Des villas qui s’échangent à deux voire trois millions d’euros. Piscine, spa, domotique, salles d’eau dans toutes les chambres. Mais les acquéreurs veulent surtout la discrétion.
Mais où est donc l’Eddy Barclay lyonnais, qui ouvre grand son portail à toute la jet-set locale et aux caméras ? Les Lyonnais ne sont pas bling-bling. Rien à voir avec Saint-Trop où chaque été les roturiers sont pris à partie pour départager les villas les plus fastueuses, les yatchs les plus fous. “Pour les vieilles familles lyonnaises, on ne montre pas qu’on a de l’argent. Alors que le Parisien a tout sur le dos”, compare Madame Bechetoille, la papesse de l’immobilier. À force de vivre cachés, ces Lyonnais doivent être immensément heureux.
3,8 millions d’euros pour une villa du Vieux-Lyon
Certes, la région lyonnaise ne compte pas le même luxe, la même extravagance que sur la Côte où les villas les plus cossues s’arrachent pour 10 ou 15 millions d’euros. Et plus encore à Paris, où certains domaines s’échangent à 30 ou 40 millions d’euros. À Lyon, les prix n’excèdent pas sept chiffres. Mais à bien rechercher, on y trouve un luxe insolent. L’an dernier, c’est au Vieux-Lyon que s’est vendu le bien le plus cher : 3,8 millions d’euros. Une villa de 600 m2, couleur corail, qui dispose de plusieurs salles de réception. Et d’une piscine avec une vue plongeante sur la Saône. Cet exemple n’est pas isolé : autour de Lyon, les maisons huppées se rachètent à deux voire trois millions d’euros, contre un million pour un bel appartement bourgeois en Presqu’Île.
À Caluire, entre l’Île Barbe et le Vernay, une belle demeure rénovée de 800 m2 a été cédée pour 2,5 millions d’euros. Elle compte un parc de 1,8 ha en pleine ville, sans piscine mais avec un court de tennis, un bassin et un sentier découverte qui accède au plateau. “À l’intérieur, elle comprend un ascenseur”, décrit Philippe Mazet, directeur de Mercure Lyon.
On ne négocie pas en-deçà de 50 000 euros
À Saint-Cyr, une propriété de 380 m2 dans un parc de 7000 m2 s’est vendue pour deux millions d’euros. Elle comprend six chambres et autant de salles d’eau, une maisonnette pour invités et une vue panoramique sur les Alpes et l’agglomération. Le propriétaire s’est fait un petit plaisir en aménageant un immense garage climatisé sous la roche, pour ses dix véhicules de collection.
Il y a bien à Lyon une clientèle pour ce micro-marché. Capitaines d’industrie, entrepreneurs, médecins, architectes, hauts cadres de multinationales, chercheurs et bien sûr joueurs de l’OL. Gérant de l’agence Madame Bechetoille, Alexandre Schmidt a même vu un jour débarquer un ouvrier de 40 ans dans son agence, qui “roulait en Corsa”. C’était un heureux gagnant du Loto qui cherchait un appartement à Lyon et une belle propriété dans les environs. Des clients en or : à l’évocation de leurs critères de recherche, certains ne mentionnent pas de budget limite. Cette clientèle fortunée, de commerce agréable, bien éduquée, se raidit toutefois lors de la négociation. Car ils négocient. “Ils sont dans les affaires donc ils ont l’habitude de cela”, souffle Philippe Casile, fondateur d’Arlim. Leur plus petit billet fait 50 000 euros - on ne se bat pas pour des pécadilles.
Spa, domotique et salle de sport
Point commun à tous ces biens, la piscine, le plus souvent chauffée. C’est le sujet récurrent - évident - de toutes les photos immobilières de luxe. Le bassin peut prendre la forme d’un couloir de nage, ou se trouve parfois en intérieur avec spa, comme dans cette villa de Saint-Cyr de 470m2. Son espace détente de 85 m2 doté d’une piscine, d’un hammam et d’un sauna jouxte le séjour. Idéal pour barboter devant sa série préférée ! Elle s’est vendue à 2,1 millions d’euros.
Si le bassin est à la maison de luxe ce que l’eau courante et l’électricité sont aux appartements, le terrain de tennis, passé de mode, n’est plus demandé. La salle de sport est en revanche répandue, la discothèque un peu moins. Certains disposent d’une vraie salle de cinéma capitonnée. Les garages font la taille de grands appartements lyonnais, afin d’accueillir les bolides de collection.
Les dirigeants d’entreprises, voyageurs, tiennent à la domotique intérieure qui leur permet d’allumer le chauffage avant leur arrivée, de déclencher à distance l’arrosage de la pelouse, d’ouvrir les volets depuis leur lieu de vacances pour faire croire à leur présence. Sensibles à leur sécurité, d’aucuns s’équipent de caméras de surveillance disséminées dans leur propriété. Certaines grandes familles disposent encore d’un gardien à demeure. Les riches sont naturellement sensibles au luxe intérieur, aux prestations soignées, en particulier dans les cuisines et salles de bain.
Google Earth, l’allié du Fisc
Très attachés au confort intérieur, les plus nantis se terrent derrière de hauts murs et d’imposants portails. Et se désespèrent de savoir que les plus curieux peuvent tout de même avoir une vue imprenable de leur intimité via les images satellites de Google Earth. Cet outil leur donne des suées froides : il permet à l’administration fiscale d’observer les travaux qui ont pu être réalisés : une véranda, une piscine, une annexe rénovée. Autant d’éléments qui viennent renchérir la valeur du bien, laquelle doit être réévaluée chaque année pour la déclaration d’ISF. La taxe foncière est aussi augmentée proportionnellement aux améliorations portées au bâti. “Je paie six fois plus aujourd’hui qu’il y a neuf ans, quand j’ai acheté ma villa”, témoigne un habitant de Caluire. Celui-ci assure avoir vu des hélicoptères survoler de belles propriétés dans le Midi, avec à bord des photographes officiant pour le Fisc. C’est là l’une des clés expliquant la discrétion des grandes fortunes.
Même les joueurs de l’OL, parangons du m’as-tu-vu et de l’exubérance bêcheuse, ont appris à vivre à la lyonnaise depuis quelques cambriolages et car-jacking. Retranchés dans leur ghetto, les riches ne s’autorisent que quelques sorties dans leur paradis doré. Chaque dimanche, de belles voitures paradent dans les petites rues de St-Cyr. “Certains vont faire leur marché en Ferrari”, raconte une habitante. Plus discrets à Lyon, ils le sont moins aux sports d’hiver ou sur la Côte. “Les Lyonnais ne sont pas bling-bling... à Lyon. Mais le sont le week-end dans leur propriété du Var ou des Alpes-Maritimes”, sourit Laurent Chotel, cogérant de Piétrapolis.
L'immobilier de luxe est un micro marché mais l'exubérance et le bling bling sont de moins en moins à la mode. Ne dit on pas que le vrai luxe est souvent le plus discret...