À Lyon, les manifestations contre la loi El Khomri ont rassemblé plusieurs milliers de personnes ce jeudi, bien moins que celle de la semaine dernière. Lycéens et étudiants, soutenus par les syndicats de travailleurs, poursuivent leur combat contre la réforme du Code du travail et contre le Gouvernement, avec le rêve éveillé d’un mai 2016. Verbatim.
"Sous le goudron, les pavés, puis la plage." Le ton est donné sur l'affiche des lycéens mobilisés. Le petit cortège part du campus des quais de Lyon 2 pour rejoindre l'IEP, avenue Berthelot.
Depuis ce matin, plusieurs lycées de la ville ont décidé de se mobiliser pour la journée de manifestation du 17 mars. "Vous êtes motivés ou pas ?" lance Leïla à la centaine de lycéens galvanisés. Leïla est en terminale au lycée Ampère. Pour elle, cette manifestation est l'occasion de montrer que la jeunesse est concernée par son avenir. Elle exprime également son sentiment de déception face à un "gouvernement qui se dit de gauche mais qui ne l'est absolument pas". Leïla milite au Syndicat général des lycéens, elle siège également à la coordination des lycées du Grand Lyon. Ce groupement créé pour organiser la lutte des lycéens de la métropole regroupe plus de 8 établissements, dont les lycées Lumière, Ampère, La Martinière, Diderot, Charbonnière et Saint-Exupéry.
“Moi, je ne comprends pas comment en augmentant le temps de travail on va faire baisser le chômage des jeunes”, explique Laura, en terminale au lycée Lumière. Leïla a peut-être déjà la réponse : "Pourquoi ne pas faire travailler tout le monde 32 heures et l'harmoniser au niveau européen ?" propose la future bachelière.
Une passante peine à cacher son irritation sur la manifestation d'aujourd'hui : “Ça m'énerve qu'ils manifestent. Ils ne maîtrisent pas la question.” Ce type de mouvement ne lui est pourtant pas inconnu : "J'ai manifesté contre la réforme du collège pour défendre le latin et j'étais étudiante en mai 1968, j'étais dans la rue. Mais là, on manifeste tout le temps, j'en ai marre." À en croire cette ex-soixante-huitarde, la jeunesse n'a pas sa place dans la rue contre cette réforme.
L’alternance pour lutter contre le chômage des jeunes
Accueilli par les militants anarchistes, le cortège lycéen rejoint les centaines de personnes réunies sur la place Bellecour. À midi, la fumée du barbecue de la “Céget” embaume la place alors que la camionnette de Solidaires
balance Soul Survivor des Rolling Stones. Les vieux briscards de la CGT ou de FO sont aussi présents, à l'instar de mercredi dernier. Georges Termignon est là "pour soutenir les jeunes et s'opposer à la casse du Code du travail". Le drapeau rouge aux trois lettres blanches flotte au-dessus de son épaule, la gauche. Lui aussi a connu Mai 68 et, à l’aube de la retraite, il continue de se mobiliser.
"Le vrai problème de cette réforme, c'est la manière dont elle a été mise en place. Avant, le Gouvernement consultait les syndicats, qui menaient une enquête dans les entreprises pour vraiment savoir ce qu'il fallait changer", explique le cégétiste, conscient de la lourdeur du Code du travail et du problème de renouvellement des postes : "À Orange, d'ici trois ans, 30 000 personnes vont partir à la retraite et les jeunes qui sortent des écoles d'ingénieurs ne sont pas formés pour travailler sur le réseau."
Pour mieux intégrer ces 20 % de jeunes au chômage sur le marché du travail, Georges Termignon propose de revaloriser l'alternance : "L'avantage de l'alternance, c'est de confronter les connaissances de la formation directement au monde du travail et de pouvoir obtenir un job après le diplôme."
Un même combat mais deux cortèges
Nans, membre des Jeunesses communistes, continue de se mobiliser pour "conserver des droits et des conditions de travail décentes". Hier, une assemblée générale à l’université Lyon 2 avec les différents syndicats et les étudiants non affiliés a permis d'organiser la suite de la lutte : élection des représentants de Lyon 2 à la coordination nationale, vote du blocus, manifestation jeudi 24 mars.
Ce jeudi matin, le président de l'université a pris la décision de fermer les deux campus pour la journée suite aux blocus. "Sur le fond, on est tous d'accord pour le retrait complet de la loi", mais Nans précise qu'il y a quelques dissensions sur l'organisation des manifestations.
En effet, la manifestation est divisée en deux cortèges. Le premier regroupe les militants de Solidaires, CGA (anarchistes) et les jeunes communistes de Lyon (non affiliés à la JC nationale). Le second réunit les Jeunes Communistes, l'Unef et la CGT en fin de cortège. La semaine dernière il y avait aussi deux cortèges, les échauffourées de la place Bellecour se sont produites alors que certains manifestants avaient refusé de s'arrêter place Jean-Macé. Ce jeudi, des affrontements se sont produits place Guichard.
Lycéens et étudiants continuent leur mouvement, forts du soutien de centrales syndicales grisées aux manifestations. A Lyon3 Léo, coresponsable syndical de l'UNEF évoque des initiatives locale : “Je souhaiterais organiser une conférence avec d'autres syndicats dont l'Uni.” En attendant, il prêche la parole nationale de l'Unef, à savoir l'exigence du retrait complet du projet de loi.
La nostalgie d'un Mai 68 mythifié galvanise plus d'un jeune. La portée du mouvement est conditionnée par la manifestation du 31 mars prochain, date de la mobilisation nationale annoncée depuis le début du mois par sept centrales syndicales.