Alors que le comité d'organisation des Jeux Olympiques d'hiver 2030 a été officiellement installé ce mardi 18 février depuis le Groupama Stadium de Décines, Edgar Grospiron, son président et ses équipes ont désormais cinq ans pour mettre sur pied l'événement planétaire. Voici les défis auxquels le Cojop devrait être confronté dans les prochains mois.
"Un champ de bosses qui va durer 5 ans." Voilà comment Edgar Grospiron, officiellement nommé ce mardi 18 février président du Comité d'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques d'hiver 2030 (Cojop), image le travail qui l'attend, lui et ses équipes, dans les prochains mois. En faisant référence à son passé de champion olympique de ski de bosse, l'ancien athlète de 55 ans sait le défi qui est le sien. "On a conscience qu'on va rencontrer des problèmes et qu'il y aura des difficultés" a-t-il expliqué devant le parterre de journalistes présents au Groupama Stadium pour le lancement du Cojop. "Mais plus l'obstacle est grand et plus l'opportunité est belle" estime celui qui a été choisi à la hâte pour prendre en main ce projet.
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A moins de cinq ans du début des JO d'hiver 2030 dans les Alpes françaises, tout reste à faire. De la carte des sites à peaufiner au budget à respecter en passant par le défi climatique, voici les quatre défis qui attendent le Cojop et son président dans les prochains mois.
Un délai réduit pour organiser des JO
"Dans maximum quatre mois, on doit être opérationnel". Edgar Grospiron le sait : le temps presse. Celui qui a été choisi il y a une semaine par les différents parties prenantes du projet pour prendre la tête du Cojop, a conscience que c'est une course contre la montre qui a débuté ce mardi 18 février. Choisi au terme du psychodrame provoqué par le renoncement de Martin Fourcade, candidat favori pour incarner ces JO d'hiver, et après de long mois de tergiversations, Edgar Grospiron a moins de cinq ans devant lui pour mettre sur les rails l'évènement. "On va pouvoir compter sur les compétences de Paris 2024 pour avancer plus vite" espère-t-il. "On va essayer de transférer pas mal de process de la candidature parisienne vers nous. Il y a des gens très compétents, qui savent organiser des JO, et qui devraient nous rejoindre dans les prochains jours".
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Le directeur général du comité d'organisation devrait être nommé dans les prochaines semaines. Les candidatures sont closes depuis ce mardi 18 février et un nom se dégageait déjà. Avec ce délai très court pour organiser un tel événement, les organisateurs avoue être "dans une recherche d'optimisation". Une loi olympique, sur le même modèle que celle qui avait été prise pour les Jeux de Paris 2024, serait déjà en préparation. "Cette loi nous permettra d'avancer un peu plus vite sur certains projets et devrait lever des obstacles administratifs" explique Fabrice Pannekoucke, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes. "Certes le délai est court mais nous allons réussir à mettre sur pied des Jeux impeccables" estime David Lappartient, président du comité national olympique et sportif français. A moins de cinq ans de la cérémonie d'ouverture, les Alpes françaises n'ont plus de temps à perdre.
Une carte des lieux à peaufiner
Ça devrait être l'un des premier dossiers à gérer pour Edgar Grospiron et ses équipes : définir la carte des sites où auront lieu les épreuves. Si quatre clusters ont été déterminés par l'organisation (pôle Haute-Savoie, pôle Savoie, pôle Briançonnais et ville de Nice), de nombreuses questions demeurent sur le devenir de certains sites. La station de Val d'Isère, qui figure bien sur le dossier de presse transmis ce mardi 18 février, ne sait toujours pas si elle fera partie de l'événement. Aucune épreuve ne lui est pour l'heure attribuée. La Région Auvergne-Rhône-Alpes pousse depuis le début pour utiliser la station de Savoie pour les épreuves de ski alpin, afin de désengorger les stations de Courchevel et Méribel notamment.
"Val d'Isère est toujours sur la table"
"Val d'Isère est toujours sur la table mais il faudra prendre en compte plein de critère pour choisir" a confirmé Michel Barnier, ancien premier ministre missionné par le gouvernement au chevet des JO 2030 jusqu'à la création du Cojop. Si Renaud Muselier, président de la Région Sud, a rappelé qu'il souhaitait "avoir le même nombre de médailles au nord et au sud", les tractations en coulisses s'annoncent intenses entre les différents acteurs. La question autour du patinage de vitesse en grande piste n'a toujours pas été tranchée et le sport était flanqué d'un "à l'étude" sur le dossier de presse remis aux journalistes ce mardi 18 février. La Ville de Nice espère pouvoir accueillir ces épreuves mais le Cojop n'exclut pas de délocaliser ce sport à l'étranger, faute d'équipement pérenne en France.
