Philippe Guétat, le directeur départemental de l'ARS (Agence régionale de santé) dans le Rhône fait le point sur l'épidémie de coronavirus ce mercredi 3 novembre dans Lyon Capitale : hausse ou pas du nombre de nouveaux cas, situation dans les hôpitaux du Rhône, vaccination et dose de rappel. La situation, à l'instant t, est sous contrôle à Lyon et dans le département. "Il n'y a pas d'alerte particulière, pour l'instant, dans le Rhône", explique-t-il.
Lyon Capitale : Monsieur Guétat, quelle est la situation épidémique en ce début du mois de novembre dans le Rhône ? L'épidémie repart-elle à la hausse ?
PHILIPPE GUETAT. Il y a une sorte de plateau. On était passé en dessous du seuil d'alerte des 50 cas du covid-19 pour 100 000 habitants, on est quelque peu remonté dans le département, on se situe actuellement à 56 cas pour 100 000 avec un taux de positivité qui augmente un petit peu.
Le taux d'incidence est relativement stable. 56, 50 ou 48, par rapport à une population comme celle du Rhône (1 800 000 habitants), ça n'est pas une grosse différence. Sauf qu'on ne peut pas appliquer la non obligation du port du masque dans les écoles du Rhône. Il faut que le taux d'incidence soit inférieur à 50 pour 100 000 habitants pendant 5 jours de suite. Nous n'avons ainsi jamais pu appliquer cette mesure dans le Rhône.
Lundi 8 novembre, pour la rentrée scolaire, les enfants ne pourront encore pas enlever leur masque dans les écoles du Rhône ?
Non, ça ne sera pas encore possible.
"Pour l'instant, il n'y a pas d'alerte particulière dans le Rhône"
Quelle est la situation dans les hôpitaux lyonnais et du département actuellement ?
Il y a une légère augmentation dans les prises en charge hospitalières, mais ce n'est pas significatif. On est sur une sorte de plateau. 122 personnes sont hospitalisées actuellement pour covid-19 dans le département, ce n'est pas une donnée très significative. Il y a des places vacantes dans les hôpitaux. La pression des malades du covid-19 sur les capacités en hospitalisation conventionnelle ou en réanimation n'est pas extrêmement forte actuellement dans le Rhône. L'expérience montre que tout cela peut évoluer très vite. Il faut rester vigilant. Mais pour l'instant, il n'y a pas d'alerte particulière dans le Rhône.
"93% des habitants du Rhône de + de 12 ans ont un schéma vaccinal complet"
Où en est la campagne de vaccination dans le Rhône ?
D'après les chiffres arrêtés au 2 novembre, on a franchi la barre des 1 500 000 personnes dans le Rhône avec au moins une dose (sur 1 800 000 d'habitants). Pour les personnes de + de 12 ans, cela représente 94% des personnes avec au moins une dose de vaccin. 93% ont un schéma vaccinal complet. On se situe très bien au niveau de la région, et on a même 3 ou 4 points de plus qu'au niveau national. Dans le Rhône, on a réussi à mailler le département. Il n'y a pas de zone blanche. Quelqu'un qui veut se faire vacciner peut le faire très facilement, ainsi aucune personne ne se trouve à plus de 20 minutes d'un centre de vaccination.
Ce haut taux de vaccination dans le département a un impact positif sur la prise en charge dans les hôpitaux, surtout en soins critiques. On le sait, le vaccin réduit considérablement le nombre de formes graves. Actuellement, 33 personnes sont en soins critiques (réanimation + soins médicaux continus) dans le Rhône pour covid-19. Au pic de la 3e vague, on a pu enregistrer jusqu'à 200-210 personnes en même temps. L'effort de vaccination a porté ses fruits.
La grande question, aujourd'hui, c'est la dose de rappel (ou la 3e dose) pour les personnes âgées de plus de 65 ans. Comment ça se passe dans le Rhône ? Comment faites-vous pour sensibiliser la population qui n'est pas toujours au courant ?
Au 2 novembre, dans le Rhône, 65 986 personnes sur une population cible de 125 000 personnes de + de 65 ans ont reçu une dose de rappel. La 3e dose s'injecte six mois après la 2e. On peut se projeter. Le pic des 3es doses, on devrait l'avoir d'ici 15 jours - 3 semaines dans le Rhône, autour du 20 novembre.
La population peut-elle toujours se faire vacciner dans les mêmes centres de vaccination ?
Dans le Rhône, on a maintenu quasiment tous nos centres de vaccination jusqu'à la fin du mois de décembre. Par contre, on a ajusté. Au plus fort de la campagne de vaccination, on était sur 150 000 - 160 000 vaccinations par semaine dans le Rhône, on est actuellement à 28 000 vaccinations par semaine. On a ajusté. Certains centres ne fonctionnent plus 7 jours sur 7 mais plus que 3 jours, ou le week-end. Il y a toujours la possibilité pour les personnes qui se sont fait vacciner de retourner là où elles ont reçu leur 1re ou 2e injection.
