Lundi 13 janvier s'est tenue l'audience solennelle de rentrée de la cour d'appel de Lyon, sous l’égide de Régis Vanhasbrouck, premier président, et de Sylvie Moisson, procureure générale, en présence de nombreuses personnalités politiques, civiles, militaires, universitaires, religieuses et judiciaires lyonnaises.
"Le seul défi qui compte est de faire que les Français retrouvent confiance dans leur justice". Lors de la consacrée rentrée de la cour d'appel de Lyon (un rite judiciaire requis pour rendre compte de l'exercice écoulé, article R111-2 du code de l'organisation judiciaire), lundi 13 janvier, son premier président, Régis Vanhasbrouck, a commenté, en conclusion de son discours, un sondage de l'Ifop pour L'Express, publié en septembre : en dix ans, la côte de confiance des Français dans leur justice avait reculé de dix points passant de 63% à 53%. "53 %, courte majorité (...). La Justice n’est pas, bien évidemment, la seule institution dans l’État à vivre cette défiance, et elle peut d’un certain point de vue se consoler en constatant que même méfiants, les justiciables, sans du reste un certain paradoxe, la saisissent de plus en plus."
Cette année, la phrase du premier président résonnait, avec d'autant plus d'écho dans la salle des pas perdus des "24 colonnes", que quelques jours plus tôt, des avocats du barreau de Lyon en grève avaient jeté leurs robes lors d'une manifestation contre la réforme des retraites. Une colère renouvelée ce lundi, en marge de l’audience solennelle de rentrée de la Cour d'appel, par une grosse cinquantaine d'avocats contenus par la police à l'extérieur du palais de justice.
Moins d'1 arrêt sur 10 cassé par la cour de cassation
La justice, justement. Contrairement à de nombreuses cours d'appel françaises qui connaissent une baisse des affaires nouvelles, le contentieux civil de celle de Lyon reste "stable". "Cette année encore, nous parvenons à sortir un peu plus d’affaires que nous n’en rentrons, et donc à diminuer d’autant le stock des affaires en cours." Soit précisément 9 729 affaires terminées contre 9 631 affaires nouvelles. Deux points d'inquiétudes, néanmoins : d'une part, le stock des affaires en cours devant la chambre sociale, qui représente près de la moitié du stock civil global de la cour, avec des délais de fixation des affaires à plus de deux années ; et, d'autre part, la flambée du contentieux de la rétention des étrangers sur appel des décisions des juges des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, en hausse de 35% entre 2018 et 2019, hausse qui devrait se poursuivre en 2020 avec l’augmentation de la capacité d’accueil du centre de rétention de Lyon Saint Exupéry.
Quant au contentieux pénal, Régis Vanhasbrouck a souligné le doublement, en deux ans, du volume d'affaires devant la chambre d'instruction (2 814), "au point que hors Paris, notre chambre de l’instruction est désormais la deuxième chambre de l’instruction de province derrière celle d’Aix-en-Provence." Le premier président a toutefois indiqué que le taux d'arrêts cassés par la cour de Cassation par rapport aux pourvois jugés est très bon à Lyon, soit 9% contre 16,5% à l'échelle nationale, "un indice de qualité très satisfaisant à mettre au crédit des magistrats qui m’entourent, mais aussi des greffiers et fonctionnaires du greffe qui garantissent, dans des conditions difficiles eu égard à situation des greffes, la régularité formelle de l’arrêt."
Stups, trafic d'armes, attentats...
Lors de ses réquisitions – les sixièmes depuis sa prise de fonction au nom du ministère public de la cour d'appel de Lyon – Sylvie Moisson, la procureure générale, n'a elle aussi pas manqué de tancer les manifestants en robe noire (de l'avocat) et rabat rouge (de la colère). " 'Les rites sont dans le temps ce que la demeure est dans l'espace' écrivait Antoine de Saint-Exupéry. Rien ni personne, ni même une collectivité bruyante et peu respectueuse de nos rites ne me fera taire."
Si le premier président évoquait le désamour d'1 Français sur 2 pour la justice, la procureure générale a, quant à elle, mis en exergue les "attaques personnelles" auxquelles sont de "plus en plus exposés" les magistrats, "mises en ligne sans réflexion ou déontologie pour celles d’entre elles qui émanent de professionnels qui y sont pourtant soumis. Signe des temps, nous rétorquera-t-on ,sauf que la liberté de blâmer n’est pas celle d’invectiver, de salir ou de mettre en danger sans s’exposer à voir engager sa responsabilité."
