Kamel Mouellef : "Les salafistes, il faut les combattre et les éradiquer"

Kamel Mouellef au carré musulman de la nécropole nationale de la Doua, qui rassemble les soldats et les résistants morts pour la France

ENTRETIEN – Kamel Mouellef est un fort en gueule et une forte tête. Il est le coauteur de Turcos, une bande dessinée qui rappelle l'histoire des Nord-Africains dans les guerres de l’armée française au XIXe, à l’époque de l’Empire de Napoléon III, et au XXe siècle. Lors de la guerre de Crimée, les Russes prirent les Nord-Africains de l’armée française pour des ottomans et crièrent "Turcos !". Cette histoire, c’est celle de l’arrière-grand-père de Kamel Mouellef. Tribun, prenant à témoin l’opinion comme les politiques, le Lyonnais Kamel Mouellef fustige l’oubli de la France vis-à-vis de ces tirailleurs, comme la bêtise de l’islam salafiste. L’oubli et la bêtise renvoyés dos à dos car ils empêchent, selon lui, les jeunes d’origine maghrébine de se sentir pleinement enracinés dans leur propre pays. Entretien sans concessions avec celui qui vient de recevoir le prix de la Citoyenneté décerné par le Progrès et qui a les honneurs de la presse algérienne.

Lyon Capitale : Vous avez le soutien de plusieurs personnalités politiques locales de droite comme de gauche, de Michel Havard à Najat Vallaud-Belkacem, qui veulent vous aider à porter votre combat. Avec les débats qui ont lieu en interne à l’UMP, notamment du côté de la droite populaire dont Philippe Meunier est le représentant lyonnais, est-ce compatible ?

Kamel Mouellef : Je ne fais pas d’idéologie. Je veux simplement rappeler aux gens l’engagement des Nord-Africains aux côtés de la France. J’aimerais faire un débat avec Philippe Meunier pour lui rappeler cet engagement. J’avais proposé à Farida Boudaoud de remettre Turcos à Meunier et à André Pozzi [le candidat du FN dans la circonscription du député Philippe Meunier, Ndlr]. Car Pozzi, immigré italien, je connais son histoire. Je travaillais avec son cousin à l’aéroport et je ne vois pas ce qu’il a de plus que moi. Nous avons beaucoup donné pour la France et j’ai peut-être cet avantage sur lui. Car si on reprend l’histoire des Algériens et des tirailleurs nord-africains, on s’est battus en 1854 en Crimée contre les Russes avec l’armée française.

On s’est battus en 1860, on a viré les Austro-Hongrois d’Italie. Napoléon III, pour nous remercier, nous a intégrés dans la Garde impériale. Donc c’est vrai que pour Pozzi, immigré italien, je comprends mal son intervention et ses revendications. Quant à Philippe Meunier, qui a milité pour la loi sur les effets positifs de la colonisation, il vient justement d'affirmer qu'il se sentait colonisé. Et je ne crois pas qu'il pense que cette colonisation-là ait un quelconque effet positif*. Maintenant, qu’on vienne m’expliquer qu’un clandestin doit être reconduit à la frontière, ça ne me gêne pas. Mais de là à stigmatiser systématiquement la population maghrébine, africaine et notamment les musulmans, il y a un pas que l’on franchit trop facilement !

Pourquoi une partie de la population française manifeste-t-elle un rejet de l’islam ? Une hostilité qui est également présente dans plusieurs pays européens.

Le problème n’est pas l’islam, mais les salafistes. On a des salafistes qui prônent un islam dont je n’ai jamais entendu parler, moi qui suis musulman. J’ai d’ailleurs une anecdote. Récemment, lors d’un mariage, un salafiste dit à la mariée qui est avocate qu’elle n’a pas le droit de travailler pour les chrétiens. Mais c’est fou d’entendre des âneries pareilles. Alors pourquoi ils acceptent le RSA ou les allocations familiales ? Les salafistes, il faut les combattre et les éradiquer.

Est-ce que les autorités religieuses de l’islam de France agissent en ce sens à vos yeux ?

La seule chose qui les intéresse, les imams et les recteurs, c’est d’appauvrir une population. Pourquoi ? Pour avoir des moutons de Panurge, pour avoir des gens qui sont appauvris intellectuellement et qui ne se posent pas de questions. L’islam est réduit à la question du port de la barbe et du voile, aujourd’hui. Cette civilisation qui a enrichi l’algèbre, l’astrologie, les mathématiques, la médecine, l’architecture et l’agriculture, il y a plusieurs siècles, est résumée aujourd’hui à la question du voile, de la barbe et du halal. C’est une catastrophe et une misère idéologique !

Selon vous, le recteur de la grande mosquée de Lyon, Kamel Kabtane, joue-t-il son rôle, de ce point de vue ?

Il se fout de tout. La seule chose qui le préoccupe, c’est comment se faire de l’argent sur le dos de la communauté. Il veut vendre son cachet de certification halal. Il est là pour faire son petit business, le reste il n'en a rien à foutre ! Mais c’est dangereux, car il faut expliquer à ces jeunes ce qu’est réellement l’islam, que ça ne se réduit pas à la viande halal, à la barbe et au voile. Manger halal ou pas, mais ça n’est pas le problème, surtout quand on sait que c’est moins un rite religieux qu’une règle d’hygiène ! Mais certains pratiquants vont faire des drames parce que dans les cantines il n’y a pas du halal ! Il faut rappeler que nous sommes dans un pays laïc et de tradition chrétienne. Il faut avoir cela à l’esprit et arrêter cette hystérie sur des questions marginales de la religion musulmane. Il existe un hadith rappelant aux musulmans qu'ils ont l'obligation de respecter les us et coutumes et les lois de tout pays d'accueil.

Comment les jeunes justement réagissent-ils à votre discours ?

Mal, pour certains. Un m’a dit un jour : "Toi, t’es un harki avec ton drapeau [le drapeau militaire bleu, blanc, rouge du 1er régiment de tirailleurs algériens, que Kamel Mouellef arbore dans les cérémonies officielles]." Personne ne fait réellement le récit de cette histoire à ces jeunes. Ils n’ont aucune idée de ce qu’était la guerre d’Algérie et du comportement des Français. Lorsque mon père me parlait de la guerre d’Algérie, il m’expliquait qu’il s’était battu contre le colonialisme et il remerciait ces millions de Français qui se sont battus pour que nos parents soient respectés et aient les mêmes droits qu'eux. Parce qu’il y avait aussi des Français pour descendre dans la rue et combattre le colonialisme. Il faut le dire aussi.

Y aura-t-il une suite à la BD Turcos ?

Oui, je travaille à une BD sur l’implication des Africains et des Nord-Africains dans la Résistance. Parce qu’il y avait Jean Moulin, mais il y avait aussi "Jean Mohamed" et "Jean Mahamadou" dans la Résistance. Cette partie de l’histoire est totalement occultée des manuels scolaires. Savoir qu’ils font partie du récit national et de l’histoire de France à travers leurs ancêtres permettrait à ces jeunes de se sentir mieux intégrés. C’est mon combat que de raconter cette histoire.

* Dans un communiqué, le député (UMP) Philippe Meunier avait en effet affirmé que "la cohésion nationale du pays est mise à mal par une mondialisation totalement débridée qui ne sert que les intérêts d'une minorité et de plus en plus de départements sont frappés par une immigration qui prend l'allure d'une colonisation."

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Turcos, le jardin et la boue, avec une préface de Yasmina Khadra, éditions Tartamudo, 14 euros.

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