Le tribunal de commerce a de nouveau, mardi 9 juillet, repoussé la décision concernant la reprise ou la liquidation judiciaire de l’entreprise Kem One à la fin du mois de septembre. Dans le même temps, Fiodor Rilov, l’avocat du comité d’entreprise de Kem One à Fos-sur-Mer et la CGT ont intenté une action devant le tribunal de grande instance, en annulation de la cession d’Arkema à Gary Klesch de juillet 2012.
"Nous sommes convaincus que l’opération de cession entre Arkema et Gary Klesch réalisée en juillet 2012 est frauduleuse", assure Fiodor Rilov, l’avocat du comité d’entreprise de Fos-sur-Mer et de la CGT de Kem One. Alors que le tribunal de commerce de Lyon accordait, mardi 9 juillet, un délai de deux mois supplémentaires aux huit potentiels repreneurs de l’entreprise spécialisée dans la fabrication de PVC, placée en redressement judiciaire depuis le 27 mars dernier, l’avocat et la CGT assignaient les groupes Klesch et Arkema pour "cession frauduleuse". Dénonçant ainsi la vente de juillet 2012, lors de laquelle Arkema avait cédé ses activités vinyliques pour un euro symbolique à l’homme d’affaires américain Gary Klesch. "Les premières conclusions de l’expert judiciaire, rapportées devant le tribunal, confirment ce que nous soupçonnions depuis le début, à savoir que la cession n’avait pour seul objectif que de conduire les structures Kem One à la faillite et de confier le licenciement d’une partie significative du personnel à un mandataire judiciaire", explique maître Rilov.
“Management fees”
Depuis plusieurs semaines, l’avocat, habitué à se battre contre des multinationales telles que Coca-Cola, Sony ou encore Goodyear, s’est attelé à chercher la faille. Il l’aurait trouvée. Les conclusions du rapport de l’expert Moncorgé démontreraient ainsi l’entente entre Klesch et Arkema au moment de la cession. "Les flux financiers entre Kem One et la nébuleuse de structures de Gary Klesch peuvent entraîner une qualification juridique grave", indique Fiodor Rilov. L’homme d’affaires aurait notamment facturé à Kem One des management fees. Comprenez des sommes d’argent versées en contrepartie de services administratifs rendus. Elles seraient évaluées à dix millions d’euros…
Levier de négociations
Mais l’action en nullité de la cession va-t-elle pour autant sauver l’avenir de Kem One ? "Elle va faire fuir les repreneurs et finalement desservir les salariés", nous a brièvement répondu Jean-François Carenco. Particulièrement investi dans le dossier de l’entreprise lyonnaise, le préfet de région ne voit pas d’un bon œil l’action intentée devant le TGI. Celle-ci n’est pas non plus du goût des trois autres syndicats (FO, CFDT et CGC) qui représentent l’autre moitié des salariés. “Il faut que les repreneurs puissent travailler sereinement, estime Grégory Benedetti (FO). La priorité, c’est l’emploi. Une action aujourd’hui, c’est se condamner.” En jeu : 1 800 emplois en France, dont 700 dans la région lyonnaise et dans l’Ain et le reste sur les sites de Lavéra, Fos-sur-Mer et Saint-Auban. "Il est préférable d’attendre la décision finale du tribunal", poursuit le syndicaliste FO.
Sauf que, pour Fiodor Rilov et la CGT, il sera alors trop tard. "On ne va pas attendre de recevoir le coup de marteau fatal", peste Jérôme Guillemin (CGT). Et l’avocat de poursuivre : "Notre action a pour objectif de mettre tout le monde devant ses responsabilités. Il faut que le futur repreneur soit animé d’intentions sérieuses et qu’il soit doté de moyens proportionnés à l’enjeu. Kem One est une industrie qui peut se poursuivre et être performante. Notre action en justice va contribuer à trouver la solution." Elle intervient donc à temps. "Elle va servir de levier de négociation, par exemple sur la baisse des coûts de certaines matières premières comme l’éthylène ou l’électricité et va permettre de mettre la pression sur toutes les parties", continue Jérôme Guillemin, qui défend la création d’un consortium réunissant des opérateurs privés tels que Total, Arkema, LyondellBasell, d’un côté, et l’État de l’autre. Déterminé.