Grandes sagas d’entreprises. - Depuis 1907, la miroiterie Targe répare, découpe et vend les verres et miroirs des Lyonnais. Un savoir-faire local résilient qui se poursuit aujourd’hui grâce à la transmission sur quatre générations de cette entreprise familiale. Retour sur les origines d’un succès qui ne se dément pas depuis 117 ans.
Difficile de ne pas remarquer l’entreprise avec ses camionnettes jaunes siglées Targe en bleu. Bien connue des Lyonnais, la miroiterie Targe fait figure de valeur sûre, celle d’une institution solidement ancrée dans le paysage industriel de la ville depuis 1907. Derrière la boutique, une histoire de famille : quatre générations de frères se succèdent sans interruption depuis 117 ans, aux manettes de cette société. Autour de la famille Targe, une cinquantaine de compagnons travaillent de concert à la réussite de la “maison”. La marque a d’ailleurs posé sa signature sur plusieurs édifices prestigieux de la ville de Lyon comme la halle Tony-Garnier, l’hôpital Édouard-Herriot ou, plus récemment, la tour Incity. Mieux, le succès économique, 8 millions d’euros de chiffre d’affaires, de cette vénérable enseigne place les Lyonnais parmi les miroitiers les plus importants du pays.
Installés dans le 7e arrondissement, à l’angle des rues de Marseille et de l’Université, les artisans disposent de 2 500 m2 de locaux et l’équivalent au sein d’un autre atelier, à Gerland. De quoi accueillir, chaque semaine, 80 tonnes de verre, sous la forme de grandes plaques allant de 200 kg à 1 tonne, que livrent plusieurs semi-remorques par le grand hall. Vente à la découpe, chantier, négoce, vente au détail, encadrement, cloisons de sécurité… les activités de la miroiterie se sont considérablement diversifiées au long du XXe siècle. Plus encore, s’appuyant sur un stock permanent de plus de 10 000 m2 de verre, et sur une flotte de vingt véhicules, dont des camions-grues, les miroitiers sont aussi capables d’une réactivité inégalée à Lyon. “En deux heures après la prise de contact, nous pouvons remplacer la vitrine d’un commerçant qui a été vandalisée pendant la nuit. Nous sommes les seuls à faire cela”, avance Guillaume Targe, dirigeant de l’entreprise avec son frère Stéphane, presque aussi renseignés que la police sur les effractions nocturnes des commerces lyonnais.
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1907 - 1919 : Fondation et premiers succès
L’histoire n’était pourtant pas écrite d’avance, lorsqu’en 1907 Gabriel Targe rachète le fonds de commerce d’une vitrerie située 7, place du Pont (aujourd’hui place Gabriel-Péri). L’homme de 37 ans est issu d’une lignée de cultivateurs ligériens et fils d’un forgeron de Rive-de-Gier (Loire). Devenant tout à la fois chef d’entreprise et artisan, c’était un véritable pari pour ce comptable d’une entreprise de verrerie à Givors, ville bien réputée dans ce domaine. Les débuts sont modestes. Avant sa reprise, le commerce ne comptait que deux employés et faisait davantage figure de boutique de quartier, vendant des cadres de tableaux et des verres pour les fenêtres. Mais avec peu, Gabriel fait des merveilles et rapidement les affaires commencent à rentrer. Dès 1911, le magasin s’achète une camionnette, un luxe à l’époque, et déjà, il la peint en jaune. “On ne sait pas qui a eu l’idée mais il est certain que cela a largement servi à nous faire connaître dans la ville et bien au-delà”, s’amuse Bernard Targe, son petit-fils, qui a dirigé l’enseigne bien des années plus tard.
La demande augmente et les équipes comptent douze artisans. Mais l’année 1913 marque un tournant lors duquel l’atelier change de dimension. Écrasant la concurrence, il obtient le marché des vitres de la halle Tony-Garnier qui reçoit en mai 1914 l’Exposition universelle. Au total, plus de 6 500 m2 de vitrages ont été installés par les vitriers du centre de Lyon. Le travail était encore entièrement manuel. À l’époque, pas de table basculante [voir les photos] ni de molette sciante. La découpe du verre se fait entièrement au diamant, “un outil personnel qui ne se prêtait pas”, souligne Bernard Targe dans ses archives. Pour ce qui est des fournitures, jusqu’en 1965, il n’existait alors que deux fabricants de verre : Saint-Gobain et Boussois, qui livraient à la gare de Chalon-sur-Saône. Après le travail des artisans Targe, le transport des vitres se faisait ensuite avec un portoir accroché au dos.
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