Nicolas Janaud, psychiatre, est l'initiateur et le coordinateur des Journées cinéma et psychiatrie, pour changer le regard sur la santé mentale qui concerne l'ensemble de la société.
Les centres hospitaliers Le Vinatier, Saint Jean de Dieu et Saint-Cyr-au-Mont-d’Or accueillent, les 24 et 25 janvier, la 12e édition des Journées cinéma et psychiatrie de Lyon, un événement unique proposant, autour de la projection de films et de documentaires, une dynamique de rencontre et d’échanges à propos de thématiques en lien avec la santé mentale.
Cette année, la thématique "Retour vers le futur, c'était mieux après!" revient sur la transition que vit actuellement la question des soins psychiques, la manière
dont leurs pratiques peuvent s’adapter à l’évolution de référentiels
théoriques et sociétaux, aux tumultes de ce qui semble figurer d’une crise
identitaire de la psychiatrie. Ces deux journées proposeront de construire des ponts, sous forme d’invitation aux liens, entre ici et ailleurs, hier et demain, de réfléchir ensemble à donnertout son sens à ce retour vers le futur. Et si la santé mentale c’était mieux après ?!
"La santé mentale, c'est bien plus large que la question de la psychiatrie, puisqu'elle nous concerne tous a priori. C'est un débat citoyen, c'est un débat politique aussi."
"L'objectif de ces journées, c'est aussi de revenir sur des représentations sociales qui sont très résistantes, très stigmatisantes pour les personnes, explique Nicolas Janaud, initiateur et coordinateur de ce festival. Notamment quand il y a une affaire de crime en lien avec une personne qui serait malade, de faire ce lien facile et très délétère de la dangerosité alors qu'on rappelle que les personnes en soins sont plus souvent victimes qu'auteurs de méfaits."
Plus d'infos et inscriptions sur la page des Journées cinéma et psychiatrie
La retranscription intégrale de l'entretien avec Nicolas Janaud
Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau Rendez-vous de 6 minutes chrono. Nous accueillons aujourd'hui Nicolas Janaud. Bonjour.
Bonjour.
Nicolas Janaud, vous êtes psychiatre et coordinateur des Journées cinéma et psychiatrie, qui se déroulent, cette année, les 24 et 25 janvier. Vous avez initié ces journées en 2011, journées qui font le pont entre le cinéma, la psychiatrie et la psychanalyse. D'où vous est venue l'idée de ce rapprochement ?
Initialement, c'était donc en 2011, l'idée était de faire une formation pour les professionnels de l'hôpital de Vinatier. Avec quelques collègues médecins, mais pas que, on a fait venir nos collègues de l'hôpital de Lorquin (en Moselle), qui organisent depuis 1977 un festival du film en lien avec la santé mentale. Ils sont venus nous présenter des films qui pouvaient parler de psychiatrie et de santé mentale, justement, pour animer des débats avec les professionnels du Vinatier. C'est ensuite que s'est ouverte la participation à tout autre type de public, que ce soit les personnes concernées par la maladie, leur famille, des associations des réalisateurs, puisqu'on fait venir maintenant ces réalisateurs pour, justement, apporter le regard aussi du documentariste sur nos pratiques.
Y a-t-il quelque chose de comparable entre le regard d'un côté du cinéaste et de l'autre le regard du psychiatre?
Oui, c'est l'idée de ces débats, puisque le fonctionnement des Journées cinéma et psychiatrie de Lyon est de regarder des films ensemble, des documentaires pour la plupart, et ensuite d'en parler à travers des tables rondes qui vont faire intervenir des professionnels de la santé, d'autres types de professionnels et les documentaristes, dans l'idée que ce regard est complémentaire puisque nous, on a une vision des soins en les pratiquant. La fonction documentaire, c'est d'avoir ce regard sociétal, le regard d'un peu tout le monde. Un regard particulier à propos de la psychiatrie et de ces soins ou de la santé mentale en général. Et justement c'est de pouvoir combiner tous ces regards pour donner plus de sens à la réflexion autour de ces thématiques-là.
