Il est notamment signé par Gérard Collomb et Manuel Valls. L'urgence de notre congrès : faire surgir une pensée réformiste.
Si nous nous sommes rassemblés pour écrire cette proposition, c'est que le Congrès de Reims nous semble démarrer sous de mauvais auspices.
Ce Parti, nous l'aimons. Nous voulons qu'il gagne !
Pour cela, il faut fédérer, rassembler, réfléchir ensemble, c'est pourquoi, rien ne serait pire que de nous engager, quatre ans à l'avance dans un combat qui n'aurait d'autre objet que de pré-désigner notre candidat.
D'abord, pour garantir le bon déroulé du congrès : les manœuvres d'appareil risqueraient fort de l'emporter sur le débat d'idées.
Ensuite parce que, pendant quatre ans, le PS courrait le risque de s'autodétruire dans un combat de personnes alors qu'aujourd'hui l'enjeu essentiel est de définir une ligne politique claire susceptible d'être entendue des Français.
Commençons donc par tirer les enseignements de notre histoire :
Nous avons compris désormais que ce n'est pas d'abord la personnalité de nos candidats qui les a fait perdre lors des dernières élections présidentielles. Il ne pouvait y avoir plus différent que Lionel JOSPIN et Ségolène ROYAL.
Ce qui nous a conduit à l'échec c'est l'absence de lisibilité de nos propositions. Les Français, plongés dans un environnement qui les inquiète et semble les placer sur la voie de la régression, ne nous ont pas fait confiance pour répondre aux enjeux du monde d'aujourd'hui.
Et ce qu'ils attendent du Parti socialiste, ce n'est donc pas, comme certains le suggèrent, qu'il radicalise encore son discours mais qu'il prenne en compte les changements du monde d'aujourd'hui, et qu'il soit à même d'apporter une réponse concrète, pour améliorer leur vie quotidienne.
La Gauche a longtemps vécu sur un certain nombre de certitudes. Elles se sont effondrées.
L'Utopie Communiste incarnée dans les pays du Socialisme réel s'est abîmée dans un double naufrage : naufrage des libertés et naufrage lié à son incapacité à supporter la concurrence avec l'économie de marché.
La pensée social-démocrate dont nous sommes issus a été évidemment beaucoup plus fertile dans sa volonté d'intégrer libertés, justice sociale et performance économique. Son modèle en a été la " Social-démocratie " scandinave. Il a marqué une partie des pays européens. Mais l'internationalisation de l'économie et par voie de conséquence les limites des politiques économiques développées dans le cadre de l'Etat Nation sont venues en marquer les limites.
D'une certaine manière, l'histoire de notre parti en est une parfaite illustration : arrivés au pouvoir sur des politiques de relance, nous avons finalement été contraints d'accepter le "tournant de la rigueur" qui ne marquait pas une simple parenthèse mais actait un tournant dans l'Etat du Monde.
Être de Gauche, être Socialiste suppose d'abord de penser le monde dans lequel nous vivons pour ne pas être contraint de subir "le cours logique du monde tel qu'il va".
Nous continuons à être portés par un idéal de progrès, de justice sociale, d'épanouissement de la personne humaine. Nous ne résignons pas à accepter le monde tel qu'il est aujourd'hui. Nous voyons bien chaque jour l'insupportable souffrance de pans entiers de notre société, nous constatons l'inquiétude de couches moyennes de moins en moins confiantes dans leur avenir. Plus grave, nous sentons le recul constant des valeurs de solidarité, de respect, de service (notamment public) dans notre société. Nous voyons bien que la France vit une crise culturelle de ses valeurs républicaines fondatrices.
Le culte de l'argent et de la réussite individuelle ne peuvent résumer seuls l'avenir d'un pays, en fonder le lien social. Portant plus loin notre regard, nous mesurons l'ampleur des inégalités qui se creusent partout entre les pays, mais aussi à l'intérieur de chaque pays.
C'est fort de nos expériences qu'il nous faut désormais " penser le monde en mouvement " pour regagner l'hégémonie intellectuelle qui seule nous permettra de gagner les nouvelles batailles politiques. Nous voulons que le Parti Socialiste redevienne le parti de la pensée. Une pensée que nous avons délaissée depuis trop longtemps et qui pourtant s'impose. Car nous savons tous qu'une page s'est tournée.
