La guerre des casinos

En toile de fond, la conquête d'Internet.

403 millions d'euros. C'est le chiffre d'affaires cumulé des 22 casinos implantés dans la région, pour la saison 2006/2007. Une manne financière gigantesque, mais qui ne suffit pas à satisfaire les appétits d'ogre des casinotiers, chacun exhibant à qui mieux mieux ses bilans. Le casino d'Annemasse, dont le nom ressort actuellement devant les tribunaux (lire Pasqua rattrapé par la justice), affiche ainsi l'une des plus fortes dégringolades de l'année, avec - 10,8 % de CA. Globalement, le secteur rhonalpin enregistre une perte de 0,5 % de son produit brut des jeux (PBJ*) par rapport à la saison précédente, soit des revenus en baisse de 2 millions d'euros.

Et la bataille à laquelle se livrent les grands groupes est implacable. Parfois même, elle tourne au vinaigre, comme à Lille, où il aura fallu une décision du tribunal pour départager les deux rivaux (Barrière vainqueur par KO contre Partouche).
Quatre groupes détiennent 75% du marché
Dans son rapport sur les jeux d'argent de 2002 (commission à laquelle siège Michel Mercier), le sénateur François Trucy, sénateur du Var, évoque la "virulence de la compétition qui oppose les groupes entre eux", ainsi que les "manoeuvres de débauchage de personnel qui se sont produites, par le passé, quand tel ou tel casino voulait d'urgence compléter ses effectifs devant l'expansion des établissements". Six ans plus tard, les comptes ont-ils été réglés ? D'aucuns répondent par l'affirmative. "Nos relations sont très bonnes au sein de la profession !" sourit Laurent Lassiaz, président du directoire du groupe JOA (ex Moliflor Loisirs), troisième casinotier français dont le siège est à Lyon. A regarder de plus près, rien n'a changé. Les casinotiers indépendants sont plus que jamais à la merci des groupes. Deux chiffres sont particulièrement parlants : aujourd'hui, les huit premiers groupes casinotiers représentent plus de 85 % du marché national et quatre d'entre eux en détiennent 75% (Barrière, Partouche, JOA et Tranchant). L'heure est aux fusions-acquisitions, aux concentrations et à la cannibalisation des plus petits..

Les indépendants de la région Rhône-Alpes résistent pourtant bien. Mieux qu'ailleurs peut-être. On en compte encore neuf sur vingt deux (41%). "On se respecte quand même, explique William Carré, directeur du casino de Challes-les-Eaux, en Savoie. On sait qu'ici, c'est Carré. Personne ne vient mettre son nez dans le coin". Quand bien même... quand on demande à Laurent Lassiaz, président du directoire du groupe JOA, s'il y a des opportunités, il ne cache pas ses ambitions : "en matière d'acquisitions futures, Rhône-Alpes a du potentiel : il y a Allevard, Annecy, Noirétable, Brides-les-Bains, Challes-les-Eaux...".
Autrement dit, tous les indépendants. Challes-les-Eaux réalise + 9% de CA, Hauteville-Lompnes + 8,9%, Noirétable + 79 % (le casino a démarré en 2005). De quoi aiguiser les appétits, et promettre un paysage des bandits-manchots quasi monopolistique.
La bataille du Texas Hold'em
Le poker risque aussi d'être l'une des grandes batailles que vont se déclarer les casinos : "L'Isère , la Savoie et la Haute-Savoie sont de gros départements à poker. Ça va chauffer !" affirme William Carré, de Challes-les-Eaux. Barrière et Partouche, respectivement nème1 et nème2, vont s'affronter durement pour attirer le maximum de clients. Au Lyon vert, la famille Partouche a d'ailleurs mis le paquet en organisant le "1er grand tournoi en salle de Texas Hold'em no limit" avec une récompense de ... 2 000 000 d'euros. Bref, rien ne va plus.

La contre-attaque en ligne
Mais la plus grosse bataille se joue dans les salons feutrés, entre l'Etat et les casinotiers. Ces derniers ont entamé un bras de fer avec le gouvernement pour pouvoir se lancer sur Internet. Trucy, le zélé sénateur du Var, a remis une couche fin décembre 2007 : "la crise des jeux qui s'installe en Europe et dans le monde est directement liée à ces avancées technologiques et aux énormes enjeux financiers qu'internet suscite pour des opérateurs nouveaux, modernes et dynamiques qui attaquent les vieux monopoles européens des jeux". Et de conclure, habilement, à l'attention de Nicolas Sarkozy : "l'Etat doit sans tarder instaurer une nouvelle politique des jeux, en rupture avec un style et des méthodes qui ont vécu". Le président "bling-bling" appréciera.

"Si cela n'aboutit pas, lance Patrick Partouche, à la tête du 2e casino de France, à Charbonnières, j'ai déjà demandé une licence de jeux en ligne à Gibraltar, où nous pourrons installer une filiale Internet". Avant l'Euro 2008. Et le lyonnais JOA de conclure : "tout doit être prétexte à s'amuser, rigoler. Les casinos sont des lieux où les gens peuvent se rencontrer, créér du lien, venir s'évader, sans pour autant avoir un objectif de jeu". Les propriétaires, quant à eux, veulent du cash.

* PBJ : différence entre les mises et les gains.

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