Les salariés de France Télécom étaient une nouvelle fois appelés à faire grève, ce mardi, pour dénoncer la souffrance au travail. En visite à Lyon, le président du syndicat CFE-CGC/UNSA de France Télécom Sébastien Crozier, a réagi aux dernières décisions du PDG Didier Lombard qui tente de désamorcer la crise sociale traversée par le groupe de télécom.
Lyon Capitale : Le PDG Didier Lombard s’est de nouveau exprimé ce mardi devant les organisations syndicales sur ce qu’il nomme le nouveau “contrat social”. Pensez-vous que la direction générale a pris conscience de l’ampleur de la souffrance qui règne à France Télécom ?
Sébastien Crozier : La direction a pris conscience de l’ampleur des dégâts mais pas des causes. Tout ce que propose la direction relève du curatif, en annonçant notamment la fin de la mobilité forcée pour les cadres supérieurs, l’augmentation du nombre de médecins du travail et la suspension des restructurations jusqu’à la fin de l’année. C’est nécessaire mais pas suffisant. Depuis cinq ans, on fait du cost-killing au lieu d’investir. La direction nous explique qu’elle veut faire d’Orange une marque sans salarié. De 2003 à 2009, 30 000 emplois ont été supprimés. Parallèlement, l’Etat, premier actionnaire, saigne l’entreprise en demandant de plus en plus de dividendes. 80% de nos bénéfices vont aux dividendes, ce qui a représenté pour 2008 la somme de 4 milliards d’euros.
Que pensez-vous de l’arrivée de Stéphane Richard, l’ancien directeur de cabinet de la ministre de l’économie, au poste de directeur général ?
Il est jeune (50 ans). S’il n’est pas atteint par le syndrome Thierry Breton, il est là pour longtemps. Ce qui permettrait de sortir du courtermisme. Car tant qu’on ne retrouvera pas un vrai projet industriel, on ne retrouvera pas de sens dans le travail.
Comment France Télécom pourrait sortir de l’impasse dans lequel le groupe s’est engagé ?
On ne reconstruira pas en quinze jours, ce qu’on a détruit en quinze ans. Il faut d’abord arrêter les délocalisations voire relocaliser les activités parties en Tunisie, au Maroc ou à l’Ile Maurice. La France pourrait par exemple légiférer en obligeant les opérateurs télécoms à implanter leurs services de hot line sur le territoire. Ensuite, il faut trouver un projet industriel. Puisque les opérateurs refusent d’investir dans la fibre optique “dans chaque foyer” en raison des coûts d’investissement, on pourrait imaginer faire comme en Allemagne ou en Grande Bretagne, développer la fibre optique “dans chaque village” avec le maintien de la dernière boucle en cuivre. Si les dividendes sont divisés par trois, France Télécom aura de quoi financer le déploiement de cette infrastructure.
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