Coursive_Corbas

"La deshumanité" des nouvelles "prisons modèles"

Lyon-Corbas a connu deux suicides en mars. C'est, selon l'Observatoire international des Prisons, l'établissement qui accuse le plus fort taux de suicide de France. Sont pointés "les rapports sont devenus froids et impersonnels, par interphone ou vidéosurveillance interposés".

Funeste mois de mars à la prison Lyon Corbas. Selon le Progrès, une femme d'une soixante d'années s'est donnée la mort samedi dernier. Un événement qui fait suite au suicide le 11 mars d'un jeune détenu qui s'était pendu. Deux semaines auparavant, un autre aurait tenté de mettre fin à ses jours en mettant le feu à se cellule. Des drames qui viennent raviver la polémique autour de la "prison du futur".

Depuis son ouverture en 2009, la maison d'arrêt de Corbas est mise à l'index. Lundi 11 mars, un détenu a été retrouvé mort après s'être pendu dans sa cellule. D'après l'UFAP Rhône-Alpes, l'Union Fédérale Autonome Pénitentiaire, la victime n'était pas astreinte à une surveillance particulière: "Son comportement à la maison d'arrêt n'indiquait pas un comportement suicidaire".

Le plus haut taux de suicide de France

Dans son rapport 2012, l'Observatoire international des prisons (OIP) révélait que la prison Lyon-Corbas accusait le plus fort taux de suicide de France, avec 7 passages à l'acte sur la période janvier-novembre 2011. Des chiffres qui placent la maison d'arrêt de Lyon-Corbas devant Fleury Mérogis, Fresnes, les Baumettes, Toulouse Seyses et Val-de-Reuil dans l'Eure.
Mais pour Céline Reimeringer, présidente de la délégation Rhône-Alpes de l'OIP, le nombre de suicides n'est pas le seul indicateur à prendre en compte. "On ne sait rien sur le chiffre des suicides parce que l'administration se garde bien de le divulguer. Aux suicides s'ajoutent les violences contre soi-même (actes auto-agressifs) ou contre les autres, chiffres beaucoup plus révélateurs quant à la violence ressentie dans un établissement."

L'un des points noirs resterait la surpopulation carcérale. "Personne ne nie plus la violence générée par la prison, renforcée par son surencombrement chronique (879 prisonniers pour 688 places au 1er février dernier à Corbas)."

Une situation inchangée depuis 2009

Après le suicide d'un détenu, c'est le groupement étudiant national d'enseignement aux personnes incarcérées (GENEPI) qui est monté au créneau en dénonçant "la déshumanité de ces établissements pénitentiaires d'un nouveau type" dans un communiqué. Pourtant, Corbas était présentée à l'origine comme la prison du futur, hyper moderne et ultra sécurisée. La garde des sceaux de l'époque, Rachida Dati mettait l'accent sur "la dignité respectée" des détenus.

Mais dans un rapport de 2009, soit quelques mois seulement après l'ouverture de la prison, le contrôleur général des lieux de privation de liberté déplorait déjà un premier suicide et deux tentatives.

Le compte rendu insistait notamment sur la"gestion catastrophique des flux" et l'absence de dialogues entre détenus et surveillants: "Les surveillants ont unanimement déclaré qu'ils n'avaient plus le temps de dialoguer avec les détenus. Les rapports sont devenus froids et impersonnels, par interphone ou vidéosurveillance interposés. Les uns et les autres regrettent les rapports humains qui s'établissaient au quotidien sur l'ancienne maison d'arrêt de Lyon Perrache."

L'absence de prises de parole individuelle ou collective

Pour Céline Reimeringer, les nouveaux établissements comme Corbas ne sont "qu'une mise en forme concrète de ce double mouvement de politique pénale et pénitentiaire : créer un désespoir ; l'étouffer". Abandon, désespoir et absence totale de droit de parole sont pour l'OIP les éléments d'un cercle vicieux qui conduit à la violence.

"Il existe en prison un fort sentiment d'abandon des prisonniers par le politique et la société, source d'un profond désespoir. En parallèle, la volonté de l'administration pénitentiaire de faire taire toute prise de parole collective des détenus, et souvent toute prise de parole individuelle, conduit les intéressés à s'exprimer dans la violence. Cette violence consiste à se blesser soi-même, voire à se supprimer : ce n'est pas sans signification".

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