Partie 2/3. Durant la première moitié du XXe siècle, la ville de Lyon s’impose dans quatre secteurs industriels particulièrement innovants autour de l’automobile, la chimie textile, la pharmacie et l’image. Des vestiges industriels, souvent largement méconnus, témoignent de cette époque marquée par le nom de quelques grandes familles comme les Berliet ou Gillet.
À Lyon, la première moitié du XXe siècle est marquée par une croissance démographique modérée et une croissance économique assez faible. Dans le secteur de l’industrie, s’inscrivant dans la continuité du siècle précédent, quatre filières se montrent néanmoins particulièrement dynamiques : l’automobile, la chimie textile, la pharmacie et l’image.
Quelques grandes marques pionnières de l’industrie automobile française comme Rochet-Schneider, Voisin, Berliet naissent à Lyon et font de la ville, avant 1914, la capitale de l’automobile.
La soierie connaît un déclin irrémédiable à partir de la crise de 1930-1931, mais l’invention de la soie artificielle permet de remplacer très vite la soie naturelle et est à l’origine de grands groupes qui dominent longtemps l’industrie textile (Rhodiacéta, le Comptoir des Textiles Artificiels, devenus Rhône-Poulenc). Dans le domaine de l’image, à la fin du XIXe siècle, la société Lumière est la première industrie européenne de plaques photographiques. Les frères Auguste et Louis inventent le cinématographe en 1895 et mettent au point l’autochrome, un procédé rendant possible la photographie couleur et commercialisé avec succès à partir de 1907.
Quant à la recherche médicale, l’Institut bactériologique de Lyon, futur institut Pasteur, et l’institut Mérieux, laboratoire pharmaceutique fondé en 1897, mettent au point de nombreux vaccins.
Les profits générés par ces secteurs de l’industrie, auxquels il faut ajouter ceux de la métallurgie et de la fabrication de produits alimentaires (comme les pâtes Rivoire & Carret, à Vaise), mais aussi les activités qui accompagnent les abattoirs (boyauderies, tanneries) donnent à la ville une puissance financière considérable.
Créé en 1863 à Lyon, c’est l’apogée du Crédit lyonnais, qui devient en 1914 la première banque mondiale. La Bourse, elle, est active dans le superbe palais bâti par René Dardel sous Napoléon III. Avec l’essor de la houille blanche dans les Alpes, elle atteint son summum à partir de 1920 et jusqu’au krach de 1929.
Lyon 8e
L’ancienne porte d’entrée des usines Berliet
Au 20, rue de la Fraternité, le portail d’entrée du récent groupe scolaire Simone-Veil rappelle le passé industriel de cet îlot urbain, à la croisée des quartiers Monplaisir et Bachut. Jusqu’à la fermeture de l’établissement en 1987, s’étendait alors, sur 2,7 hectares, l’usine Berliet, l’un des fleurons de l’industrie automobile au siècle dernier.
L’histoire de l’usine Berliet, à Monplaisir, commence en 1902, lorsque Marius Berliet acquiert les usines Audibert et Lavirotte, d’une superficie de 5 000 m². Né à Lyon en 1866 dans un milieu catholique conservateur, Marius Berliet est très tôt passionné de mécanique.
En 1895, à 29 ans, il crée sa première voiture la “Pantoufle”. Fin 1899, il embauche quatre ouvriers et construit six voiturettes. Dès 1903, il produit de grosses voitures à quatre places, capables de rivaliser avec les Rochet-Schneider. En 1906, l’usine de Monplaisir dispose de 500 ouvriers et fabrique entre 600 et 650 véhicules par an. En 1912, une Berliet gagne la deuxième édition du Rallye de Monte-Carlo.
En 1913, 3 500 voitures sortent de l’usine de Monplaisir – qui occupe alors 48 000 m² et emploie 4 000 ouvriers – ainsi que les premiers autocars. Cette même année, Berliet gagne également un concours militaire avec le camion CBA. La Première Guerre mondiale favorise l’industrie automobile.
En 1914, le ministère de la Guerre signe une convention avec la société Berliet qui s’engage à lui fournir cent véhicules par mois. Les commandes de guerre s’accroissent considérablement fin 1915 et pas moins de 15 000 camions CBA sont livrés à l’armée pendant la Première Guerre mondiale.
En 1916, Marius Berliet installe son usine principale sur un vaste terrain acheté à Vénissieux-Saint Priest (aujourd’hui Renault Trucks), où un site de production ultramoderne voit le jour.
Le site de Monplaisir continue d’être une usine de mécanique et d’assemblage de voitures et camions. Il accueille en 1906 une école de chauffeurs, puis en 1912 une école d’apprentis facilitant la formation dans les métiers de l’automobile.
Le saviez-vous ?
Le sigle du constructeur automobile Berliet est… un logo de locomotive. Marius Berliet prend son essor industriel en 1905 grâce au constructeur de locomotives américain Alco qui souhaite se diversifier dans l’automobile et lui achète pour 500 000 francs-or la licence de trois voitures. En hommage, il adopte le sigle à la locomotive chasse-buffle.
