REPORTAGE - Le quartier, l'un des plus social de Lyon, début 2003, avec ses 80% de logements HLM et sa population majoritairement bénéficiaire des minimas sociaux, fait l'objet d'une opération de renouvellement urbain. Sept ans de travaux ont complétement transformé le quartier, mais il faudra plus de temps pour que changent les mentalités. Une visite du quartier était organisée jeudi 10 février.
10 février 2011 - Chantier de la Halle d'athlétisme de la Duchère
15 heures. Départ du bus affrété par la préfecture. Mis à disposition des journalistes désireux de (re)découvrir le plateau de la Duchère. L'état a prévu d'y investir 50 millions d'euros d'ici 2016, la moindre des choses c'est que les électeurs le sachent et donc, que la presse s'en fasse l'écho. Il reste aussi des surfaces commerciales à vendre, ainsi que quelques logements. Cela vaut bien le déplacement. Le bus se met en branle, c'est parti. Les quais, le tunnel sous Fourvière, sortie "Ecully - Le Perollier", nous voici en ascension vers le Plateau. Rendez-vous est fixé à 16h avec les élus au pied de la tour panoramique de la Duch', comme on dit ici.
Gérard Collomb et le préfet, suivis de près par une flopée d'élus et d'ingénieurs du projet, l'urbaniste Alain Marguerit est là, Dominique Nachury (UMP) pour le conseil général aussi. Tous se décident à peine à commencer la visite que deux jeunes habitants du quartier les interpellent. "Et m'sieur ! On a quelque chose à vous dire !". - "Vous n'avez qu'à nous dire bonjour d'abord", lance le maire, Gérard Collomb. Les deux garçons ne se dégonflent pas, ils s'approchent du préfet Carenco pour lui demander du travail, et lui tendent leurs CV : "les numéros (de téléphone) sont là m'sieur".
Vers une "banalité urbaine de qualité"
Un peu plus loin le convoi d'une trentaine de personnes s'arrête chez un courtier en assurance. Une jeune femme, issue du quartier, nouvellement installée : "je suis trop bien, c'est trop bien", répète-t-elle inlassablement au préfet. Son commerce rose et blanc, hyper moderne et spacieux vient d'être inauguré. Elle y fait des affaires avec les nouveaux habitants. Ils ont besoin d'assurer leurs logements, leurs voitures, leurs enfants, etc. On se congratule.
Cinq minutes plus tard, la meute repart. Elle emprunte l'avenue du Plateau. Impressionnante cette rue, tant elle est méconnaissable. Tous les immeubles, six ou sept sortis de terre en deux ans, comptent au moins une trentaine de logements flambants neufs. Construits dans un style différent, l'un arbore des panneaux de bois en façade, l'autre est plus minéral, un autre présente des panneaux de métal beige. Très modernes. Et les commerces en rez-de-chaussée, ce Simply Market flambant neuf est digne de la Presqu'île. Le préfet résume bien ce sentiment qu'inspire les lieux, il parle d'une avancée vers une "banalité urbaine de qualité". Plus du tout l'impression d'être dans une cité ghetto, mais dans n'importe quel quartier moderne d'une grande ville.
L'esprit de "Chicago"
Reste les habitants et leur fort sentiment d'appartenance, il transparait surtout chez les jeunes. Les nouveaux propriétaires sont là : 25% originaires du Plateau, 20% de l'ouest lyonnais, 50% de Lyon 5e, 6e ou 9e. et 5%qui viennent d'ailleurs. A terme le quartier doit passer, selon Louis Lévèque, adjoint au maire de Lyon chargé de la politique de l'habitat, de 80% de logements locatifs sociaux à 55%, et 45% de logements privés.
Pour ce faire, 1200 logements ont déjà été détruits, 500 restent à démolir d'ici 2016. Les barres sont tombées, la première "Chicago", comme l'appelait les habitants (barre 420 pour les urbanistes) a d'abord été coupée en deux et entièrement rénovée. Les habitants sont contents. Ensuite, la barre 220 a suivi. Foudroyée le 19 mai dernier, 330 ménages ont été relogés. Suivra la barre 430 à la Sauvegarde en 2011, et la barre 230 en 2014. Dans cet objectif, 348 familles restent à reloger. Une partie ira investir les immeubles flambants neufs de l'avenue du plateau, les résidences Nelson Mandela et Agora, ça change de Chicago...
10 février 2010 - Montage photo des immeubles Agora et Nelson Mandela à La Duchère
Les jeunes, en mal de prouesses ?
Fin de la visite au square Averroes, le soleil couchant inonde l'espace public d'une douce lumière orangée. Les enfants sortent de l'école primaire des Bleuets, neuve elle aussi, ils jouent. Derrière le jardin public, s'élèvera bientôt la halle d'athlétisme de la Duchère et sa charpente de 100m sur 70m, une prouesse architecturale.
Fin de la visite. Un jeune boutonneux un peu rond au sweat-shirt représentant l'Algérie s'approche du préfet. "M'sieur je me suis pris une contravention, vous pouvez me la faire sauter ?". Jean-François Carenco, beau joueur, relève le numéro de plaque d'immatriculation, il ne promet rien. De retour au local du Grand projet de ville, il s'interroge : "Et ces jeunes, quel effort, quelle prouesse individuelles réalisent-ils ? Ceux qui me donnent leur CV, je les aiderai. Mais s'ils me disent, demain, que Vénissieux c'est trop loin. Alors, moi, je m'arrêterai".