A ne pas le faire, nous devenons conservateurs. A ne pas le faire nous perdons la capacité à dessiner des perspectives. A ne pas le faire, nous laissons des femmes et des hommes désabusés quant aux propositions que nous leur présentons.
Certains sont dès lors tentés par les discours de radicalité que peut leur tenir l'Extrême Gauche. Non qu'ils croient en la capacité de celle-ci de proposer un projet alternatif à l'ordre (ou plutôt au désordre du monde actuel) mais ce radicalisme leur apparaît le plus susceptible de porter leurs protestations devant une réalité porteuse de régression pour leur propre vie et pour celle de leurs enfants. L'histoire nous le montre. C'est toujours quand les Socialistes sont faibles que se développent des discours radicaux.
Une autre partie de nos concitoyens, lassés de nous entendre répéter les mots anciens sera tentée par le discours réformiste de François BAYROU. C'est déjà largement ce qui s'est passé lors des dernières présidentielles.
Il est donc urgent que le Parti Socialiste redécouvre un langage conquérant adapté au monde d'aujourd'hui. C'est de cette manière que nous retrouverons le meilleur de la tradition du socialisme : celui d'un socialisme clairement réformiste. Il nous faut pour cela redonner un sens au beau mot de réforme et non le laisser détourner comme on a tenté de le faire avec le nom de Jaurès ou de Guy Mocquet.
Le dilemme devant lequel nous sommes, le décalage entre des discours anciens et un monde qui change n'est pas nouveau, il a marqué toutes les étapes de l'histoire du socialisme.
Ce fut, dans le Socialisme Français, l'apport fondamental d'un Jaurès capable de transgresser un Socialisme figé pour intégrer les valeurs de la République dans la pensée socialiste. Ce fut son combat en faveur des Dreyfusards dont il a montré qu'il n'était pas un combat bourgeois mais un combat pour l'Homme auquel les Socialistes se devaient de participer.
Ce fut, à l'intérieur du mouvement social-démocrate, l'intégration de politiques keynésiennes pour construire des politiques économiques conjuguant justice sociale et efficacités économiques.
Le temps est venu d'affirmer un nouveau réformisme capable de prendre en compte le mouvement du monde d'aujourd'hui :
. Celui des révolutions scientifiques et techniques qui marquent notre époque,
. Celui d'une globalisation économique qui bouleverse les rapports entre les acteurs économiques et politiques,
.Celui de l'émergence de nouveaux pays qui jouent un rôle grandissant sur la scène mondiale,
.Celui des déséquilibres démographiques qui marquent notre planète et viennent percuter de plein fouet chacun de nos pays,
.Celui de ce " moment écologique " où pour la première fois l'homme se trouve confronté à un monde fini et à des ressources limitées,
.Celui, enfin, du changement de nos modes de vie que ces différents facteurs ont révolutionnés.
Une démarche portée par les acteurs de nos territoires
Cette volonté réformiste affirmée, on pourrait nous demander en quoi notre position de responsables locaux nous donne quelque légitimité à la porter. N'y aurait-il pas derrière notre démarche la défense d'un localisme étroit, d'un socialisme 'municipal' borné ?
Ce serait ignorer ce qu'est la réalité de nos villes et de nos territoires aujourd'hui, ce serait méconnaître une histoire dont ils ont toujours été porteurs.
Dans son livre 'Le pouvoir des villes', l'urbaniste Jean Haëntjens reprend une expression de Fernand Braudel sur les 'Villes lièvres' et 'l'Etat tortue'. Fernand Braudel résume parfaitement l'une des caractéristiques majeures de notre système politique européen : Les Etats ont la puissance ; les villes ont la créativité.
Depuis l'Antiquité grecque, les Cités ont toujours été à la pointe de l'innovation. Ce sont elles qui ont été à l'origine des deux principaux piliers de notre monde occidental : démocratie et échange marchand, prémices du développement du capitalisme.
La capacité inventive des villes tient d'une certaine manière aux mêmes raisons que celles des PMI : réactivité, souplesse, positionnement concurrentiel, capacité à créer du désir.
