L'eglise cache des sans-papiers à Lyon

Alors que le ministre de l'immigration, Brice Hortefeux,
fait monter la pression, ils sont de plus en plus nombreux à venir en aide aux clandestins.

Depuis trois ans, le père Michel Durand loge des familles sans-papiers dans sa cure de l'Eglise Saint-Polycarpe (Lyon 1er). Un geste en accord avec sa foi : "L'accueil de l'étranger est le devoir numéro 1 que nous livre la bible". Très rarement appliquée, la loi punit de trois ans d'emprisonnement l'aide au séjour irrégulier. Peu lui importe, il veut que les chrétiens suivent son exemple. "J'ai une utopie. Si tous les baptisés accueillaient des étrangers, le problème de l'accueil serait réglé. Les catholiques ont bien été capables de descendre dans la rue par centaines de milliers pour défendre l'enseignement privé !" Il n'a jamais caché ses activités à sa hiérarchie et aujourd'hui il assume ouvertement son geste. "D'autres le font, assure-t-il, surtout dans la région parisienne". Au courant de ces agissements, l'évêque et cardinal de Lyon, Philippe Barbarin, ne condamne pas, ni n'encourage l'initiative de son curé : "j'appelle au respect de la loi même si en leur âme et conscience, et à leur risque et péril, les chrétiens peuvent être amenés à poser des gestes contraires à la loi par amour de nos frères". Ponce Pilate n'aurait pas dit mieux.

Chrétiens ou non, ils sont de plus en plus nombreux à rejoindre les réseaux d'entraide qui s'opposent aux expulsions. "A chaque réunion, les gens viennent spontanément nous demander ce qu'ils peuvent faire", explique Catherine Tourier, l'une des responsables du Réseau Education Sans-Frontières (RESF). Après deux ans et demi d'existence, RESF Lyon est le principal réseau de soutien, en revendiquant un millier de familles "protégées" et le double de militants. L'un de ses groupes, celui de Bron, a été créé il y a deux ans, autour de sans-papiers du centre social de la cité des Taillis. Objectif : apporter un soutien moral et matériel dans leur vie clandestine et les aider à monter des dossiers de régularisation. "On fait aussi de plus en plus d'hébergement citoyen", reconnaît l'une de ses militantes.

Membres d'associations, travailleurs sociaux, militants, tous sont soumis à une pression grandissante de la part des forces de l'ordre. Dans un communiqué, la directrice de l'association Cabiria (d'aide aux personnes prostituées), expose la récente tentative d'intimidation d'un officier de la Police de l'Air et des Frontières : "il a demandé à Cabiria d'aider à localiser les étrangers en situation irrégulière. Il a pris soin de mettre en garde sur les conséquences d'un refus : gardes à vue répétées des salariés, inculpation pour aide au séjour irrégulier pouvant aller jusqu'à trois ans de prison".

Comme en 1940 ?
"Pour l'instant, on n'est pas comme pendant la seconde guerre mondiale, reconnaît Catherine Tourier de RESF. Personne n'est allé en prison ou s'est fait casser la gueule". Mais ceux qui subissent évidemment le plus cette pression, sont les sans-papiers eux-mêmes. Les contrôles se sont tellement multipliés que certains lieux leur sont, de fait, interdits comme la place Bellecour ou la gare Part-Dieu. Le métro est aussi vivement déconseillé. Et la police vient de plus en plus cueillir les clandestins à leur "domicile", " généralement sans mandat du procureur", précise-t-on à RESF. "On s'est fait avoir, reconnaît une algérienne sans-papier qui vit en France depuis cinq ans. Il y a un an, pour la circulaire de régularisation Sarkozy, on a donné notre adresse à la préfecture. Maintenant, on se fait cueillir chez nous". Sans revenu, sans logement, les adultes vivent dans l'angoisse de l'uniforme. Les enfants aussi. "En plus d'être inhumaine, cette politique est économiquement absurde, s'emporte Denise Bergeron de RESF Bron. Donnez-leur des papiers, et dans deux jours ils seront tous au travail !"

PORTRAIT

Michel Durand, au nom de l'Evangile
"Naturel, comme l'herbe qui pousse". C'est par ces mots que le curé de l'Eglise Saint-Polycarpe décrit son geste : l'hospitalité. Michel Durand l'a fait quand il était aumônier au service des étudiants, il le fait depuis trois ans au service des sans-papiers. Depuis qu'il a pris en main l'Eglise des Pentes de la Croix-Rousse et sa cure. "Les habitants nous mettent au chômage technique, s'amuse-t-il. Or l'immeuble est vaste. Une cohabitation est donc tout à fait possible". Dès la création du Réseau éducation sans frontières (RESF), il a pris contact avec ces militants pour leur faire part de cette planque. Quelques mois plus tard, la première famille élisait domicile. Depuis, ça ne désemplit pas. Dès qu'une famille ou une personne part, elle est remplacée. Certains restent plusieurs mois parfois plus d'un an. Mais il ne reçoit qu'une "unité" pour que la cohabitation se passe bien. Son action, il la conçoit comme une "parabole". "Quand un chrétien se dit : "on ne peut pas accueillir toute la misère du monde", on est en marge de l'évangile. L'hospitalité est d'autant plus un devoir que c'est notre système économique qui a provoqué cette misère". Un militant ? Un curé rouge ? Non. "Je ne crois ni en la gauche, ni en la droite. J'essaye de suivre l'évangile. Et quand une loi de l'Etat s'oppose à ma conscience personnelle, en conscience, je me dois de désobéir".

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