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La Guillotière à Lyon : de l’autre côté du pont, les échauffourées

Par son histoire troublée et son mélange social singulier, la Guillotière – “de l’autre côté du pont” comme on dit localement – a toujours cristallisé autour d’elle un imaginaire collectif et alimenté les fantasmes de foyers d’infection, de rébellion ou de clandestinité. Pour autant, ces arrêts sur image que le quartier montre à voir se confondent parfois, de plus en plus souvent même, avec des réalités bien tangibles. La crise a-t-elle été amplificatrice des difficultés du quartier de la Guillotière ? Qu’a-t-elle révélé sur ce territoire qui déchaîne toutes les peurs et les désirs ? Répondre à ces questions n’est pas aisé sans faire d’amalgames et sans alarmer une population un peu désemparée.

3, 9, 16, 24, 26 mai. Place Gabriel-Péri, carrefour de la Guillotière, les mauvais numéros se suivent et se ressemblent. Rixes, échauffourées, passages à tabac, couteaux et coups de feu, “la médina de Lyon” comme l’appelle son plus célèbre habitant, l’ancien ministre Azouz Begag, ne cesse de défrayer la chronique. Pendant le joli mois de mai, étrange entre-deux confiné déconfiné, jamais la place du Pont, ainsi que les Lyonnais continuent de la nommer, n’avait autant pris la lumière... noire. Dans le silence assourdissant du confinement, le petit bruit de la Guill’ est devenu emphatique et hyperbolique. “L’autre côté du pont” aurait-il basculé du côté obscur ?

Inventaire à la gangster

Dimanche 3 mai, 20 h. Entre la rue Paul-Bert et la rue Auguste-Lacroix, derrière le Clip, double bâtiment vitré et déliquescent emblématique de la place Gabriel-Péri, une bagarre à l’arme blanche et à coups de lancers de barrières Vauban éclate entre plusieurs individus. Des vidéos sous des angles différents prises par des habitants, alors aux fenêtres pour applaudir les soignants, circulent de manière virale sur les réseaux sociaux. Selon les autorités, il s’agit de personnes qui se partagent le marché de contrebande de cigarettes du quartier. Le week-end suivant, à l’entrée du Casino de la place Gabriel-Péri, une autre vidéo fait le buzz (1,7 million de vues) : peu avant 19 h, un vigile est frappé par un individu, sans masque qui semblait vouloir entrer dans le supermarché, un autre esquive le coup de poing d’un second individu, le tout sous les yeux de nombreux badauds. Les agresseurs sont en situation irrégulière. Une semaine plus tard, rue Bonnefoi, à cent mètres à vol d’oiseau de la place Gabriel-Péri, un Stéphanois de 20 ans, tout juste sorti de prison et faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire, donne plusieurs coups de couteau à un Écullois de treize ans son aîné. Ils sont tous deux vendeurs de cigarettes à la sauvette. Dimanche 24 mai, aux alentours de 22 h, un homme de 23 ans est passé à tabac par une dizaine d’individus, Grande-Rue-de-la-Guillotière. Le lendemain, à l’angle de la rue Pasteur et de la rue Basse-Combalot, où les dealers de stupéfiants opèrent en toute tranquillité, de violents affrontements ont lieu avec matraques et armes blanches. Des coups de feu sont même tirés. Trois individus sont déférés devant la justice.

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