Deuxième chose, les professionnels de santé ont aussi la possibilité d'administrer, maintenant assez facilement, cette 3e dose. Ils ont accès au vaccin Pfizer en passant une commande auprès de leur pharmacien.
Aussi, la sécurité sociale, la CPAM, envoie des SMS lorsque les 6 mois sont passés, pour inciter les personnes à se faire administrer leur dose de rappel.
Il y a aussi un numéro vert national qui a été mis en place. Il permet d'être réorienté dans le Rhône vers une plateforme gérée par les infirmiers du département. Cette plateforme propose de faire appel à votre médecin traitant pour qu'il vienne vous vacciner à votre domicile, si vous le souhaitez. Et s'il ne peut pas, la plateforme trouve des infirmiers qui viennent vous vacciner à domicile.
"Après 80 ans, il y a un certain nombre de personnes qui n'ont pas envie de se faire vacciner tout simplement"
Où en est-on dans les quartiers plus populaires où le taux de vaccination était bien moins élevé ?
Dans certains territoires, où le taux de vaccination est moins important, notamment dans les quartiers populaires, on maintient des équipes mobiles pour vacciner directement à domicile. Après, il ne faut pas se mentir, on a eu plus de difficultés dans les quartiers en difficulté, malgré toutes les opérations qui ont eu lieu.
Il y a 10 ou 15 points d'écart par rapport à la moyenne départementale. Sur certains territoires, comme dans l'Ouest lyonnais, on est à quasiment 99% de taux de vaccination dans toutes les communes. Dans les quartiers populaires, c'est beaucoup plus compliqué, il y a environ 15 points de moins que la moyenne départementale. On n'a pas abandonné. Les élus connaissent leurs territoires et on continue donc de faire de grosses opérations. Mais c'est compliqué. Il y a une résistance d'un certain nombre de personnes à se faire vacciner.
Dans le département, alors que certaines catégories d'âge sont très vaccinées, notamment les 50-59 ans, les 60-64 ans ou les 70-79 ans, le taux de vaccination stagne chez les + de 80 ans. Comment l'expliquez-vous, et comment y remédier ?
On arrive à identifier ces personnes grâce à l'assurance maladie. On leur propose des transports gratuits, un taxi, une ambulance. Après, il y a aussi le libre choix des personnes. Certains refusent d'être vaccinés, pour différentes raisons. On essaye de proposer à toutes les personnes identifiées une possibilité de se faire vacciner. Dans certains départements, la sécurité sociale envoyait des SMS avec des convocations pour aller se faire vacciner, mais ça ne marchait pas du tout. Ce qui fonctionne le mieux, c'est la conviction. Il y a des personnes qui a cet âge-là ne souhaitent absolument pas se faire vacciner, vous ne pouvez pas forcer quelqu'un. Après 80 ans, il y a un certain nombre de personnes qui n'ont pas envie de se faire vacciner tout simplement.
Une reprise épidémique possible ? "Cette épidémie nous a appris à rester modestes et humbles"
On arrive au mois de novembre, il fait de plus en plus froid, on vit davantage à l'intérieur. Avec un taux de vaccination de l'ordre de 93% dans le Rhône pour les + de 12 ans, est-on à l'abri d'une nouvelle vague, d'un rebond épidémique ?
Aucun expert aujourd'hui ne peut vous affirmer quelque chose de manière précise. Même le Professeur Lina, la référence lyonnaise, ne peut pas vous dire avec exactitude comment tout cela peut évoluer. Pourquoi ? Parce qu'il y a un réservoir de personnes qui ne sont pas vaccinées. Le virus peut aussi se diffuser si les gestes barrières ne sont pas assez bien respectés. Il y a aussi une question qui va se poser, celle de la vaccination des 5-11 ans. Cela peut être un facteur de transmission dans cette tranche d'âge. Mais ce n'est pas à moi de la trancher. Il va y avoir une réflexion nationale. Aux États-Unis, ils ont commencé la vaccination des + de 5 ans.
Avec le rafraîchissement des températures, le fait qu'on se retrouve dans des pièces fermées, et le moins bon respect des gestes barrières, il peut y avoir une reprise épidémique. Par contre, à quel niveau ? Honnêtement, on ne sait pas. Cette épidémie nous a appris à rester modestes et humbles. On apprend tous les jours avec cette épidémie. On ne peut absolument pas faire de prédiction. On n'en sait rien du tout. Il y a tellement de facteurs qui peuvent entrer en ligne de compte
La question essentiel c'est surtout :
"comment se fait-il que l'immunité collective n'est toujours pas là avec un taux d'injection aussi élevé ?"
Pourquoi cette question n'est pas posée ?