L'essor des villes a d'ailleurs toujours été concomitant de cycles d'innovations technologiques. Cela a été le cas au XVIe siècle où aux premières grandes inventions -imprimerie, boussole- correspond un âge d'or des grandes cités européennes. Cela a été vrai au XIXe siècle, où elles ont fortement accompagné
le développement de l'industrie. Les villes ont donc toujours joué un rôle novateur, chaque fois que la société doit changer de modèle de référence. Tout indique que nous sommes engagés, depuis les années 1980, dans un troisième cycle d'un renouveau des pouvoirs urbains correspondant à la nouvelle révolution scientifique en cours. Les villes sont à nouveau en mouvement. Elles sont aujourd'hui en première ligne pour inventer un nouveau modèle de développement durable sur le plan économique, social et écologique.
Ce renouveau se traduit partout dans le monde par un accroissement significatif des compétences des villes, par un foisonnement d'innovations dans tous les domaines: innovation économique, lutte contre le réchauffement climatique, recherche d'une nouvelle cohésion sociale, mise en place de formes plus abouties de démocratie participative.
C'est pourquoi nous nous sentons quelque part fondés à intervenir dans le débat politique national pour contribuer à inventer, à partir de notre expérience de la gestion de nos territoires, un projet nouveau prenant en compte les mutations du monde. Car ces mutations, nous en sommes à la fois, au niveau local, les premiers spectateurs et même les premiers acteurs.
Un monde Nouveau
Car c'est bien un monde nouveau dans lequel nous vivons aujourd'hui, un monde qui n'a plus qu'un rapport lointain avec celui dans lequel nous avons vécu jusque dans les années 70-80.
Il a connu en effet trois grands chocs qui l'ont totalement transformé :
- Des révolutions scientifiques : nouvelles technologies de l'information et des communications, bio et nanotechnologies nous ont fait rentrer dans un nouveau format historique qui a bouleversé l'ensemble de nos repères à l'espace, au temps et même au vivant :
• avec une accélération induite par les NTIC dans tous les autres champs de la science,
• avec un rétrécissement de l'espace qui fait que nous vivons aujourd'hui dans un seul et même monde,
• avec un changement de la nature même du vivant permis par les manipulations génétiques.
- Une globalisation dans laquelle de nouvelles forces sont apparues :
• avec des multinationales qui ont dépassé les états et déployé leur projet économique au niveau du monde entier,
• avec l'apparition de fonds de pension et de fonds souverains qui sont devenus les premiers investisseurs contribuant à la volatilité financière qui fragilise aujourd'hui le système économique mondial,
• mais surtout avec l'émergence sur la scène internationale de nouveaux pays qui bouleversent l'équilibre du monde.
En 90, après la chute de Berlin et la fin du communisme, on nous annonçait la fin de l'histoire, les faits avaient tranché, le capitalisme et l'occident avaient gagné. On ne séparait pas alors ces deux termes.
Aujourd'hui de nouvelles puissances sont apparues qui n'ignorent rien du capitalisme, y compris financier, alors que l'occident semble hésiter entre deux systèmes de pensée : régler tous les problèmes par la force (Etats-Unis) ou bien se payer de mots sans pouvoir peser sur la scène internationale (Europe).
La victoire sur " le péril communiste " a vécu et d'autres périls menacent : terrorisme islamique, incapacité à trouver les bases d'une entente commerciale, mouvements spéculatifs des fonds de pensions ou des fonds souverains.
- L'émergence de l'urgence écologique : la montée en puissance de notre système productif étendu aux pays émergents a abouti à un phénomène unique dans l'histoire des hommes : depuis les années 50, l'impact de nos activités sur la biosphère devient suffisamment massif pour en dérégler les grands mécanismes régulateurs. Il se produit des dégradations globales que nous ne savons réparer. Nous sommes entrés dans une nouvelle ère que le sociologue André Micoud appelle le " moment écologique " : celle de la gestion et de la régulation du vivant où la question de la vie devient la question majeure, où nous devons changer de vision quant à notre rapport au monde pour passer d'un système à un autre où l'homme est maître et possesseur de la nature où il n'est qu'un vivant parmi les vivants, responsable des conditions de tous.
Cette fin d'un monde ancien, qui s'incarna largement dans le monde des Trente Glorieuses, nous inspire aujourd'hui encore beaucoup de nostalgie. Pourtant aujourd'hui il est définitivement périmé.
Nous avons vu sa chute s'incarner dans nos territoires. Ce fut la fermeture de nos entreprises victimes d'un modèle industriel vieilli ou de la concurrence des pays émergents.
Nous avons vu l'Etat devenir de moins en moins capable de réguler une économie qui s'internationalisait.