Préambule prononcé, la procureure générale de la cour d'appel a rappelé les chiffres de l'activité de la cour, précisant qu'"un dossier est équivalent à (aucun) autre dans chacun de nos domaines d’attribution". Et d'évoquer les JIRS (juridiction interrégionale spécialisée) dans le domaine de la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance économique et financière de grande complexité (traite des êtres humains, réseaux internationaux de trafics de stupéfiants, blanchiment d'argent, trafics d'armes, règlements de compte, etc.). "Chaque dossier d’enquête et de poursuites dans ces domaines présente un poids particulier dans notre activité, à l’instar de la gangrène que ces faits génèrent sur la tranquillité et la paix publique ainsi que la démocratie dont l’économie souterraine issue de cette délinquance sape les fondements."
La procureure générale est également revenue sur la création du PNAT (le parquet national antiterroriste), entré en fonction au début de l'été dernier, précisant que l'instruction des deux faits de type terroriste subis à Lyon – les premiers depuis la vague d'attentats de 2015 – sont toujours en cours (à Lyon pour l'attaque au couteau à Villeurbanne, le 31 août dernier, et à Paris pour la bombe rue Victor Hugo, en mai dernier).
Nouveau droit des peines
L'assemblée réunie exceptionnellement dans la salle des pas perdus a sans aucun doute aussi retenu l'hommage appuyé aux policiers, gendarmes, pompiers et douaniers. "Je précise que je vise là les actions violentes menées au cours des manifestations contre les biens et les personnes et tout particulièrement les fonctionnaires de la police ou les militaires de la gendarmerie, bien plus que les quelques plaintes déposées contre les forces de l’ordre qui sont, en tout état de cause, systématiquement traitées avec objectivité et professionnalisme par les parquets".
Et d'évoquer le policier de la DDSP, tué (lors du discours, le policier était entre dans le coma) à Bron lors d'une tentative d'interpellation d'individus circulant dans un fourgon et suspectés d'être impliqués dans le cadre d'une enquête diligentée pour vols aggravés en bande organisée (lire ici). La procureure générale a encore souligné les grands chantier à venir pour 2020 : les violences faites aux femmes, "un de nos champs d'action les plus prioritaires", la justice pénale des mineurs, la réforme du droit des peines, "véritable changement de paradigme". "Le législateur a en effet refondé le droit de la peine, afin de rendre son application plus lisible et plus efficace, en favorisant sa mise à exécution rapide dans le respect du principe d’individualisation des peines."
Concrètement : pour les peines d'emprisonnement inférieures ou égales à 1 mois : détention à domicile sous surveillance électronique ; pour les peines comprises entre 6 mois et un an, elles seront elles aussi aménagées, si la personnalité et la situation du condamné le permettent et sauf impossibilité matérielle.
En résonance avec la citation choisie par le premier président, la procureure générale a pris soin de mentionner Victor Hugo : "il n’y a qu’une nécessité, la vérité et c’est pour cela qu’il n’y a qu’une force, le droit". Rien de moins que la confiance en la justice.
Presque 1 Français sur 2 qui n'a pas confiance en la justice, et ça ne leur pose pas plus question que ça ?
Le français qui a toujours confiance, y-a-t il été soumis ? (en tant que victime ou responsable)
C'est bien de citer le droit, à condition que les lois ne se contredisent pas (voir droit administratif contre d'autres droits), que les moyens financiers permettent des enquêtes rapides mais complètes, que le système des avocats n'engendre pas une différence de peine lorsque vous avez "un bon avocat" plutôt qu'un "mauvais avocat".
(là encore, l'argent joue, car un "bon avocat" ça veut surtout dire un cabinet avec de nombreux collaborateurs qui peuvent fouiller dans toute la jurisprudence, ce qui coûte plus cher qu'un seul avocat noyé sous les dossiers !)
Et finissons par aussi une citation de Victor Hugo :
"ouvrez des écoles et vous fermerez des prisons".
(à condition évidemment d'avoir de vraies bonnes écoles et non des fabriques à envieux adaptés à un système économique de fous pour pousse à "prendre le chiffre d'affaires au voisin").