Une cinquantaine d’Entrepreneurs lyonnais de l’association CroissancePlus se réuniront ce mardi à Lyon au comptoir Abel. L’association a pour objectif de “porter l’esprit d’entreprise et faire entendre la voix des entrepreneurs”. Entretien avec son président, Jean-Baptiste Danet.
Lyon Capitale : Qu’est-ce que CroissancePlus ?
Jean-Baptiste Danet : C’est une association non paritaire et apolitique d’entrepreneurs de croissance qui existe depuis 21 ans et qui compte 350 entreprises. Pour adhérer à CroissancePlus, un entrepreneur doit démontrer un objectif de croissance (de l’emploi, des objectifs et/ou de détermination sur une innovation) et surtout démontrer qu’il partage les fruits de cette croissance avec ses salariés et ses collaborateurs au-delà du minimum légal. Nous menons ainsi un mouvement de réconciliation entre l’entreprise et la société civile. Contrairement au MEDEF ou à la CPME, nous ne sommes pas à la table des négociations avec le gouvernement et nous disposons donc d’une liberté de ton, de parole, et de pensée.
Quels types d’entreprises trouve-t-on dans cette association ?
Des entreprises de toutes les tailles et de tous les secteurs. Nous comptons 25 % d’ETI 40 % de PME 20 % de TPE et entre 10 et 15 % de start-up.
En quoi consiste la visite à Lyon demain ?
Il s’agit d’une réunion avec nos adhérents lyonnais ainsi qu’avec d’autres entrepreneurs qui souhaitent échanger avec nous, soit une cinquantaine d’entrepreneurs. Chaque année, nous organisons un tour de France et nous nous déplaçons en région. Car c’est important d’aller partager nos combats, nos actions, et d’obtenir les remontées d’entreprise de croissance en province. Cette année, sommes allés à Lille, Nantes, Bordeaux et Nice, et donc nous voilà à Lyon. Il y avait en réalité une demande assez forte de la part de nos entrepreneurs lyonnais. On a donc décidé d’y répondre, et c’est un succès puisque nous serons une cinquantaine demain.
La recette pour faire réussir son entreprise, ce serait laquelle ?
Il y a 8 mois, on a organisé un sondage avec Viavoice sur 1 000 jeunes de 15 à 18 ans sur toute la France. On s’aperçoit que plus de 70 % des jeunes aujourd’hui se disent prêt à créer leur entreprise. Leurs attentes, c’est plus de liberté, plus d’écoute, plus de transparence et plus de respect. S’il y a quelque chose à leur dire pour que leur entreprise réussisse, c’est de faire en sorte que leurs salariés se sentent bien là où ils travaillent, qu’ils aiment leur boîte, qu’ils soient convaincus qu’il faille la développer pour contribuer à sa réussite.
Il y a des grosses industries dans votre association. Se positionne-t-elle sur les questions environnementales ?
À partir du moment où on demande à nos adhérents de partager les fruits de la croissance au-delà du minimum légal vous imaginez bien que les normes RSE sont pour nous une chose incontournable. Sur les 80 événements que nous organisons chaque année, il y en a 5 sur le thème du respect des normes environnementales ainsi que sur l’égalité Hommes/Femmes et salariale. Tous ces sujets nous intéressent évidemment beaucoup. CroissancePlus a d’ailleurs une fondation "Croissance Responsable" avec trois missions : environnementale, sociétale et éducative. Nous avons créé un programme avec le rectorat qui s’appelle "prof en entreprises" pour montrer aux enseignants que l’entreprise est une chose vertueuse et pour qu’ils donnent à leurs élèves l’envie d’entreprendre.
"L’entreprise est le dernier totem qui peut réconcilier tout le monde."
Comment se portent les entreprises à Lyon ?
Je dirais qu’on vit tous dans un climat très positif en ce moment. On voit bien qu’il y a un exécutif qui est très attentif au devenir de l’entreprise et à la place qu’elle doit avoir dans la société. Lyon est une région ultra-dynamique, que ce soit pour les entreprises familiales qui sont là de longues dates, mais aussi sur le plan de l’innovation. Nos entreprises lyonnaises se portent donc extrêmement bien et elles étaient vraiment demandeuses que l’on intervienne ici pour parler de nos combats. Des combats d’ailleurs incarnés dans deux documents. Le premier il y a un an sur l’urgence de la réforme, et l’autre il y a quatre mois sur le sens des réformes pour faire le point sur là où on en est par rapport à ce que CroissancePlus avait demandé et ce que nous avons obtenu.