Nous avons vu notre système d'état providence se gripper peu à peu et perdre de son caractère opérationnel.
Nos villes, nos territoires en ont longtemps porté les cicatrices !
Mais nous savons aussi que si l'on peut regretter cette époque, on n'y reviendra pas et qu'il nous faut donc redéfinir ce que peut être aujourd'hui une politique de gauche :
- dans une économie mondialisée.
- dans un monde désormais fini où l'homme est désormais responsable de l'avenir des générations futures.
Il nous faut le faire en ouvrant un large débat parmi les socialistes et leurs sympathisants.
Il nous faut le faire en prenant enfin en compte les analyses d'intellectuels qui depuis des années tentent de nous alerter sur la voie à suivre pour réduire la dette publique, aborder avec lucidité le problème des retraites, du vieillissement de la population ou encore la question du réchauffement climatique.
Dans cette redéfinition, nous entendons rester fidèles aux valeurs qui fondent le socle du Parti Socialiste : celle du progrès, de la justice sociale et de l'épanouissement de la personne humaine. Il s'agit toujours pour nous comme l'avait dit Jaurès de " prendre en compte le réel pour aller à l'Idéal ".
Affronter la mondialisation
Le réel aujourd'hui, c'est la mondialisation dont les caractéristiques se complexifient chaque jour.
Dans ce paysage en constante mutation, l'avenir pour notre pays est sombre -notre PIB par habitant est aujourd'hui 30% inférieur à celui des Etats-Unis. Le retard de croissance cumulé depuis 1991 représente pour chaque Français un manque à gagner de 1800 euros par an, 15% du SMIC net annuel. Notre économie repose très largement encore sur des produits de plus en plus de moyenne, voire de basse technologie, en concurrence avec ceux des pays émergents et s'engage ainsi dans le cercle vicieux de la paupérisation : délocalisation, pression sur les bas salaires et les droits sociaux, désinvestissement dans la formation, dégradation de l'environnement.
S'ils veulent pouvoir porter un projet de défense du pouvoir d'achat, de maintien de la protection sociale, les socialistes ont donc à dire comment la France peut réagir. Et ils ne trouveront de crédibilité que s'ils opèrent une véritable révolution culturelle par rapport au monde de l'entreprise.
Maîtriser la dérive spéculative de l'économie internationale
Nous sommes certes fondés à dénoncer un certain nombre de dérives du monde actuel :
- Une carence patente de la gouvernance dans le cas de la Société Générale de EADS.
- La démesure de certains patrons lorsqu'ils s'accordent des revenus exorbitants alors même qu'ils prônent volontiers la rigueur pour les autres.
- Les parachutes dorés octroyés à ceux là même qui ont failli dans leur entreprise.
Plus généralement, il nous faut constater que le passage d'un capitalisme industriel à un capitalisme financier pose un problème de fonds.
La crise des subprimes dont on a pu voir qu'elle n'était pas qu'un épiphénomène mais qu'elle pouvait déboucher sur une récession mondiale, en est bien sûr un exemple.
Mais plus généralement on peut s'inquiéter du mouvement de glissement des investissements des grandes firmes multinationales au profit d'organismes financiers. Les premiers réalisaient des investissements productifs. Les seconds visent à réaliser des plus values à travers l'achat puis la revente à terme d'entreprises auxquelles ils n'apportent pas de valeurs ajoutées mais dont ils peuvent au contraire entraîner la destruction d'une partie du capital productif. L'époque est donc à la mise en place de nouvelles régulations, dont d'ailleurs sont demandeurs les plus libéraux dès lors que se retourne la conjoncture et que leurs placements spéculatifs tournent à la catastrophe. La crise qui s'annonce aujourd'hui aidera donc ceux qui, comme nous, croient que l'économie mondiale a besoin d'une régulation globale.
Soutenir l'innovation
Mais notre discours serait plus entendu si nous savions, dans le même temps, affirmer le caractère essentiel des entreprises pour l'avenir de notre pays. Car nous savons bien que pour réussir, nous devons nous appuyer sur elles, notamment pour faire émerger l'économie de demain, cette économie de la connaissance qui voit désormais la prééminence de la qualité sur la quantité, de l'innovation sur la rationalisation, de la souplesse et de la rapidité sur la rigidité. Une économie dont le facteur clé réside dans l'immatériel et où désormais le savoir-faire et la capacité créative sont les principaux ingrédients d'un capital humain qui devient la ressource majeure de la réussite.
