Lyon est la deuxième ville de France à signer la déclaration des droits des personnes sans-abri, après Villeurbanne. L'association Abbé Pierre place haut ses attentes. Reportage.
Habituellement les bains douches sont animées par des personnes sans-abri ou mal-logées. Elles viennent s'y laver mais aussi discuter avec les salariés et les autres personnes de passage. C'est le seul équipement d'hygiène corporelle gratuit et accessible à tous dans l'agglomération lyonnaise. Ce jour-là, les douches sont fermées pour travaux. Et c'est une myriade d'élus, d'associatifs et de journalistes qui ont investi le lieu.
Symboliquement, la ville de Lyon a choisi cet équipement, au fin fond du 7ème arrondissement, pour la signature de la déclaration des droits des personnes sans abri. Créée par l'association Abbé Pierre et d'autres associations européennes, elle rappelle les droits fondamentaux des personnes sans-abri. Plus qu'une signature de principe, la fondation espère bien voir des actions politiques se mener à Lyon "pour résorber le sans-abrisme".
Respect de la dignité
Droit au logement, respect du domicile, droit à la domiciliation, liberté de se déplacer et de s'installer, respect des besoins fondamentaux... en tout, là charte liste 14 droits fondamentaux pour les personnes sans-abri. Lyon compte 400 personnes qui vivraient dans la rue, et elles sont entre 2500 et 2800 dans la Métropole de Lyon, affirme Sandrine Runel, l'ajointe aux solidarités et à l'inclusion.
"Cette déclaration rappelle à tous que les droits fondamentaux valent pour tout le monde. Et les responsables politiques ont une responsabilité pour favoriser l'accès à ces droits fondamentaux", soutient Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre. "C'est une immense satisfaction que le conseil municipal ait voté la signature de cette déclaration à l'unanimité", félicite le délégué général.
Il appelle maintenant à l'action politique, avant de passer le micro au maire de Lyon. "L'égalité des droits est pour nous une priorité politique", assure Grégory Doucet qui remercie la fondation Abbé Pierre pour sa lutte contre le mal-logement et l'habitat indigne, avant de digresser sur les valeurs de fraternité, d'inclusion et les mesures politiques de la Ville.
La Ville de Lyon veut se montrer engagée
Car au-delà de la signature de la déclaration, Grégory Doucet a voulu montrer l'engagement de la Ville pour les plus précaires. Et le maire n'a pas peur de sortir les grands mots : il invoque une métaphore, le "bouclier social municipal". Il rappelle l'existence d'un restaurant social, qui offre gratuitement des repas, accompagné d'une épicerie sociale et d'une cuisine solidaire, ouvert fin avril 2021.
Il évoque l'ouverture de "nouveaux lieux d'hébergement d'urgence", même s'il ne donne pas d'échéance ni de lieux identifiés. Enfin, il se félicite de l'existence des bains-douches et ses 150 bénéficiaires par jour. Là encore, l'édile parle par image. Il remercie les salariés du CCAS et les associatifs "qui font d'un filet d'eau une grande source de solidarité et de vie".
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Le projet social du Centre communal d'action sociale a été voté lors du dernier conseil municipal, le 30 septembre 2021. Intitulé "Faire Solidarité", il prévoit les grandes orientations et les projets à mener pour cette structure entre 2020 et 2026. Sandrine Runel nous évoque notamment la création d'un Pôle d'hygiène dans le troisième arrondissement, qui coûtera 2,5 millions d'euros. Il doit venir compléter l'offre des bains-douches. Mais pour l'heure, aucune échéance n'a été donnée pour l'ouverture de ce lieu et aucun emplacement n'a encore été défini explique Sandrine Runel.
Derrière les annonces politiques, les attentes
"Ce n'est pas juste un bout de papier, n'est-ce pas monsieur le maire ?", lance avec malice Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre. Il assure que l'association se montrera vigilant quant au suivi de la déclaration des droits. "On reviendra vers vous pour vérifier ce que ça a pu produire", conclut-il.
Après la signature, viennent les questions. Touatia se plante devant l'assemblée. Ancienne sans-abri, membre du dispositif Streetreporters, elle veut interpeller les élus. "Pourquoi on nous demande un certificat d'hébergement pour obtenir une domiciliation (adresse pour les personnes sans-abri, ndlr) ?", demande-t-elle. Un homme, aussi streetreporter, questionne les élus sur l'attribution des places d'hébergement d'urgence. La réalité du quotidien des personnes sans-abri s'invite dans la signature de la déclaration. Seul éclair de présence de ces personnes dans cet évènement, très institutionnel et associatif.
"Ce n'est pas juste un bout de papier, n'est-ce pas monsieur le maire ?", lance avec malice Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre.
Sandrine Runel est embêtée mais affirme que les CCAS de la Ville de Lyon ne demandent pas un tel document pour bénéficier de la domiciliation. "C'était à Villeurbanne, mais c'est partout pareil ! ", affirme Touatia. La poire est coupée en deux par Véronique Gilet, directrice régionale de l'Abbé Pierre. Elle propose à Touatia d'apporter à la fondation le formulaire en question, pour pouvoir ensuite, le cas échéant, interpeller la ville de Lyon.
Avant de partir, Grégory Doucet s'avance vers Véronique Gilet et Touatia, en pleine discussion. "Continuez de nous embêter!" lance-t-il. Par cette pointe d'humour, le maire de Lyon se soumet à leur rôle de vigie de l'action publique. Mais montre aussi sa confiance dans sa politique sociale.
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