuvent aussi être permanentes lorsque les mutilations sont importantes et que la cicatrisation s'est mal faite. D'autres souhaitent une réparation de leur clitoris et des lèvres.

Quelles sont les actions mises en place dans le Rhône pour lutter contre ces mutilations ?
A la demande de femmes de la communauté africaine, un groupe de prévention a été créé sur le Rhône, il y a 5 ans, sous l'égide de l'ADES. On est intervenu, en particulier, à Vaulx-en-Velin auprès de la communauté somalienne en expliquant les risques de graves complications liées à l'excision, son interdiction par la loi française. Un imam est venu rappeler que le Coran ne recommandait pas ces pratiques. La prévention avance, une permanence d'écoute téléphonique doit se mettre en place prochainement à Lyon et une réflexion est engagée pour proposer aux femmes des réparations chirurgicales.

En quoi consiste cette chirurgie réparatrice ?
On peut restaurer le bourgeon clitoridien en l'étirant de l'intérieur et éventuellement une partie des petites lèvres. Mais il faut bien évaluer la motivation de ces femmes, le clitoris n'est pas forcément synonyme de plaisir et l'excision n'est pas synonyme de frigidité.

*Le Docteur Chantal Bernard est membre du groupe de travail sur les mutilations sexuelles féminines de l'Association départementale d'Education pour la santé du Rhône (ADES).

> Colloque régional sur les mutilations sexuelles féminines, le 27 février, à la Préfecture de la Région Rhône-Alpes.

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