Lyon 3e
L’ancien portail de l’usine Rochet-Schneider
Au n° 49 de la rue Feuillat, le monumental portail ouvragé qui accueille aujourd’hui un centre de formation des compagnons du Tour de France est aussi l’un des rares témoins des débuts de la révolution automobile. C’est ici que se trouvait l’usine des automobiles de luxe Rochet-Schneider, installée en 1900. L’architecte Louis Payet, connu pour ses bâtiments industriels, pilote le projet et signe en 1912 le portail. C’est ici aussi que sont inventés les célèbres carburateurs Zénith.
Dès le début, l’entreprise Rochet-Schneider prête ses ateliers d’études et son laboratoire à François Baverey, qui met au point un carburateur à jet compensateur permettant un débit d’essence rigoureusement proportionnel au régime de la voiture : le carburateur Zénith est breveté en 1907. Suite à l’accord signé entre le constructeur lyonnais d’automobiles et François Baverey, tous les modèles sortant des usines de la rue Feuillat possédaient dès 1908 un carburateur Zénith. D’autres constructeurs de voitures adoptent ce carburateur et, en 1909, une société propre à sa fabrication est créée : la Société du carburateur Zénith, qui demeure dans les locaux appartenant à Rochet-Schneider.
En 1917, l’entrée au n° 49 de la rue Feuillat devient le siège social de Zénith. Le succès est tel qu’en 1928, la seule usine de Lyon produit jusqu’à 110 000 carburateurs par mois. La technologie de Zénith reste à la pointe du progrès jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale.
En 1963, Zénith cède son usine à la société Berliet qui devient de 1978 à 2000 un site de production Renault pour véhicules industriels.
Le saviez-vous ?
Mécanicien et conducteur hors pair, l’anarchiste et criminel Jules Bonnot est le premier à avoir utilisé dans les années 1910 la voiture lors de braquages spectaculaires. Avant de devenir l’“ennemi public n° 1”, il a été embauché à l’usine Rochet-Schneider qu’il quitta pour un atelier de mécanique route de Vienne.
Vaulx-en-Velin
L’ancienne usine de la Tase
À Vaulx-en-Velin, l’ancienne usine Tase constitue un remarquable exemple d’architecture industrielle, monumentale et urbaine. Sa façade, aujourd’hui classée, emprunte au style Art déco. Fondée en 1923 par le groupe Gillet, elle fabriquait de la viscose, obtenue à partir de cellulose, donnant lieu à trois applications différentes : la rayonne, le fil industriel et la fibranne. À l’apogée de sa production, en 1929, la Tase employait 3 000 salariés chargés de faire tourner l’usine sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre, avec une main-d’œuvre immigrée représentant jusqu’à 90 % des employés. L’usine fit face à plusieurs crises dans les années 1930, 1950 et 1970 jusqu’à sa fermeture définitive en 1980.
La villa Gillet, aujourd’hui maison des écritures contemporaines, a été construite par la famille Gillet en 1912 sur les hauteurs qui surplombaient alors leur ancienne usine, actuel quai Gillet
Les pittoresques maisons de la “petite cité” de Vaulx-en-Velin
L’histoire de la “petite cité” de Vaulx-en-Velin est directement liée à celle de l’usine Tase voisine : les quatre-vingt-dix-sept maisons ont été construites pour accueillir originellement les ouvriers de l’usine. Toutes différentes, dont certaines avec de grands toits pentus, les maisons ont un étonnant petit air alsacien et bénéficient d’un jardin, ce qui confère à l’ensemble un air de ruralité surprenant à deux pas du périphérique.
Pour découvrir cet ensemble, rien de mieux que de flâner dans le dédale d’allées en partant de celle du stade, en face de l’ancienne usine, devant le monument aux morts.
La petite cité a été construite dès 1924 sur onze hectares, les quatre-vingt-dix-sept maisons en partie jumelées comprenant 297 logements. Pour compenser la faible attractivité des emplois proposés et l’isolement du site, l’usine offrait des loyers très avantageux avec tous les commerces et loisirs (église, bar, cinéma, laiterie, boucherie, infirmerie, bains-douches, etc.) à proximité.
La petite cité se situait au sud de l’usine Tase sous le vent des trois grandes cheminées qui dominaient le site industriel. La production de viscose provoquant des rejets d’air chargé d’acide, les habitants du quartier essayaient d’attendre le dimanche, jour de ralentissement de la production, pour étendre leur linge, afin d’éviter qu’il ne soit trop pollué ou même troué !
En 1926, après la construction de la grande cité et ses 500 logements, les maisons furent réservées aux contremaîtres et ouvriers qualifiés.
Une autre époque, un autre siècle dont l'actuel en est l'héritier !
Une autre époque où les employeurs portaient un intérêt certains aux conditions de vie des ouvriers. Citées ouvrières: Cie Fives Lille, Éts Prénat, Souchon-Neuvesel verrerie , SNCF, Renault, souvent agrémentés de centres de consultations médicales gratuites, colonies de vacances , de centres d'apprentissage, de fourniture de charbon, aujourd'hui ils ne peuvent tout faire conditions ouvrières et actionnaires!!!
d'autant qu'ils ont à payer ce qu'ils nomment, :"Charges patronales," oubliant qu'il ne s'agit que du salaire différé dont ils ont la gestion