Alain Gay

"L'IA n'est ni ni bonne ni mauvaise, tout dépend de l'usage qu'on en fait"

2023 été l'année de l'intelligence artificielle pour le Monsieur et Madame Tout-le-Monde, notamment avec sa figure de proue ChatGPT. L'Université de Lyon s'est adaptée.

Alain Gay est professeur à l'Isara, école lyonnaise qui forme les futurs ingénieurs agricoles. Il a vu les débuts de chatGPT, ce "saut quantitatif considérable". Coordinateur du groupe de réflexion sur le plagiat à l'Université de Lyon, il a participé à la modification de la charte anti-plagiat des universités de la région pour y intégrer les intelligences artificielles génératives.

"Il n'y a aucune raison de mettre l'intelligence artificielle de côté. Un outil n'est ni bon ni mauvais en soi. C'est l'usage qu'on en fait."

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La retranscription intégrale de l'entretien avec Alain Gay

Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 minutes chrono de 2024. Meilleurs vœux à tous. Alain Gay, bonjour.

Bonjour.

Vous êtes enseignant à l'ISARA et coordinateur du groupe de réflexion sur le plagiat à l'Université de Lyon. On vous avait reçu sur ce plateau il y a un an, quasiment jour pour jour. On avait parlé de chatGPT qui arrivait en force, notamment dans les universités. A l'époque vous nous parliez de chatGPT comme d'un "saut quantitatif considérable" .J'imagine que vous avez toujours ce même discours. Un an après la généralisation de chatGPT, qui marque les débuts grand public de l'intelligence artificielle, comment vous voyez les choses, quel bilan faites-vous ?

Déjà, ce qu'on peut dire, c'est que l'émotion qui avait suscité la sortie de ces nouveaux outils est aujourd'hui un petit peu retombée. Maintenant, on sait un petit peu de quoi il retourne exactement. Et donc, la plupart des établissements d'enseignement supérieur, universités et grandes écoles, ont commencé à réfléchir à comment bien utiliser cet outil, puisque c'est un outil qui permet de réaliser un certain nombre de tâches, d'améliorer, on va dire entre guillemets, la productivité des gens qui l'utilisent, que ce soit du côté enseignant ou que ce soit du côté élève. La question maintenant c'est comment en faire un bon usage.

Oui finalement c'est comment s'adapter à cette intelligence artificielle non pas la mettre de côté c'est ça un peu l'idée.

Mais il n'y a aucune raison de la mettre de côté. Un outil n'est ni bon ni mauvais en soi. C'est l'usage qu'on en fait. A cet égard, il est assez curieux d'ailleurs de constater que la maison mère de chatGPT n'a publié, finalement, le mode d'emploi de son outil que très récemment. Donc, en fait, c'est ça, c'est toute la difficulté, c'est comprendre ce que cet outil est, comment il fonctionne, ce qu'il permet de faire et, du coup, comment est-ce qu'on peut bien l'utiliser.

Ce que je disais en introduction pour vous présenter c'est que vous faites partie d'un groupe de réflexion sur le plagiat à l'Université de Lyon groupe de réflexion. J'imagine donc que vous réfléchissez forcément. Mais aujourd'hui, par exemple comme à Sciences Po Paris, est-ce que l'université de Lyon a également une charte anti-plagiat ?

Alors, on a une charte anti-plagiat depuis une quinzaine d'années, signée par l'ensemble des établissements. Et l'an passé, suite à l'arrivée de ces IA génératives, on a un petit peu modifié cette charte pour y intégrer précisément les usages des textes ou des documents qui sont générés. On a donc complété en quelque sorte cette charte pour y intégrer les intelligences artificielles génératives.

Et en gros alors, c'est peut-être compliqué de résumer, mais la charte anti-plagiat de l'Université de Lyon version 2024 avec chatGPT notamment, l'IA générative, c'est quoi finalement en quelques mots ?

Cette charte, de toute façon, sur le fond, elle n'a pas changé en ce sens qu'on demande à tout producteur de documents de citer ses sources. Donc, on cite ses sources, quand on utilise un article, un livre, ou quoi que ce soit, mais de la même façon, on va maintenant citer ses sources. On élargit en fait le champ des textes pour lesquels il faut être transparent. La charte se termine par un engagement à toujours systématiquement dire d'où on sort l'information qu'on utilise.

Alors on est peut-être dans la fiction mais est-ce qu'un jour les intelligences artificielles pourront remplacer les professeurs ou pas ?

Alors, écoutez, non je ne crois pas à ce type de scénario. Pas plus que les intelligences artificielles ne remplaceront les journalistes mais elles aideront. Le terme intelligence d'ailleurs n'est pas très bon. Mais enfin, ces outils aideront à réaliser des tâches. Par exemple, pour un enseignant, on va utiliser ces outils pour générer plus facilement des questionnaires, des QCM, pour générer des documents pour préparer des exercices, pour orienter les élèves vers des pratiques de révision, vous voyez.

Et oui donc effectivement le prof sera toujours là. On aura toujours besoin évidemment d'un professeur. Mais est-ce que sur le côté élèves comment ils peuvent s'en servir ? Parce qu'on peut se dire qu'ils peuvent rendre des devoirs tout corrigé tout fait par les intelligences artificielles.

Effectivement. Alors d'abord, tout tient aussi dans la façon dont on formule la demande. C'est-à-dire qu'effectivement si on demande à un élève d'aller chez lui faire un exposé sur un sujet donné, on lui tend la perche pour qu'il aille puiser. Par contre, si on lui demande une analyse de textes, par exemple, là déjà les intelligences artificielles ne peuvent plus le réaliser.

Vous voyez la différence en tant que professeur d'enseignement à Isara ?

Bien sûr. Donc il faut absolument revoir un tout petit peu nos pratiques d'évaluation pour justement éviter ce biais. Et puis, il faut dire aussi que les outils de détection ont fait de gros progrès pendant cette année. On utilisait déjà en routine, et de façon un peu systématique, des outils de détection de copier-coller. Et maintenant ces outils ont étendu leurs possibilités pour détecter des passages qui seraient générés automatiquement par l'intelligence artificielle.

En deux mots très rapidement est-ce qu'on peut dire que l'intelligence artificielle c'est une nouvelle tour de Babel ?

Encore une fois, ça dépend ce qu'on va en faire. Quand Wikipédia est arrivé on a eu cette même émotion, les profs ont eu peur de l'usage. Et puis finalement, on l'a dompté cet usage. Donc je pense qu'il n'y a pas de raison qu'on n'arrive pas à dompter aussi ces outils d'intelligence artificielle.

Ce sera le dernier mot. Merci beaucoup Alain Gay d'être venu sur ce plateau de 6 minutes chronos Et je vous reformule tous mes vœux pour cette année 2024. Grand bonheur petit plaisir et un peu de poésie. À très bientôt. Au revoir.

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