Photographies sur un mur dans une galerie
Catherine Dérioz et Jacques Damez de la galerie Le Réverbère, à Lyon @Antoine Merlet
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“La financiarisation de l’art s’est organisée comme une Bourse de réinscription d’économies souvent troubles”

Entre impérialisme des foires, financiarisation du marché de l’art, le duo des Pentes de la galerie photo Le Réverbère se lâche. Sans filtre et focale grand angle.

Leur dernière exposition a beau s’intituler Histoire(s) sans fin, Catherine Dérioz et Jacques Damez fermeront bel et bien les portes du Réverbère à la fin de l’année. 121 ans quasiment jour pour jour après l’invention, à Lyon, par les frères Lumière, de l’autochrome. Pilier de la scène photographique, la galerie, installée sur les pentes de la Croix-Rousse en 1981 “avec beaucoup de passion et pas mal de débrouille”, et uniquement consacrée à la photographie contemporaine, “dans tous ses ‘états” s’était fait une jolie réputation de défricheuse de talents. Entre impérialisme des foires, financiarisation du marché de l’art, le duo des Pentes se lâche. Sans filtre et focale grand angle.

Lyon Capitale : Êtes-vous des grandes gueules ?

Catherine Dérioz : Non, mais être franche et directe, je sais faire. Les politiques de la ville savent qu’on n’a pas mâché nos mots pour leur dire ce qu’on pensait de leur politique culturelle vis-à-vis de la photographie.

Jacques Damez : Je peux crier fort pour pouvoir stopper le brouhaha, faire du silence pour pouvoir nous écouter. En ce sens, je suis peut-être une grande gueule.

“La langue de bois s’est installée”, dites-vous dans le communiqué annonçant la fermeture de votre galerie. Toutes les opinions sont-elles encore bonnes à dire aujourd’hui ?

JD : Je pense que tout est bon à dire, si c’est dit correctement. Mais il y a une énorme distinction à faire entre la réaction et la réponse. Aujourd’hui, via les réseaux sociaux, les réactions sont immédiates et relèvent plus de la pulsion, rarement intelligente, que de la prise en considération de la parole, qui construit de la pensée et du débat. Or, une société sans débat se meurt, et ce n’est pas avec des likes ou des injonctions “c’est beau, c’est pas beau” qu’elle ira mieux.

Vous fermez le Réverbère parce que le modèle économique d’une galerie de cette taille n’est plus viable. Est-ce la seule raison ?

CD : Il y a vingt ans, Patrice Béghain, adjoint à la culture de la Ville de Lyon, sous le premier mandat de Gérard Collomb, nous avait dit qu’on travaillait comme un service public, sans qu’on nous l’ait demandé et sans coûter un centime à la collectivité. Ça n’a pas bougé, on n’a jamais eu de subvention de fonctionnement de la Drac ou de la Ville – ni de mécénat privé d’ailleurs. La seule aide qu’on ait eue a été celle pour participer à Paris Photo. On a défendu le fait que comme toute entreprise, les galeries avaient besoin d’aide à l’export pour trouver ailleurs d’autres marchés. On avait réussi à convaincre Denis Trouxe, adjoint à la culture de Raymond Barre, qui, s’il ne savait pas ce qu’était la Fiac, avait bien compris l’intérêt pour la ville, pour l’image de Lyon, puisque nous étions la seule galerie hors Paris à être sélectionnée.

“La foire est devenue l’événement à cocher dans le calendrier artistique avec pour conséquence une désertification des galeries"

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