Le Bugey, poubelle nucléaire de la France

Y seront entreposées les pièces métalliques issues des chantiers de démantèlement de plusieurs réacteurs français.

Iceda. Le nom rappelle le film d'animation japonais Akira, avec son scénario post-apocalyptique dans Néo-Tokyo, en 2030.
Pourtant, l' "installation de conditionnement et d'entreposage de déchets activés" d'EDF ne relève en rien de la science-fiction : quand Iceda sera construit, nous ne serons qu'en 2012, soit dans à peine quatre ans. Débarqueront alors dans l'Ain les déchets radioactifs parmi les plus inquiétants du parc nucléaire français.

Concrètement, EDF s'apprête à démanteler une partie de ses centrales nucléaires (dites de première génération) pour la plupart vieillissantes, et dont certaines sont carrément en fin de vie. C'est le cas d'un réacteur à Brennilis (Finistère), de trois à Chinon (Indre-et-Loire), deux à Saint-Laurent (Touraine), d'un à Chooz (Meuse), d'un au Bugey et d'un autre à Creys-Malville (Isère). Or, les déchets les plus dangereux - les pièces métalliques issues du coeur du réacteur - ne peuvent être entreposées dans aucun site de stockage français existant (voir encadré). Il s'agissait donc pour EDF de trouver une solution.

Lyon Capitale avait révélé le projet à l'été 2005, lorsque EDF avait pris, dans le plus grand des secrets, la décision d'implanter cette "poubelle nucléaire" à Saint-Vulbas. Michel Uhart, alors directeur de la centrale nucléaire du Bugey, nous avait déclaré que le site avait été retenu "car le réacteur 1 du Bugey serait le premier des neuf réacteurs français à être démantelé".

En réalité, le Bugey a été choisi pour deux raisons : un, c'est l'un des rares sites français à disposer encore de terrains libres suffisants, deux, le site dispose d'une entrée ferroviaire, solution a priori la moins risquée pour le transport des matières radioactives.

500 tonnes de déchets

Résultat, dans quelques années, un abri de 130 mètres de long par 80 mètres de large et 20 de haut, entièrement bétonné, sortira de terre au sud de la centrale du Bugey. Soit 8 000 m2 de surface destinée à entreposer plus de 500 tonnes de déchets.

Pour l'heure, un chantier de mesures et de forage, commencé début avril, permet d'effectuer des essais précis sur le comportement des sous-sols de la zone susceptible d'accueillir le futur bâtiment, et d'affiner les calculs. " Le chantier consiste à tester grandeur nature les fondations profondes " explique la centrale. Et le réseau Sortir du nucléaire* de s'interroger sur le risque sismique : "l'aléa sismique de la centrale du Bugey diverge selon que c'est EDF ou l'Autorité de sûreté nucléaire qui le calcule, défend Stéphane Lhomme, porte-parole du réseau. Nous demandons donc une réévaluation de ce risque ".

Risques potentiels pour l'environnement

Au-delà de cette question, se posent celles de l'impact d'une telle décharge sur l'environnement. D'après la plaquette d'EDF, "le confinement de la radioactivité sera totalement assuré . On apprend ainsi que "les déchets seront enrobés dans un coulis de mortier puis introduits dans un colis en béton armé. Ces colis seront eux-mêmes installés dans un hall d'entreposage dont les parois sont constituées d'une forte épaisseur de béton". Ce qui n'empêchera pas d'atteindre un niveau de radioactivité, pour chaque pièce, de l'ordre du million, voire du milliard, de becquerels par gramme. Or, ces déchets là - dont certains proviendront de réacteurs en exploitation - ont une durée de vie qui peut aller jusqu'à des milliers, voire pour certains, des millions d'années.

La gestion des déchets radioactifs reste en effet la problématique nème1 du nucléaire. Le centre du Bugey ne sera donc qu'une solution provisoire avant de stocker les déchets, ad vitam aeternam, à 500 mètres de profondeur, sous le petit village de Bure (Meuse/Haute Marne).

En attendant, aucun décret d'autorisation de création de l'Iceda du Bugey n'a encore été pris. "L'instruction du dossier se poursuit" explique l'Autorité de la sûreté nucléaire (ASN). Personne n'en doute.

* SdN est un collectif de 821 associations, nationales et internationales, basé à la Croix-Rousse.

Les déchets radioactifs en France
Il existe 4 sites principaux de stockage des déchets radioactifs en France. Tous ces sites sont temporaires, avant de trouver une solution pour un entreposage définitif (chiffres 2005).
> Usine de retraitement de La Hague
Type de déchets : haute et moyenne activité, à longue durée de vie (HAMA-VL)
Capacité : 12 420 conteneurs*
Stockage actuel : 8 073 conteneurs
Particularités : accueille aussi les déchets étrangers; site surveillé par des lance-missiles
> Centre de stockage de la Manche
Type de déchets : faible et moyenne activité, à vie courte (FMA-VC)
Capacité : 527 000 m3 Stockage actuel : saturé, site fermé en 1994
> Centre de stockage de Morvilliers
Type de déchets : très faible activité (TFA)
Capacité : 650 000 m3
Stockage actuel : 25 000 m3
> Centre de stockage de Soulaines
Type de déchets : faible et moyenne activité, à vie courte (FMA-VC)
Capacité : 1 000 000 m3
Stockage actuel (au 31/12/2002) : 136 562 m3

* Un conteneur mesure 1,5 m de haut pour 60 cm de diamètre.
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