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La garde à vue de la maire du 1er était-elle justifiée ?

Que s’est-il réellement passé mardi soir au collège Truffaut, sur les pentes de la Croix-Rousse ? Nathalie Perrin-Gilbert, la maire du 1er, a passé 10 heures en garde à vue pour “incitation à la rébellion” et “complicité de violences envers les forces de l’ordre” jeudi en lien avec ces événements. La version des habitants du 1er diffère en tout cas nettement de celle de la police.

Selon le ministère public, qui a ouvert une enquête jeudi, trois policiers ont porté plainte ; ils auraient reçu des canettes de boisson au visage. Pourtant, parmi les personnes que nous avons interrogées et qui étaient sur place mardi soir, aucune n'a assisté à de telles violences. Seul un policier de la Bac a gazé à la bombe lacrymogène un groupe de personnes, dont la maire du 1er et des enfants du 1er, selon les témoignages que nous avons recueillis. Selon toute vraisemblance, il semble bien que Nathalie Perrin-Gilbert, la maire du 1er, placée en garde à vue jeudi à la suite de ces événements, ait fait office de bouc émissaire pour une partie des habitants et des commerçants du 1er qui réclament depuis trois semaines des logements pour les SDF roms de leur quartier.

Les parents d’élèves à la manœuvre

Tout a commencé à 18h mardi soir, sur l'esplanade de la Grande-Côte (Lyon 1er). Le collectif de parents d'élèves des écoles Aveyron, Servet, Gonot, Victor-Hugo et du collège de la Tourette du 1er, rejoint par les collectifs des écoles Berthelot et Gilbert-Dru (Lyon 7e), avait appelé à un grand rassemblement. Ces habitants qui viennent en aide à cinq familles roms de leur quartier sans logement avaient collé des affiches cette semaine sur les murs du quartier, et quelque 150 personnes les avaient rejoints, des commerçants, des artisans du quartier et quelques personnalités politiques : Armand Creus, conseiller régional du Front de gauche et l'infatigable Nathalie Perrin-Gilbert, maire de secteur, étaient là aussi. "Ce n'est pas Nathalie Perrin-Gilbert qui a organisé le rassemblement ni l'action qui a suivi, mais bien nous", précise un commerçant du 1er joint par Lyon capitale et présent sur place mardi soir.

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Parallèlement à ce rassemblement, 7 personnes organisatrices sonnaient au même moment à la porte du collège Truffaut, place Morel, 800 mètres plus bas dans les Pentes. "On a tout simplement sonné, on savait que le bâtiment était gardé par un vigile depuis sa désaffection et qu'il était chauffé, éclairé, que l'eau serait facilement mise en service. Nous avions donc l'intention de demander sa mise à disposition par le Grand Lyon, propriétaire, pour loger les sans-abri du quartier sans solution", précise l'un des organisateurs. "Sachant qu'un projet d'auberge de jeunesse et de crèche sont prévus dans les locaux pas avant trois ans, le bâtiment peut abriter des SDF cet hiver", estiment les militants du droit au logement du 1er. Ils réclament par ailleurs des solutions aux autorités, au préfet Carenco et au maire Gérard Collomb depuis un mois, sans succès.

"Nous avons expliqué notre projet à la vigile, qui nous a ouvert, nous lui avons expliqué que nous voulions occuper pacifiquement le bâtiment, soit elle était de notre côté, soit elle partait ; elle est partie et a probablement appelé la police, car quelques minutes plus tard nous avons vu trois policiers de la Bac arriver. Ils se sont postés devant le bâtiment", précise une maman.

