Ce samedi sera inauguré le tronçon Balbigny-La Tour de Salvagny, poussant la Transeuropéenne vers l'Est. Mais celle-ci va buter sur une impasse, à une quinzaine de kilomètres de Lyon. Le tronçon manquant, qui la relierait à l'A6, n'a pas pu voir le jour. Explications.
Une autoroute peut-elle être aussi une impasse ? C'est bien la physionomie de l'A89. Inaugurée par tronçons, "l'autoroute des présidents", censée redynamiser le Centre de la France, va pousser un peu loin vers l'Est le 19 janvier prochain quand sera inaugurée la liaison Balbigny-La Tour de Salvagny. Une portion qui devrait être ouverte à la circulation le lundi suivant si les inspections émettent un avis favorable. Mais l'avenir de l'A89 reste incertain. Et il y a fort à parier que pendant toute la décennie en cours, les Bordelais désireux de regagner Lyon - eux qui auront survolé Libourne, Brive la Gaillarde, Clermont-Ferrand et Thiers - continueront de butter sur la Tour de Salvagny, à une quinzaine de kilomètres à vol d'oiseau de la place Bellecour. Pour finir leur trajet, ils devront emprunter des axes secondaires, notamment la RN489, pour rallier l'A6 et rejoindre le tunnel de Fourvière.
Des mesures transitoires à venir
La liaison manquante de 6 km n'a en effet pu voir le jour, alors même que l'enquête publique de 2008 soulignait que les deux prolongements devaient être "concomitants". Le préfet annoncera dans la semaine des mesures transitoires, destinées à accueillir ce surcroît de voitures. Il s'agit notamment d'une reconfiguration des giratoires, pour fluidifier le trafic. Mais ce ne sera pas suffisant, et beaucoup d'élus, à l'instar du vice-président du conseil général et élu d'Ecully, Eric Poncet, dénoncent cet état de fait.
Deux hypothèses de tracé nord
Par le passé, plusieurs projets ont été étudiés. Le premier tracé appréhendé raccordait Belmont d'Azergues et les Chères, au nord. Il présentait l'avantage d'éloigner le flux de transit de l'agglomération lyonnais et incitait, à condition de réaliser un chaînon manquant, les automobilistes à poursuivre vers l'A46. Mais son prix était élevé – 800 millions d'euros – notamment en raison du percement d'un tunnel de 4km de long. Et il traversait le Beaujolais. Cette option a été abandonnée en 1997.
Le Département a avancé sa solution : la réalisation du tronçon nord du Contournement de l'Ouest lyonnais, estimé à 400 millions d'euros. Michel Mercier suggérait un échangeur avec l'A6 au Nord de Villefranche-sur-Saône, à hauteur d'Arnas, et un autre avec l'A89, au niveau de Tarare. Le délai de réalisation de cette proposition a été jugé trop lointain. Et désormais, le préfet plaide pour un grand contournement autoroutier par l'Est de l'agglomération, le long de l'aéroport St-Exupéry, enterrant un tracé Ouest.
Les deux tiers du trafic convergent sur Lyon
Ces deux tracés n'ont fait l'objet d'études abouties. Ils présentent l'un et l'autre un gros défaut : ils ne captent pas le trafic dirigé vers le cœur de l'agglomération lyonnaise. Or les deux tiers des flux venant de l'ouest par l'A89 se dirigeraient vers Lyon, les zones centre, ouest et sud de l'agglomération. Ceux-là n'auraient eu aucun intérêt à regagner l'A46 vers l'Est.
En 2007, une étude publique a été lancée pour la réalisation d'un barreau A89-A6, plus au sud. Rencontrant un territoire en partie urbanisé, le parti pris est de reconfigurer les routes existantes, et de construire un axe nouveau. Ce projet recueille pourtant un avis négatif du commissaire enquêteur. Les oppositions sont fortes, et le dossier est de plus entaché d'irrégularités. Pourtant, l'Etat relance le processus conduisant à l'enquête publique, le 29 juin 2010.
Le dossier est légèrement amendé : il s'agit de réaménager la RN7 dans sa partie déviation de La Tour de Salvagny (création de protections phoniques et élargissement des bandes d'arrêt d'urgence), de reconfigurer l'échangeur entre la RN7, la RN489 et la RD307 et de mettre en 2X2 voies la RN 489 entre les RN6 et RN7. Recalibrer les axes existants ne suffit cependant pas : une mini-autoroute doit être construite entre la RN6 et l'A6. Et là encore, deux tracés ont été avancés : une voie qui épouse la RN6, et une variante directe qui passe au sud du Bois-Dieu, une zone naturelle. Les services de l'Etat estiment cette dernière moins impactante pour l'environnement. De plus, elle permet l'instauration d'un péage (un montant d'un euro est envisagé). Une concession de trente ans est imaginée. Son coût : entre 110 et 150 millions d'euros.
Le préfet renonce au péage
C'est dans un climat très tendu que les réunions publiques se sont succédé en 2011. Les maires de Dardilly et de Limonest sont vent debout contre le tracé qui traverserait leurs communes. "L'opposition au projet est très forte", reconnaît le bilan de la concertation préalable, rendu public le 11 janvier 2013. Beaucoup de participants aux réunions publiques ont fait le parallèle entre ce barreau et la Rocade Est, complètement embouteillée pour avoir agrégé des circulations locales et nationales. Ils proposent un tracé plus au nord, à proximité de Villefranche, dans l'objectif de ressusciter les esquisses antérieures. Mais l'Etat, dans ses réponses, objecte qu'une telle option "ne permettrait pas d'améliorer l'écoulement du trafic en provenance de l'A89 et à destination de l'agglomération lyonnaise. Ce trafic serait contraint d'emprunter les RN7, RN 489 et RN6". Sous l'impulsion du préfet, le dossier de concertation ne parle plus d'instaurer un péage, dans l'objectif sans doute désamorcer certaines oppositions.
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Spécificité lyonnaise.