La mairie de Lyon expulse un squat de Roms

Vendredi 17 décembre, la police a procédé à l’évacuation d’un immeuble du quartier de Vaise (9e arr.), occupé par une soixantaine de Roms. C’est l’application d’un arrêté pris le 14 décembre par la Ville de Lyon (PS). A la mairie d’arrondissement, les élus de la majorité regrettent un arrêté pris sans concertation et dans la précipitation. (Article actualisé le 17 décembre à 14h30).

Vendredi matin 17 décembre la police nationale a expulsé une soixantaine de Roms qui squattaient un immeuble du quartier de Vaise (9e arr.), en application d’un arrêté pris par la Ville de Lyon.

A 9h45, une dizaine de policiers ont pénétré dans le squat. Dans le calme, les occupants sont sortis avec les quelques affaires qu’ils ont pu rassembler. Les policiers ont essayé de leur faire comprendre qu’ils devaient donner leur nom pour qu’ils soient mis à l’abri dans un gymnase. Consigne de la préfecture, nous a-t-on dit. Mais les agents du commissariat du 9e arrondissement, venus sans interprète, étaient bien en peine pour se faire comprendre. Les services sociaux de la Ville de Lyon étaient aux abonnés absents. La grêle a fait son apparition.

“Nous avons prévenu la Maison de la Veille Sociale, hier à 19 heures, du nombre de personnes qu’il fallait reloger. Mais rien n’a été prévu pour eux”, commente Andrée Humbert-Claude de Médecins du Monde.

Finalement, André Gachet de l’association Alpil et la traductrice de Médecins du Monde parviennent à dresser une liste de 58 noms. Laquelle liste est ensuite transmise à la préfecture et au 115 pour que des places soient réservées dans le gymnase.

Sollicitée par Médecins du Monde, la mairie du 9e ouvre un autre gymnase attenant au squat. A midi, tout le monde a pu s’y réfugier en attendant l’ouverture, à 17 heures, du gymnase Bellecombe, dans le 6e arrondissement. “C’est dur”, lâche Mircea. Il parle de sa fille de huit mois qui a une otite. “Cette nuit encore, elle avait quarante de fièvre”. “Désespérant”, déclare André Gachet de l’Alpil : “C’est la deuxième fois que la Ville de Lyon est à l’origine d’expulsion sur la base d’un arrêté. C’est difficile à analyser. Soit ça correspond à un véritable souci pour la sécurité des gens. Soit, il s’agit d’une position cynique : “plus ils sont mal, plus ils partiront vite en Roumanie”. Je n’ose pas trancher”.

Un arrêté contesté par des élues du 9e arrondissement

"Je regrette qu’on annule le travail mis en place pour leur venir en aide". C’est par ces mots que réagissait Martine Desfours, l’adjointe (PCF) du 9e arrondissement en charge des affaires sociales, à l’annonce de la prise de l’arrêté par la mairie centrale ordonnant l’expulsion des occupants de l’immeuble.

Depuis deux mois, des Roms de Roumanie occupaient cette bâtisse de trois étages à proximité de la gare de Vaise. Un mois plus tard, la mairie du 9e arrondissement apprenait l’existence de ce squat où vivaient, sans eau, ni électricité, une soixantaine de personnes (dont la moitié d’enfants). Immédiatement s’est enclenchée une dynamique assez rare. Martine Desfours et deux autres élues ont mis en branle non seulement la mécanique sociale (domiciliation au centre communal d’action sociale (CCAS), scolarisation des enfants et fourniture de cartes pour les restaurants sociaux) mais elles se sont cotisées pour apporter des couches et des produits nettoyant.

Une urgence à expulser ?

Les élus et les services sociaux de la ville sont intervenus aux côtés d’un "collectif de jeunes" (selon les termes des élues) et des associations réunies dans le collectif Rrom qui interviennent traditionnellement dans les squats. Une réunion de tous ces acteurs s’est même tenue fin novembre à la mairie, pour qu’ils puissent décemment occuper l’immeuble jusqu’au mois de mars.

