Saisi par le barreau, le tribunal administratif de Lyon doit décider cette semaine s'il ordonne la fermeture du Centre de rétention administrative 2 de Lyon, qui, selon les avocats, porte atteinte aux libertés fondamentales des retenus.
Lundi 21 octobre, le tribunal administratif de Lyon, saisi par le barreau de Lyon dans le cadre d'une procédure de référé-liberté, a examiné le recours des avocats lyonnais contre le ministère de l'Intérieur pour sa gestion du Centre de rétention administrative 2 de Lyon-Saint-Exupéry.
Demandant à la justice d'ordonner la fermeture du CRA au motif que les conditions de rétention portent atteinte aux libertés fondamentales des retenus, l'ordre des avocats souhaite que le tribunal somme le ministère de l'Intérieur de mettre fin à un certain nombre de pratique. Il demande ainsi que soit supprimé le matériel de contention physique, dont il qualifie la présence dans ce CRA "d'illégale" puisque ne répondant à aucun cadre légal.
"Il y a une détresse psychologique chez les retenus"
Le barreau réclame que soit également supprimé les cellules de mise à l'écart du CRA, dont l'utilisation est "arbitraire" et "dont on ne sait pas comment elle est contrôlée" a déploré Me Franck Heurtrey. Un rapport de la Contrôleur général des lieux de privation de liberté ayant donné lieu à des recommandations publiées au Journal officiel avait notamment relevé la présence d'excréments sur les murs et la porte de cette cellule d'isolement.
L'ordre des avocats demande également qu'un médecin et un psychologue soient présents sur site cinq jours par semaine. "Il y a une détresse psychologique chez les retenus. Entre le 1er jour où ils arrivent et le 7e jour, déjà, la dégradation psychologique est très forte" a indiqué Franck Heurtrey, alors que les personnes retenues peuvent l'être pendant 90 jours et que le ministre de l'Intérieur souhaite allonger ce délai à 210 jours.
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Prise en charge médicale : "beaucoup de nos concitoyens aimeraient avoir ce genre de prestation" estime le représentant du ministère
Le barreau demande également au nom du droit au respect de la vie privée que des systèmes de verrouillage des portes soient installés pour les sanitaires et les douches du CRA. En effet, à l'heure actuelle de simples portes type "saloon" sont installées, ne garantissant pas l'intimité des retenus. Enfin, les conseils lyonnais réclament une augmentation des rations de nourriture, dont la faiblesse conduisent, selon Me Heurtrey "à un épuisement physique" et "décuple les tensions".
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Le représentant du ministère de l'Intérieur et de la préfecture du Rhône a de son côté appelé le tribunal a rejeter la requête du barreau sur la forme, estimant que ce dernier n'a pas d'intérêt à agir puisqu'"aucun des griefs exposés n'affecte l'intérêt de ses missions" considère-t-il. Il remet également en question la saisine par référé-liberté, alors que la dernière visite sur laquelle s'appuie la requête de l'ordre date de février 2024.
Manque d'intimité, portions de nourriture trop faibles
Sur le fond, la directrice du centre a tenu à "insister sur le profil des retenus", qui sont à 98 % "des étrangers en situation irrégulière présentant un risque de trouble à l'ordre public ou en sortie de prison". Elle assure par ailleurs qu'un médecin est présent cinq demi-journées par semaine, ainsi qu'un psychologue. "L'unité médicale est ouverte du lundi au dimanche. On y trouve un infirmier, un psychiatre, un psychologue, et bientôt un dentiste. Beaucoup de nos concitoyens aimeraient avoir ce genre de prestation", a ajouté le représentant du ministère. Ce dernier a par ailleurs évoquer "un gaspillage important", rejetant les critiques quant au manque de nourriture. Concernant l'absence de verrouillage des portes des sanitaires et des chambres, la responsable du site a indiqué que cela "poserait un problème de sécurité" et que cela facilitait par ailleurs "le mouvement des retenus".
Le tribunal devrait rendre sa décision dans le courant de la semaine a-t-il indiqué. Pour rappel, Après une visite en 2022, l'ancienne bâtonnière et l'ex-vice bâtonnier, Marie-Josèphe Laurent et Jean-François Barre avaient dénoncé les conditions de rétention dans ce centre que le binôme jugeait "anxiogène, pire que la prison". "Le contrôleur général des lieux de privation de liberté a envoyé une équipe en 2023 et effectué des recommandations. J'y suis retournée en février 2024 et j'y ai constaté des conditions de rétention indignes, des problématiques nutritionnelles et d'absence d'accès aux soins", a indiqué Sara Kebir à notre rédaction.
Lyon Capitale avait également pu visiter en partie le CRA 2 lors d'une visite de l'ancienne députée du Rhône Sarah Tanzilli quelques jours avant l'examen de la loi immigration portée par Gérald Darmanin. Pilote pour de nouveaux CRA partout en France, cet établissement est construit sur un modèle pénitentiaire assumé. D'une capacité théorique de 140 places, l'établissement est construit en sept blocs - dont un réservé aux femmes et familles - de 22 places chacun. Chaque bloc dispose d'une "cour extérieure", sorte de cage grise depuis laquelle il est impossible de distinguer le moindre horizon.