Ce jeudi 16 mars devant le tribunal judiciaire de Lyon, magistrats, officiers de police judiciaire et avocats se sont mobilisés contre la réforme de la police nationale.
Cinq mois plus tard, magistrats, avocats et enquêteurs de la police judiciaire se sont de nouveau retrouvés ce jeudi midi devant le Palais de justice de Lyon pour dire leur opposition à la réforme de la police nationale.
"Malgré un engagement fort de tous, rien n'a changé et la mise en place de la réforme a été actée le 3 mars dernier", déplore Yann Bauzin, enquêteur spécialisé en délinquance économique et financière à la PJ de Lyon, et président de l’Association nationale de la Police judiciaire (ANPJ), créée en août 2022 pour mobiliser autour de la réforme. "On va détruire le rempart de notre pays contre le crime organisé, la PJ est réduite en pièces", assène-t-il.
"Une réforme mobilisant les moyens de la PJ au profit d'une lutte contre la petite et moyenne délinquance, plus visible et palpable, pour revendiquer des chiffres à court terme"
Cette réforme, portée par le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, ambitionne, entre autres, de mutualiser l'ensemble des effectifs des différents services de police au sein d'une Direction départementale de la police nationale. L'objectif affiché, et commun à plusieurs réformes initiées par le gouvernement notamment dans la justice : faire du chiffre, sans effectif - ni investissement - supplémentaire. C'est ce que déplore l'association française des magistrats qui dénonce "une réforme mobilisant les moyens de la PJ au profit d'une lutte contre la petite et moyenne délinquance, plus visible et palpable, pour revendiquer des chiffres à court terme".
Un risque pour l'indépendance de la justice
Tous le disent, "l'échelon départemental n'est pas adapté à la police judiciaire". "Nous avons peur que les moyens de la PJ qui sont dédiés à la criminalité organisée et dépassent largement les limites du département soient phagocytés pour venir en aide à de l'investigation de sécurité publique qui traite de problématiques plus territoriales et plus immédiates" jugeait déjà Yann Bauzin en octobre dernier.
Magistrats et avocats s'inquiètent également des répercussions de cette réforme sur l'indépendance de la justice. En bref, si jusqu'à maintenant le procureur désignait lui même les Officiers de police judiciaire (OPJ) pour mener son enquête, la réforme transfèrera ce pouvoir au directeur départemental de la police nationale, sous l'autorité du préfet, en charge de chaque enquête.
"La PJ est une vieille dame ayant su se moderniser, dont le certificat de décès est déjà signé"
"On pourra ainsi opposer au procureur une insuffisance conjoncturelle de moyens et priorité ponctuelle pour faire échec à la politique pénale décidée par un procureur sur son ressort, ou faire échec à une enquête pénale sensible", juge Véronique Drahi, du syndicat de la magistrature. Me Jean-François Barre, vice-Bâtonnier du barreau de Lyon s'émeut des "conséquences sur la principe de la séparation des pouvoirs".
"Le ministre fait fi des doutes et craintes exprimées, la PJ est une vieille dame ayant su se moderniser, dont le certificat de décès est déjà signé", juge Yann Bauzin.
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