Une première de mémoire de militants associatifs. C’était sans compter sur les visites répétées de tous les corps de police qui ont signalé aux services centraux de la Ville de Lyon que "les squatteurs utilisent des cheminées qui ne sont pas en état de fonctionner et des poêlent de fortune. Il y a donc des risques d’incendies", comme nous l'a rapporté l’attaché de presse de la municipalité lyonnaise. "Une injonction verbale a été faite le 10 décembre puis la mairie du 9e a été informée de la nécessité de prendre un arrêté", poursuit-il. L’arrêté a été signé par la mairie centrale le 14 décembre et a ordonné l’évacuation immédiate de l’immeuble "considérant qu’il y [avait] un danger grave mettant en péril la vie des personnes", selon la formule consacrée.

Incompréhension des habitants et colère des associations

"Nous l’avons appris de la bouche d’un bénévole de la Croix-Rouge", raconte Jocelyne Michel, conseillère municipale (PS) aux droits des citoyens, l’une des trois élues impliquées dans le suivi du squat. "Je ne vois pas l’urgence", précise-t-elle "dépitée". "C’est vrai qu’il y a un risque d’incendie mais il y a un risque aussi à remettre les personnes à la rue par le froid qu’il fait". Comme sa collègue communiste, elle regrette de ne pouvoir continuer le travail commencé il y a à peine un mois : "On aurait pu améliorer les conduits de cheminée, leur fournir des chauffages d’appoint au gaz ou installer des toilettes provisoires."

Le lendemain de l’affichage de l’arrêté, les habitants rencontrés ne comprenaient pas ce qui leur arrivait. Dans l’immeuble sombre, les occupants avait récupéré ou bricolé des poêles à bois. Il n’y avait pas de fumée. Et beaucoup de carreaux cassés. Dans un bidon, Mircea avait bricolé un poêle. "Tous les poêles sont raccordés à la cheminée", nous assurait cet un ancien occupant du bidonville de la Part-Dieu expulsé le 3 novembre. Il a dû refaire ses bagages. Comme Mariella qui brûlait des petits morceaux de bois dans une des cheminées. Cette mère de quatre enfants, dont deux ont été nouvellement scolarisés dans une école du quartier, répétait en boucle : "il n’y a pas de places au 115."

Nouveau rendez-vous avec l’expulsion

C’est ce que soulignait, encore mercredi, les bénévoles des associations du collectif Rrom : une nouvelle expulsion sans relogement puisque, selon eux, le gymnase réquisitionné et tous les centres d’hébergement, même celui installé dans l’ancienne maison diocésaine affichent complet. Le jour où l’arrêté a été pris, il y avait encore 80 sans-abri sans solution. Depuis, la préfecture a rouvert un gymnase. "Pour une fois, il y avait un gros travail de la part des élus locaux. C’est du gâchis", commente Gilberte Renard de l’association de scolarisation CLASSES. Cette habituée des squats ne s’est pas alarmée pour la sécurité des occupants de l’immeuble : "On a connu bien pire. Et puis, des risques d’incendie, il y en a dans tous les squats. La mairie va-t-elle tous les expulser sans les reloger ?".

La conclusion des associatifs est cinglante. Elle vient de Gilberte Renard : "La mairie de Lyon est à la botte du préfet pour l’aider à expulser les Roms." Vendredi à 8h30, les squatteurs avaient rendez-vous au tribunal de grande instance de Lyon, assignés par le propriétaire de l’immeuble (une filiale de Monoprix) qui demandent également leur expulsion. La soixantaine d’occupants devaient alors savoir si le tribunal leur accordait un délai avant d’ordonner, vraisemblablement, une nouvelle évacuation. Mais l’expulsion a déjà eu lieu.

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