La gauche doit donc être au côté des créateurs. Elle doit porter une politique favorable à l'investissement des entreprises, à celles qui font la croissance et ne se contentent pas de la rente.
La différence entre la prospérité et le déclin se joue souvent sur un demi-point d'écart de croissance accumulé pendant des années ou des décennies. D'un cycle à l'autre, notre économie ne doit pas manquer de ce supplément qui permet que le chômage n'augmente pas, que les comptes publics ne se dégradent pas et que nos entreprises restent compétitives.
Aujourd'hui, l'essentiel des créations d'emplois est réalisé par les PME, or celle-ci souffrent d'une politique économique et industrielle qui les ignore trop largement. Ce constat doit nous inciter à être à leur côté, à encourager notamment la croissance des entreprises moyennes qui peinent aujourd'hui à franchir le seuil critique qui leur permettrait de jouer dans l'économie française le même rôle que leurs homologues dans l'économie allemande.
Ce discours-là, non seulement nous le tenons mais nous le mettons tous en pratique au niveau local :
• En développant des politiques favorables à la création d'entreprises, que ce soit au niveau de l'incubation, du financement, d'un immobilier dédié, ou de dispositifs d'accompagnement,
• En essayant d'accompagner nos PME pour les faire passer à la taille supérieure,
• En investissant dans des politiques d'innovation capables de nous différencier par rapport aux pays émergents.
C'est parce que nous partageons ce constat, en tant que responsables locaux que nous nous sommes engagés avec autant de force dans l'émergence des pôles de compétitivité.
Dans nos territoires, l'objet de notre action est global. Il s'agit à la fois :
- de réorienter nos secteurs industriels traditionnels en les fécondant par de nouvelles technologies,
- de nous positionner sur les technologies nouvelles (NTIC, biotechnologies, nanotechnologies, cleantechs ...),
- de repenser aussi nos processus de production dans le sens du maintien voire de la relocalisation d'un certain nombre d'activités (cf. le modèle d'entreprise nouveau en réseau mis en place dans le secteur textile).
Ainsi, nous pourrons à la fois défendre nos marchés intérieurs et nous positionner sur les marchés extérieurs.
Car nous n'oublions pas que si la mondialisation nous expose à la concurrence, elle peut aussi nous offrir quelques opportunités. Déjà, on estime que 70 à 80 millions de personnes ont dans chacun des deux pays en émergence, Inde et Chine, un revenu équivalent au revenu moyen des pays européens les plus riches. C'est là l'émergence d'une nouvelle classe moyenne accédant à un pouvoir d'achat mais aussi à un mode de consommation qui se rapproche des standards européens. Les pays émergents continuent par ailleurs à avoir un retard énorme en matière d'infrastructures, en particulier pour tout ce qui est équipement des grandes villes en matière de réseaux d'eaux, d'assainissement, de transports. Il y donc a de belles opportunités pour nos entreprises et en particulier pour nos grandes entreprises.
La mondialisation n'est donc pas forcément synonyme seulement de pleurs et de douleur, elle peut permettre au contraire le progrès simultané des uns et des autres.
Investir dans l'Université et dans la Recherche
Tout le défi pour nous est de passer d'une économie d'imitation qui perd des emplois à une économie d'innovation qui créée de la richesse. Il suppose, bien évidemment un investissement massif dans l'enseignement supérieur et la recherche. Les Socialistes se doivent donc d'être porteurs d'une politique ambitieuse en ce domaine.
La France consacre aujourd'hui 1,1% de son PIB à l'Enseignement Supérieur c'est-à-dire un montant inférieur de 25% à la moyenne des pays de l'OCDE, inférieur de 40% à la Suède et inférieur de 50% aux Etats-Unis. Le sous-investissement dans l'enseignement supérieur se retrouve dans la recherche où au cours de ces dernières années les crédits affectés à la recherche publique sont passés de 1% à 0,8% du PIB. Il nous faut donc donner une vraie priorité à la recherche publique mais aussi à la recherche privée en soutenant cette dernière par des mesures fiscales, en faisant surtout en sorte que tombent définitivement les barrières qui peuvent subsister entre les deux.