Même le lieu d'installation du Cojop a un temps été sujet à débat, entre des acteurs du dossier voulant l'implanter au plus près des lieux des épreuves, en montagne, et d'autres optant pour une ville comme Lyon, ville qui ne sera pourtant pas impliqué dans les JO d'hiver. Le Cojop, qui devrait s'installer dans des bureaux à quelques encablures du Groupama Stadium, va devoir rapidement trancher.
Un défi écologique
C'est là l'un des mantra des organisateurs : organiser les Jeux Olympiques d'hiver "les plus verts de l'Histoire". "On fera tout ce qui est en notre pouvoir pour que ces Jeux aient une empreinte écologique la plus faible possible" a d'ailleurs débuté Edgar Grospiron face à la presse ce mardi. "Nous vous proposerons des Jeux d'hiver les plus exemplaires jamais existé" a embrayé Renaud Muselier. "Ces Jeux sont une formidable opportunité pour aborder la transition écologique" estime même le président de la région Sud. Si le climat en 2030 ne devrait pas être très différent de celui d'aujourd'hui, les effets du changement climatique sont déjà observables en montagne.
"Je ne prétendrais jamais que les Jeux vont changer le monde"
Selon le Giec, le groupement d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, en 2050 le manteau neigeux aura perdu entre 10 et 40% de son épaisseur en moyenne montagne en France. Les balais des camions transportant de la neige artificielle stockée en altitude au Grand-Bornand pour la dernière Coupe du monde de biathlon en décembre dernier n'incite pas à l'optimisme. Si les JO d'hiver 2022 avaient été les premiers à se dérouler sur de la neige 100% artificielle, la question est de savoir si les Alpes françaises pourront faire différemment.
La question des transports entre les sites va également devoir être tranchée par le Cojop. Car l'une des particularités de ces JO d'hiver réside dans la multiplicité des sites, avec quatre clusters allant du Grand-Bornand à Nice, distants de plus de 500 km par la route. Un défi logistique et environnemental pour les organisateurs. "Je ne prétendrais jamais que les Jeux vont changer le monde. Mais si on arrive au moins à le changer un peu en intégrant les enjeux du réchauffement climatique et à accélérer les évolutions incontournables des territoires et sports de montagne, les Jeux auront été utiles" estime Edgar Grospiron.
Rentrer dans les clous d'une "sobriété budgétaire"
Avec un budget annoncé autour des 2 milliards d'euros, 3 milliards si on y inclut le budget de la Solideo, société chargée de la livraison des ouvrages olympiques, le Cojop va devoir faire attention à ses dépenses. "C'est peu pour organiser des Jeux d'hiver mais on va trouver des solutions" expliquait d'ailleurs ce jeudi chez nos collègues de France Inter Edgar Grospiron, bien conscient du défi qui attend le Cojop en la matière. A titre de comparaison, si les JO d'hiver de Sotchi avaient explosé tous les records, en coûtant près de 50 milliards en 2014, Pyeongchang en 2018 ou encore Pékin en 2022 avaient coûté beaucoup plus que ce qui est prévu pour les Alpes françaises dans cinq ans. Le budget de Pyeongchang avait atteint les 12 milliards et celui des Jeux de Pékin dépassé les 38 milliards, soit dix fois plus que ce qui était annoncé au départ (3,9 milliards).
Seule la candidature de Milan Cortina, où doivent se tenir les JO d'hiver 2026 se rapproche du projet, en termes de coût, des Alpes 2030. Pour l'heure, le budget d'organisation des prochains Jeux d'hiver serait autour de 4 milliards. Un chiffre qui pourrait grimper jusqu'à l'événement l'année prochaine. Et qui fait dire à plusieurs observateurs que les 2 milliards de budget prévisionnel pour les Alpes françaises sont "très hypothétiques et peu réalistes".
"Les Jeux d'hiver les moins onéreux de l'Histoire"
Dans cette optique là, et alors que le budget du Cojop Alpes 2030 ne devrait pas déroger à la règle et subir une augmentation pendant les cinq prochaines années, l'Etat et les deux régions ont d'ores et déjà prévu d'apporter 462 millions d'argent public, les JO d'hiver étant généralement déficitaire, contrairement aux Jeux d'été. En décembre dernier, des médias révélaient que deux rapports confidentiels de l’Inspection générale des Finances estimaient que le "budget du COJOP Alpes 2030 [...] s’annonce lourdement déficitaire" et que "le résultat prévisionnel du COJOP présente d’emblée un déséquilibre, que la mission évalue entre 850 et 900 millions d’euros (M€), à couvrir par les collectivités publiques".
Si Renaud Muselier promettait mardi après-midi les "Jeux d'hiver les moins onéreux de l'Histoire", en avouant vouloir faire de "l'anti Sotchi et de l'anti Pékin", le président de la région Sud, tout comme les autres parties prenantes du dossier seront jugés sur pièce. Le rendez-vous est pris dans cinq ans.