Jérémie Bréaud est le nouveau maire (Les Républicains) de Bron, 7e ville la plus peuplée de la métropole de Lyon. Depuis octobre dernier, il a été plusieurs fois victime d’intimidations et de menaces de mort, en représailles à la lutte contre la délinquance et le trafic de drogue, le fer de lance de son action municipale. Entretien incisif.
Si son cas n’est pas isolé – 233 élus de la République, maires et adjoints, auraient été victimes d’agressions en 2020 –, c’est la nature des attaques dont il fait l’objet qui est, en revanche, particulièrement alarmante. Premier maire de droite brondillant depuis cinquante ans, Jérémie Bréaud entend bien, avec cette nouvelle étiquette, "changer l’agenda politique" de la ville pour lui faire retrouver son dynamisme des années 90, lorsqu’elle était dirigée par Jean-Jack Queyranne (PS), futur ministre et président de la région Rhône-Alpes. Pour ce quadra déterminé, "la sécurité est la première des libertés et l’une des principales conditions permettant d’agir 'sereinement' sur le social, l’insertion, le commerce de proximité, l’activité économique ou encore la culture".Lyon Capitale : Le 4 janvier dernier, vous avez été, pour la troisième fois depuis votre élection comme maire de Bron, menacé de mort par décapitation. Un fait relativement inédit en France, à tout le moins dans la métropole. Vous attendiez-vous à cela en prenant les rênes de la ville ?
Jérémie Bréaud : Oui et non. Je savais qu’en appliquant notre programme, on allait en ennuyer certains, qu’on allait être confrontés à des situations compliquées. Après, je ne savais pas quelles formes ces intimidations prendraient. Les premiers tags, "Nik ta mère", "Ceci est un MSG de guerre...", "On va tous vous tuer", ça ne fait pas plaisir néanmoins ça passe encore. Mais dès la deuxième série, où on parle de décapitation, qui plus est une semaine après l’assassinat de Samuel Paty, et la barbarie de l’islam radical, je vous avoue que ça m’a un peu ébranlé la première demi-heure. Mais je ne suis pas impressionné. Vous savez, des menaces de mort, c’est malheureusement déjà arrivé à d’autres maires, je ne suis pas un cas isolé, et je ne veux pas servir de porte-parole. Le point positif, c’est que ces tags montrent que notre agenda politique dérange.
Le 4 janvier dernier, de nouveaux tags visant le maire de Bron sont découverts sur une palissade de chantier. Jérémie Bréaud avait déjà fait l’objet de menaces de mort en octobre. Une plainte est déposée. “Je continuerai à tendre la main à celles et ceux qui veulent s'en sortir. Concernant les autres, nous ne les lâcherons pas.”
Le ministre de l’Intérieur s’en était ému au point de demander au préfet du Rhône de vous placer sous protection. Vous auriez imaginé un tel scénario ?
Je n’en sais rien car, en réalité, j’attends toujours cette protection. Gérald Darmanin a probablement considéré que ce n’était pas nécessaire. Cela étant dit, je ne vais pas me mettre à genoux pour l’avoir. Mais qu’un élu de la République française, parce qu’il fait son travail, en soit contraint à être protégé, c’est inquiétant, insupportable et inacceptable.
Qui dérangez-vous ?
Les trafiquants de drogue, clairement. On gêne leur business par les opérations conjointes police municipale-police nationale que nous lançons, visant à démanteler les trafics – opérations qui sont d’ailleurs couronnées de succès avec notamment de grosses saisies de stups. Les dealers nous le font comprendre à leur manière. Notre travail de reconquête est donc en marche et ce n’est que le début. Nous ne céderons pas un centimètre carré de terrain. Ce n’est pas que mon problème, c’est l’affaire de tous.
Je précise que la volonté est la même du côté du préfet de région, préfet du Rhône, du préfet délégué à la sécurité, du DDSP et du procureur de la République. Je n’oublie pas le commissaire de police de notre ville avec qui nous travaillons en totale confiance et c’est plaisant. J’apprécie ce dialogue constructif, constant, que nous entretenons régulièrement avec tous les représentants de l’État que je viens de citer. Merci à eux. Quand cela va, il faut savoir le dire !
"Surtout il ne faut pas fléchir et dès le moment où on appuie sur le bouton, il faut le faire sans relâche."
Vous êtes nouveau maire, qui plus est le premier de droite depuis un demi-siècle à Bron, les délinquants jouent le rapport de forces, non ?
Visiblement, oui, mais il s’agit d’une minorité ! Ils nous testent pour savoir jusqu’où on va aller, si on est déterminé. Leur message est clair, le nôtre aussi. J’en ai pris conscience quand mes collègues maires de certaines villes m’ont dit qu’à partir du moment où on décide de remettre de l’ordre, surtout il ne faut pas fléchir et dès le moment où on appuie sur le bouton, il faut le faire sans relâche. Pour que ça marche, il faut trois choses : la volonté du maire pour que ça change, l’efficacité des polices municipale et nationale et que la justice condamne sévèrement celles et ceux qui ne prennent pas le bon chemin. Les jeunes qui, fin novembre, ont incendié une voiture et tenté de la lancer contre un poteau tenant plusieurs caméras de vidéosurveillance ont écopé de 18 mois de prison ferme. Je peux vous dire que ça a fait l’effet d’un électrochoc dans le quartier. Résultat : aucune voiture brûlée lors du réveillon, ce qui n’était pas arrivé à Bron depuis des années.
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