Notre outil de recherche et d'innovation doit trouver sa traduction en start-ups. Là comme ailleurs l'exemple existe, il suffit de s'en inspirer et de mettre en place les synergies recherche / industrie. Cela existe dans les pays scandinaves. Nous pourrions aussi nous inspirer d'un petit pays comme Israël, qui, avec à peine 6 millions d'habitants est classé deuxième au Nasdaq.
Notre système de recherche est vertical. La science moderne fait appel à des disciplines différentes. Ses succès sont le résultat de coopérations interdisciplinaires. Il est urgent de décloisonner, de multiplier les occasions d'échanges et d'informations mais aussi de sensibiliser l'opinion et en particulier la jeunesse, à l'intérêt de la science. Au Royaume-Uni par exemple la télévision joue un rôle de premier plan en ce sens. Or ce problème est fondamental quant on sait que la Chine produit aujourd'hui 500 000 ingénieurs par an et que la France et l'Allemagne réunies n'en produisent que 80 000.
Les scientifiques français sont prêts à s'engager dans cette action. Il faut les mobiliser.
Il faut enfin donner à notre recherche une dimension européenne.
Dans l'optique de la stratégie de Lisbonne qui a pris tant de retard, il nous faut donc militer auprès des institutions communautaires pour un renforcement prioritaire des programmes de recherche et développement, en liaison avec les pôles de compétitivité. Car, en ne consacrant que 1,85% du PIB à la recherche, l'effort européen est 50% moindre que celui des Etats-Unis et du Japon. On ne s'étonnera pas dès lors que l'Europe prenne économiquement du retard sur ces deux pays. On peut même s'inquiéter en voyant la Chine amorcer son décollage technologique avec un effort de recherche qui augmente de 10 % par an. Car une chose est sûre : pour résorber les déficits publics, il faut que notre commerce extérieur cesse d'être structurellement déficitaire. Personne ne peut vivre en achetant plus qu'il ne vend. Il faut impérativement faire rentrer de l'argent en France.
Et ce ne peut être avec des produits de milieu de gamme et nos rares secteurs où la France excelle (luxe, agro-alimentaire et - pour combien de temps - aéronautique). Notre pays sait mal valoriser ses inventions et force est de reconnaître que les dispositifs financiers mis en place à cet effet restent relativement peu opérants. Si elle attire facilement les capitaux étrangers, le problème se posera à terme de la nationalité des entreprises. Sur ces problèmes une réflexion doit être menée avec ceux des pays européens qui partagent nos préoccupations. Faute de quoi nous n'aurons à offrir aux jeunes générations que des emplois de " services à la personne " et notre pays sera devenu un musée.
Diversifier les différentes formes de l'entreprise
Il n'existe pas qu'une seule forme d'entreprise. Les socialistes se doivent d'en populariser tous les types et en particulier de porter une attention plus grande au développement de l'économie sociale et solidaire dont certaines réalisations ont fait leur preuve (dans la banque et l'assurance) et dont le champ mériterait d'être élargi. Là aussi des liens sont possibles avec les homologues de ces structures en Europe et même aux Etats-Unis. Ces réalisations sont peu médiatisées. A nous de les populariser et de les développer dans un projet économique tenant compte du capital humain, loin des excès du tout financier. Il y a là matière à un projet de société différent.
Enfin, la France a été capable, dans le passé, d'impulser de grands projets, il faut y revenir. Les sujets ne manquent pas qui peuvent tourner autour de l'environnement, de l'eau, de l'agriculture, des transports de demain. Des appels à propositions devraient être lancés au niveau national puis européen.
Une Europe qui sache redonner un sens à son action
Nous sommes des européens convaincus, mais force est de reconnaître que l'idée européenne est aujourd'hui en panne. C'est peut-être qu'elle apparait aujourd'hui manquer de sens. L'Europe s'était jusqu'alors construite sur des visions fortes que tous les européens pouvaient s'approprier.
Lorsque les pères fondateurs ont pensé l'Europe c'était d'abord pour promouvoir la paix. Ils fondaient leur politique sur le partage de ce qui faisait alors la puissance (le charbon et l'acier), puis ils décidèrent ensuite de consolider ce processus de paix par la construction d'une base économique commune.
Lors des politiques d'élargissement, l'avancée de l'Europe avait encore du sens. Il s'agissait que les pays sortant de la chape de plomb du " socialisme réel " puissent intégrer un espace de liberté et de prospérité.