Quelles étaient ces réformes demandées par CroissancePlus ?
Le CICE en baisse de charge directe, pour commencer, que nous avons obtenu. On s’est aussi battu pour changer les prud’hommes qui étaient jusque-là une vraie loterie nationale. Et dans le cadre du projet de loi de finances, on s’est battu pour qu’il y ait une stabilité fiscale permettant aux entreprises de travailler sereinement. En ce sens la suppression de l’ISF et la mise en place de la flat Tax à 30 % nous ont convaincus et satisfaits. Là où il faut continuer à se battre, c’est sur les taxes sur la production. La France est un pays qui est très en retard par rapport à ses voisins européens puis qu’ici on est taxé avant d’avoir réalisé le moindre bénéfice. Mais il semblerait que le sujet soit sur la table.
On se satisfait pleinement aussi de la réforme menée par la ministre Pénicaud sur l’apprentissage et la réforme professionnelle. La région est au cœur de ces réformes. Nous souhaitons que la région et les entrepreneurs puissent avoir des projets communs de redéploiement. Car on sait bien que c’est entre les entrepreneurs et leur région que la création d’emplois peut se faire.
Les réformes dont vous me parlez sont assez impopulaires en France...
Nous ne pensons pas que les réformes faites depuis un an soient des réformes liberticides ou ultra-libérales. Si on regarde les pays autour de nous, avec certes des taux de croissance supérieurs au nôtre, on constate qu’on vient finalement d’opérer une remise à niveau. Et on sait que ce pays est très complexe à réformer, qu'il a des dogmes, et qu'il s’est installé ces 30 dernières années dans un statu quo social.
C’est pour cette raison que nous sommes apolitiques : nous voulons réconcilier l’entreprise et la société civile. Parce qu’on considère que l’entreprise est le dernier totem qui peut réconcilier tout le monde en permettant aux jeunes d’avoir un boulot, aux gens d’avoir une famille, de se rencontrer, d’apprendre un métier et d'évoluer. L’entreprise est un lieu de société.
Les réformes doivent être équilibrées. C’est pour cela qu’on exige le partage des fruits de la croissance de la part de nos adhérents, car c’est un élément de réconciliation. Si ces réformes ne sont pas populaires, je pense que c’est surtout parce que changer fait toujours peur.
"C’est nous qui avons proposé l’idée de donner 500 € pour que les jeunes puissent passer leur permis de conduire."
Comment s’opère concrètement ce partage des fruits de la croissance dont vous parlez ?
On continue à défendre la distribution d’action gratuite aux salariés, la possibilité d’avoir des bons de souscription (BSCPE). On demande également la modification des conditions d’intéressement pour permettre aux entreprises de moins de 20 salariés d’y avoir droit.
Pour redistribuer les fruits de la croissance, ne faudrait-il pas aussi lutter contre l’optimisation fiscale ?
Il faut lutter contre la fraude fiscale, qui est différente de l’optimisation, et qui est un problème économique, européen, voire mondial. Nous sommes totalement d’accord avec le fait qu’il faille lutter contre la fraude. Et nous sommes aussi pour libérer les conditions économiques et les responsabilités des chefs d’entreprise pour qu’ils restent en France et créent de la richesse dans le pays. On insiste également beaucoup sur la mobilité, c’est nous qui avons proposé l’idée de donner 500 € pour que les jeunes puissent passer leur permis de conduire. Toutes ces actions-là nous permettent de nous dire que nous contribuons de manière positive à l’avancée du pays.
Puisque vous n’êtes pas à la table des négociations avec le gouvernement comment réussissez-vous à vous faire entendre ?
Je crois que c’est vraiment grâce à notre énergie. Nos 350 entrepreneurs, nos 13 milliards de chiffre d’affaires cumulés et nos 120 000 emplois dans toute la France, nos notes, nos idées, nos rencontres avec l’exécutif nous permettent d’avoir de l’impact et de l’influence.