“Un des policiers a gazé le groupe”

Une fois le bâtiment accessible pacifiquement, les 7 militants ont appelé leurs collègues sur l'esplanade de la Croix-Rousse, leur demandant de faire descendre le cortège des manifestants jusqu'au collège afin de l'occuper. 150 personnes environ ont alors rejoint dans le calme et par la rue du Bon-Pasteur l'établissement désaffecté. Seul incident, "lorsque le cortège est passé à hauteur de la place Morel, un des policiers de la Bac a gazé le groupe où se trouvait Nathalie Perrin-Gilbert et des parents avec des enfants en bas âge", raconte un commerçant. Armand Creus (GU, Front de Gauche, photo ci-dessous) aurait alors demandé aux policiers de ne pas s'en prendre à des enfants, "ses deux collègues l'ont raisonné : “Tu ne vas pas t'en prendre à des enfants quand même”, lui ont-ils dit, et il s'est arrêté de lui-même", raconte un témoin. Une trentaine de personnes se sont alors introduits dans le collège, se sont ensuivies des prises de parole pour demander au Grand Lyon d'ouvrir le lieu pour les SDF pendant l'hiver et d'en délivrer la gestion à une association ou à une ONG.

Armand Creus dans l’émission L’Autre Direct sur Lyoncapitale.fr, le 27 novembre 2013 © Elise Julliard

© Elise Julliard
Armand Creus dans l’émission L’Autre Direct sur Lyoncapitale.fr, le 27 novembre 2013.

"Au bout d'un moment, des jeunes autonomes qui avaient eu l'information de notre rassemblement sur les réseaux sociaux sont entrés par les fenêtres, ils étaient une vingtaine. Les policiers, qui étaient de plus en plus nombreux, des policiers municipaux ainsi que des gendarmes, les ont vus faire. Ils ont encerclé le collège et on a senti une pression. Il fallait qu'on parte", raconte un organisateur. Nathalie Perrin-Gilbert aurait alors demandé aux policiers l'autorisation d'entrer pour demander aux militants de sortir. Se serait ensuivie une discussion d'une demi-heure à l'intérieur du collège pour convaincre les jeunes de sortir. "Vers 21h, 21h10, nous avons tous quitté le bâtiment dans le calme, il n'y a même pas eu de contrôle d'identité, c'est pour dire !" témoigne un habitant.

"Notre intention n'était pas d'occuper le bâtiment par la force, nous voulions juste faire une action de communication", précise un organisateur. Résultat, seule la maire du 1er, candidate dissidente contre Gérard Collomb aux municipales, a été convoquée à l'hôtel de police, avenue Marius-Berliet (Lyon 8e), le lendemain, où elle a passé 10 heures en garde à vue. Elle en est sortie très fatiguée mais libre et sans mise en examen. Le parquet a ouvert une enquête, officiellement, il n'exclut pas d'éventuelles poursuites pour "incitation à la rébellion" et "complicité de violences envers les forces de l'ordre".

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Transis sur les bancs de l’école

Les parents d'élèves, eux, désespèrent depuis trois semaines de devoir loger eux-mêmes les Roms de leur quartier en l'absence de places au 115. 850 personnes se verraient ainsi refuser chaque soir à Lyon une place dans un hébergement d'urgence, malgré le plan froid. "Les familles que nous suivons sont depuis 15 ans à Lyon, nous les connaissons, leurs enfants sont nés à Lyon pour certains, les parents travaillent sur le marché de la Croix-Rousse et n'ont toujours pas vu leur situation s'améliorer. C'est lamentable, et la politique mise en place n'est pas la bonne. Mieux vaudrait mettre en place des structures pérennes que de dépenser tout ce fric pour les loger dans l'urgence chaque hiver. On marche sur la tête", estime un habitant, membre du collectif. En attendant, tous les matins, les gamins des Roms scolarisés dans les écoles du quartier et qui dorment dans des cabanes ou des voitures arrivent transis sur les bancs de l'école. Seule une famille avec 5 enfants a été relogée depuis le début du plan froid parmi les familles suivies à Lyon 1er. La préfecture précise qu'elle a ouvert 160 nouvelles places lundi à Lyon. Elle prévoit d'en ouvrir 120 autres d'ici le 13 janvier. 850 seront ouvertes en tout mi janvier.

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