Depuis quelques années les politiques développées ont moins de visibilité. On comprend bien le but ultime des traités : promouvoir une Europe politique qui se doterait d'une présidence pour assurer une certaine stabilité et une continuité dans les actions entreprises, permettre à l'Europe d'avoir une personnalité qui puisse parler en son nom dans les problèmes de politiques étrangères.
Mais la question qui se pose est de savoir quels objectifs elle viserait au travers de cette gouvernance nouvelle. Le problème posé à l'Europe aujourd'hui est donc moins le comment faire mais le quoi faire. Il est le contenu de ses politiques.
On connaît les préoccupations des européens. Elles sont concrètes. Comment résister à la concurrence des pays à bas salaires, protéger leur niveau de vie, conserver une avance scientifique et technique. Force est de constater que ces interrogations ne sont pas au cœur du débat public européen.
C'est peut être pourquoi s'est développée progressivement une sorte d'indifférence à l'égard de l'Europe. C'est peut être pourquoi aussi, lorsqu'on les interroge sur les traités, les européens votent non. Non par refus de l'Europe mais par refus d'une Europe qui leur semble être devenue abstraite, éloignée des grands problèmes qu'ils se posent.
Le premier problème qui les angoisse est bien évidemment celui de la mondialisation et de l'émergence de nouvelles puissances (Chine, Inde, Brésil) dont ils voient bien qu'elles concurrencent nos productions, qu'elles attirent un certain nombre de nos grandes entreprises qui délocalisent pour bénéficier des bas coûts de la main d'œuvre. Leurs inquiétudes ne peuvent que s'accroître lorsqu'ils constateront que ces pays amorcent leur révolution technologique, attirent de plus en plus, non seulement les entreprises de main d'œuvre mais aussi un certain nombre de centres de recherche et de développement, que la Chine est devenue le premier exportateur de produits TIC, même si ces exportations portent encore sur des produits de gamme courantes (mobiles, lecteurs de CD, télévision) et si la fabrication de ces produits est réalisée à partir de composants importés.
Au total il est vrai qu'un tel mouvement est impressionnant. Un rapport publié par Goldman Sach fin 2003 sur les perspectives d'évolution de ce que les économistes appellent les BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) ne montre-il pas que dans moins de 40 ans leurs économies cumulées pourraient être plus puissantes que les économies de l'ex G6 (Allemagne, France, Italie, Japon, Royaume-Unis et USA). Pour sa part la Chine pourrait dépasser l'Allemagne d'ici 2060, et deux seuls pays de l'ex G6 (USA et Japon) pourraient demeurer parmi les 6 plus grandes économies mondiales.
Un creusement des inégalités accentué par la croissance de la population mondiale
Cette croissance des pays émergents ne signifie d'ailleurs pas une réduction des inégalités à travers le monde. Car s'il y a rattrapage global, l'accroissement de la richesse reste très mal réparti entre les pays et à l'intérieur même des pays. Selon les termes de la banque mondiale, ce n'est pas la richesse qui se déploie dans le monde en ce début de 21ème siècle mais au contraire la pauvreté.
Alors que la population va croître de 6,5 milliards à 7,6 milliards en 2020, pour atteindre un pic d'un peu plus de 9 milliards en 2050, aujourd'hui déjà 20% de la population mondiale vit avec moins d'un dollar par jour dont 50% de la population de l'Afrique Subsaharienne et 3,5% de l'Europe centrale et orientale (contre 0.8% en 1980), 40% vit avec moins de deux dollars par jour (soit 2,5 milliards d'individus). Les 20% de personnes les plus riches possèdent 74 fois plus que les 20% les plus pauvres.
Ce phénomène est effectivement facteur de déséquilibres, de violences et de guerres, de détestation d'un modèle occidental qui laisse perdurer au niveau mondial de telles inégalités.
Réconcilier dynamique économique et progrès social
Nous voulons en France construire un modèle social gagnant. Nous savons qu'il ne pourra se réaliser qu'à partir d'une base économique renforcée. Mais la différence entre nous et le pouvoir en place, c'est que nous sommes persuadés que notre compétitivité économique ne peut être basée sur un abaissement généralisé des salaires et de la protection sociale. Car, il nous faudrait alors accepter des régressions très fortes si nous voulions retrouver une compétitivité qui ne serait basée que sur les seuls critères salariaux.
Nous pensons, au contraire, qu'il existe un modèle de réussite économique qui permette de porter les valeurs de progrès et de just