Celles-ci sont désormais priées d'aller en périphérie de Lyon.
Encore une fois, la mairie de Lyon n'a pas fait dans la demi-mesure pour chasser les camionnettes des rues de Gerland (7e) et du Moulin-à-Vent (8e). Pour la quatrième fois, un arrêté anti-prostitution a été signé, interdisant à toutes les camionnettes de stationner à compter du 22 mai.
Après s'être fait chasser de Perrache l'été dernier, les prostituées avaient élu domicile sur l'autre rive du Rhône, principalement dans le dédale de la zone industrielle de l'Artillerie et rue Challemel-Lacour. Mais contrairement à la situation de Perrache, où l'on dénombrait jusqu'à 170 camionnettes, Gerland n'a pas connu une telle concentration : on comptait avant l'entrée en vigueur de l'arrêté entre 70 et une centaine de prostituées qui travaillaient dans un plus grand périmètre.
Les élus du 7e et du 8e arrondissement expliquent toutefois qu'il a été nécessaire de prendre un tel arrêté "sous la pression des riverains". Les entreprises se plaignent d'"une image détériorée" et les habitants du Moulin-à-Vent de "la dépréciation de leur appartement". Surtout, ce qui a déclenché "quantité de courriers", selon le maire du 7e arrondissement, Jean-Pierre Flaconnèche, c'est la présence des camionnettes, rue Challemel-Lacour, sur le trajet qu'empruntent des collégiens pour se rendre dans leur établissement.
L'arrêté pris, certains de ces riverains se disent soulagés. "Depuis une réunion avec la municipalité en février, on nous promettait ce genre d'arrêté. C'est donc une bonne chose qu'il soit pris, commente Jean-Pierre Neyret, le président du Comité d'Intérêt Local du secteur. Mais on a conscience que cela ne fait que repousser le problème ailleurs".
Hypocrisie
Le maire du 7e, Jean-Pierre Flaconnèche, reconnaît aussi que cette solution n'est pas pleinement satisfaisante. Malgré tout, il défend cet arrêté car "on ne peut pas accepter une prolifération de camionnettes. (...) Dans un premier temps il y aura de l'information et une action pédagogique de la part des services de police, ce qui leur permettra de se retourner". La mairie se défend donc de faire de la répression. "Au final, les prostituées seront quand même expulsées, conteste Florence Garcia, directrice de Cabiria, l'association de santé communautaire qui soutient les prostituées. Or la problématique, on la connaît. Plus elles sont éloignées, plus elles sont exposées aux risques : pressions des clients (demandes de rapports sans préservatifs), agressions par les clients et les passants et harcèlements policiers".
Absence de concertation
La mairie de Lyon se préoccupe-t-elle du sort des prostituées ? Quelques filles de Gerland accompagnées par l'association Cabiria ont seulement été reçues par les élus du 7e et du 8e en charge du dossier, le jour même où l'arrêté était signé. "On leur a demandé pourquoi ils font des réunions avec les riverains et pas avec nous, explique Monique*, l'une des filles de la rue Jules Carteret. On ne veut pas faire trente kilomètres pour se faire estourbir dans un coin ! J'ai passé l'âge". Une ancienne prostituée, Maria, faisait aussi partie de la délégation : "On est des citoyennes comme les autres : on travaille et on paye des impôts. Mais on nous considère comme des délinquantes". Puis elle désigne la rue Jules Carteret coincée entre la sortie du périphérique et la zone industrielle de l'Artillerie : "Je comprends que rue Challemel-Lacour, sur le trajet du collège, ça pose des problèmes : mais ici, on ne gêne que les poubelles !"
Pour le maire du 7e arrondissement, faire de la concertation entre prostituées et riverains est impossible : "Autant on arrive à faire des réunions à propos des nuisances sonores, où toutes les parties acceptent d'échanger. Là avec le problème de la prostitution, ce n'est pas faisable. (...) Quand on reçoit les courriers que l'on reçoit, on voit très bien que c'est impossible". Les prostituées sont donc priées d'aller tapiner ailleurs. Cité par Aujourd'hui-Le Parisien, Jean-Louis Touraine ne s'en cachait pas : "Nous n'agissons pas contre les prostituées. En périphérie, là où il y a moins d'habitations et d'entreprises, il leur reste de la place pour exercer".
Résistance ?
Depuis le 22 mai, jour de l'entrée en application de l'arrêté, les filles de Gerland ont commencé à partir, notamment celles stationnées rue Challemel-Lacour. Certaines savent vaguement où aller, d'autres envisage de continuer à pied, sur le trottoir, comme la trentaine de filles de Perrache. Les filles de la rue Jules Carteret promettent de résister quand la police viendra les faire partir : "J'ai déjà essayé de m'installer vers Saint-Fons, conclut Monique, en deux heures les gendarmes m'on fait partir".
*Prénom d'emprunt
Dernière minute
Lundi 26 mai la police nationale est intervenue : les prostituées avaient de choix de partir ou de se faire verbaliser. La plupart sont restées et ont toutes fait l'objet d'une amende de 35 euros. Elles ont décidé d'organiser une manifestation de protestation le 2 juin au départ de l'église Saint-Nizier, afin de commémorer par la même occasion l'occupation de l'église en 1975 par des prostituées qui réclamaient la fin des violences policières.
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