Valéry Giscard d'Estaing a laissé ses initiales au consommé le plus célèbre de la planète : la soupe VGE de Paul Bocuse. Immortels à jamais.
Tout est parti d'un canular. Un matin de 1975, Paul Bocuse reçoit chez lui, à Collonges, un courrier avec en-tête de l'Élysée lui annonçant qu'il était récipiendaire de la croix de chevalier de la Légion d'honneur. La lettre précise que le président de la République en personne, Valéry Giscard d'Estaing, lui remettra l'insigne lors d'une cérémonie, sous les ors présidentiels de l'Élysée. À cette époque, la légion d'honneur n'avait pas été remise à un cuisinier depuis 1919, année où le président Raymond Poincaré décora Auguste Escoffier. Paul Bocuse, pourtant adepte des blagues en tous genres, surtout les lourdes, les énormes, se laisse convaincre. En réalité, le coup a été monté de toutes pièces par ses copains. L'histoire ne dit pas si Bocuse a découvert le pot-aux-rose, toujours est-il que la farce est allée jusqu'aux oreilles du président par l'entregent du chroniqueur gastronomique Claude Lebey. Si Giscard d'Estaing était tout sauf un comique, le président décida néanmoins de jouer le jeu et de décorer le chef cette même année. Le 25 février 1975, peu avant 13 heures, Valéry Giscard d'Estaing épingle les insignes de chevalier sur la veste de cuisinier de Paul Bocuse. "Au fond, dit le président Valéry Giscard d'Estaing, la nouvelle cuisine française adopte la théorie que je cherche à appliquer en politique : le changement dans la continuité. "
"On casse la croûte monsieur le président..."
Pour l'occasion, ses copains Pierre et Jean Troisgros, Michel Guérard, Roger Vergé et Maurice Bernachon ont pris d'assaut les cuisines de l'Élysée pour préparer le repas qu'ils dégusteront avec le président. Les frères Troisgros présentent leur saumon à l'oseille, Michel Guérard prépare ses aiguillettes de canard "Claude Jolly", Roger Vergé une petite salade méditerranéenne du Moulin tandis que le chocolatier lyonnais conclut avec un gâteau qu'il baptise « Président ».
Quant à Paul Bocuse, il a mis au point, quelques semaines auparavant, une toute nouvelle recette de soupe aux truffes et dés de foie gras. "Quelques semaines avant d’être reçu à l’Élysée, je vais dîner chez mon ami Paul Haeberlin, en Alsace. Là, je déguste une truffe entière enveloppée avec des dés de foie gras dans une pâte feuilletée, le tout présenté dans une petite cocotte blanche qu’on utilise pour les soufflés. Je fais remarquer à Paul que c’est une très belle invention. “L’idée n’est pas de moi, me dit-il. Je me suis inspiré du chicken pie qu’on prépare en Angleterre.” Peu après, je suis allé rendre visite aux producteurs de truffes de Basse-Ardèche. Comme chaque année, le soir, on a été invités à manger la soupe de légumes chez les paysans. Le pépé a posé le panier de truffes au milieu de la table et a dit : “Allez, monsieur Bocuse, prenez une truffe et coupez-la en petits morceaux dans votre bol !” En rentrant à Collonges, j’ai mis au point la recette avec mon chef Roger Jaloux en utilisant une soupière à gratinée lyonnaise. Nous y avons ajouté des dés de foie gras et des blancs de volaille cuits."*
Quand la spécialité arrive sous le nez du président, ce dernier demande "et qu'est-ce qu'on fait maintenant ?". Bocuse répond du tac au tac "on casse la croûte monsieur le président..."
Le lendemain de la réception à l’Élysée , Paul Bocuse mit cette entrée à la carte sous le nom de "soupe aux truffes VGE". Un plat qui est devenu l'un des deux plats les plus mangés à Collonges (avec la volaille de Bresse demi-deuil). Un plat qui est entré dans la postérité, au même titre que la pêche Melba ou la poire belle Hélène.
*In Le Feu sacré, éditions Glénat, novembre 2005.
on trouve cette recette dans le livre de maitre Paul, "la cuisine du marché" Je préfère de loin une "Garbure" cette soupe paysanne du sud ouest plus consistante plus abordable.
Y aura il eu au diner lors de la rencontre de VGE avec Maitre Paul. une poularde demi-deuil tout la haut