La rapport définitif de la Chambre régional des comptes sur la communication de la Région Auvergne-Rhône-Alpes pointe de nombreuses pratiques "contestables".
Repas dispendieux, pratiques "contestables" et manque de transparence : la chambre régionale des comptes est sévère sur les dépenses de communication de la région Auvergne-Rhône-Alpes et son ancien président Laurent Wauquiez, dans un rapport inscrit ce jeudi au menu de son assemblée plénière mais qui n'aura donné lieu qu'à très peu de débats.
"Des dépenses qui ne sont pas uniquement motivées par des logiques institutionnelles"
Les faits les plus marquants (dont un dîner à plus de 1 200 euros entre Laurent Wauquiez et l'écrivain Michel Houellebecq) avaient été dévoilés à la suite de fuites dans la presse régionale début août, en plein milieu des Jeux olympiques. L'élu LR, élu député à la faveur de la dissolution, avait assuré ne pas avoir connu le montant de l'addition et s'était alors dit prêt à rembourser les "sommes excessives". Depuis, il a quitté la présidence de la région en vertu des règles sur le non-cumul des mandats.
Le rapport, que l'AFP a pu consulter, épingle plus particulièrement des frais de communication largement organisés autour de la personne de Laurent Wauquiez, candidat potentiel de la droite à la prochaine présidentielle. Cet "amalgame" "peut mener à engager des dépenses qui ne sont pas uniquement motivées par des logiques institutionnelles", souligne le gendarme financier. La stratégie de "visibilité" de la région "gagnerait à être présentée pour information" au conseil régional, ajoute-t-elle.
Les socialistes déposent un amendement au texte "droits et devoirs" pour "la prise en charge des frais de bouche"
Jeudi 10 octobre, le groupe socialiste a déposé un amendement - rejeté - au texte "droits et devoir" de la Région visant à "garantir le respect par les élus régionaux de leurs droits et devoirs, notamment en matière de prise en charge de leurs frais de bouche" et de "réclamer aux élus régionaux qui n'auraient pas respecté les règles communes de rembourser à la collectivité les sommes dues". Le président de Région, Fabrice Pannekoucke a répondu : "Laurent Wauquiez a fait le choix d’être dans un processus de remboursement. C’est en cours. On peut saluer cette initiative qui est une initiative volontaire."
L'exécutif régional, aujourd'hui présidé par Fabrice Pannekoucke (LR), assure de son côté, dans une réponse au ton cinglant publiée en annexe, que "moins de 5 % des dépenses de communication mettent en avant le président de région". Quant à l'information des élus, "malgré notre demande, le nouveau président a refusé que le rapport de la CRC fasse l'objet d'une délibération" et n'aura droit qu'à deux minutes de débats jeudi lors de l'assemblée plénière, déplore Johann Cesa, vice-président du groupe socialiste.
"Intérêt personnel"
Si la CRC souligne que les dépenses de communication de la région représentent "moins de 1% du budget total" de la collectivité, elle pointe cependant des frais de restauration "en augmentation significative en 2022" avec une enveloppe de 77 180 euros contre 22 718 euros en 2019.
Quinze repas sont passés à la loupe, dont deux dîners avec Michel Houellebecq pour 1 248 euros et 900 euros, un déjeuner pour six personnes dont trois journalistes de Valeurs actuelles, pour un montant contesté (5 100 euros selon la CRC, moins de 2 000 euros pour la région). La cour demande aussi de "mettre fin à l'achat d'études d'opinion à connotation politique" et cite une étude réalisée après une intervention de Laurent Wauquiez sur BFMTV en mars 2021 pendant la campagne des élections régionales.
"Une enquête qui porte sur l'image du président du conseil régional présente un intérêt politique personnel pour l'intéressé, mais pas nécessairement un intérêt public local", notent les auditeurs. Ce point a fait l'objet d'un signalement à la justice de la part du groupe d'opposition socialiste.
Le rapport revient également sur l'organisation du Dîner des sommets en juin 2022, un repas fastueux organisé aux frais de la région avec une centaine d'invités, qui fait l'objet d'une enquête du parquet national financier.
"Une tonalité générale faite de suspicions, d'insinuations et de jugements d'opportunité sans fondement" répond la Région
Une communication qui coûte plus cher que le dispositif promu ? Le rapport relève "certaines pratiques contestables" sur ce point. Il cite notamment des courriers signés par le président vantant les efforts de la région pour sécuriser la présence en été d'un hélicoptère de secours pour le CHU de Clermont-Ferrand. Pour 317 000 euros, l'envoi des lettres, dans un délai urgent, a coûté plus cher que la mesure elle-même, selon la CRC.
Dans une réponse au ton offensif, la région note que la cour "ne relève aucune illégalité dans le fonctionnement" et conteste vivement les remarques sur les études à connotation politique et les repas d'affaires. Pour elle, le rapport comprend des "erreurs manifestes d'analyse", ainsi que des "erreurs juridiques et matérielles" sur certains points. La région, qui accuse la CRC d'avoir "ignoré" certaines pièces transmises, dénonce aussi "une tonalité générale faite de suspicions, d'insinuations et de jugements d'opportunité sans fondement".