Cette année le thème choisi est le retour vers le futur. C'était mieux après. Est-ce que la santé mentale c'était mieux avant ?
On a toujours cette image de la prise en charge médicale asilaire. L'hôpital reste de tradition asilaire mais déjà la psychiatrie n'est pas réduite qu'à l'hôpital parce qu'il existe tout un tas de dispositifs ambulatoires, ou en tout cas qui n'est pas celui de l'hôpital public. Et puis la santé mentale, c'est bien plus large que la question de la psychiatrie, puisqu'elle nous concerne tous a priori. C'est un débat citoyen, c'est un débat politique aussi. Comment améliorer sa santé sur le plan de la santé mentale ? C'était mieux avant ? Non, pas forcément. En tout cas, ce qui est forcé de constater, c'est que les pratiques changent. La représentation aussi, pas que des soins, mais des personnes qui souffrent de ces maladies aussi est plus intégrative de la société. Donc on voit que l'hôpital d'avant effectivement ne fonctionne plus de la même façon. On peut avoir à redire des choses, notamment en termes de contraintes en termes de tout ce qui faisait l'enfermement. Et c'est une psychiatrie qui évolue beaucoup plus sur la question de l'intégration sociale du rétablissement, qui est le concept qui nous fait dire qu'une personne qui souffre de la maladie n'est pas réduite qu'à sa maladie mais a aussi une capacité citoyenne.
Et puis, on l'a vu effectivement par exemple, si on prend le Vinatier, qui est le plus gros hôpital psychiatrique de France il y a une ouverture du Vinatier. D'ailleurs, le Vinatier est ouvert, on peut y se promener dans son parc. Il y a vraiment cette ouverture de la psychiatrie de la santé mentale au général à l'extérieur.
Alors, l'hôpital psychiatrique s'ouvre et se referme en fonction des périodes, mais je dirais que c'est un peu inhérent à la fois à la vision qu'on peut avoir de la psychiatrie de ces malades, mais aussi, de temps en temps, des faits divers quand il se passe des choses. Et justement, j'en profite pour dire que l'objectif de ces journées, c'est aussi de revenir sur des représentations sociales qui sont très résistantes, très stigmatisantes pour les personnes, et notamment quand il doit y avoir une affaire de crime en lien avec une personne qui serait malade, de faire ce lien facile et très délétère de la dangerosité alors qu'on rappelle que les personnes en soins sont plus souvent victimes qu'auteurs de méfaits.
Si on parle de cinéma, Jean-Luc Godard disait que le cinéma c'est la vérité 24 fois par seconde, Brian De Palma, lui, disait plutôt que c'était 24 fois le mensonge par seconde. Donc, au final le cinéma c'est jamais que du mensonge puisqu'il faut monter le film, il y a un scénario, il y a des plans mais qui peut refléter la réalité. Comment ça interroge la question psy justement ?
Je trouve que Brian De Palma parle bien du cinéma et c'est ce qui fait sa richesse, en tout cas du cinéma de fiction. Nous, on fonctionne beaucoup avec le cinéma documentaire parce que c'est le cinéma du réel. Et souvent c'est un peu de la magie du cinéma puisqu'il y a quand même même, dans un documentaire, une écriture, il y a aussi une mise en scène, mais avec des gens du réel. Ce qui fonctionne bien, justement, pour abaisser les représentations sociales et accepter de se mettre en position d'échange et de rencontre avec la pathologie, c'est de pouvoir la voir véhiculer par des gens qui nous ressemblent. Et dans les documentaires, effectivement, on voit des vrais gens on voit leurs vraies difficultés. Et cette capacité, on va dire d'empathie, qu'on peut avoir avec les acteurs du film nous permet de mieux en parler après.