Comme chaque année depuis huit ans, l'association La Cimade prête ses yeux aux Lyonnais pour pénétrer derrière les barbelés du centre de rétention de Lyon (CRA). Ce lieu d'enfermement situé à 1,5 kilomètres de l'aéroport Saint-Exupéry “n'est pas une prison, mais en a tout l'air“. Il abrite en moyenne 2000 étrangers sans papiers chaque année, 2 369 précisément en 2008 selon le rapport de la Cimade qui vient de paraître.
Un coup de peinture, du lierre et du gazon
Cette année le rapport de la Cimade pointe quelques améliorations au centre de rétention de Lyon. La cour de promenade d'abord a été entièrement refaite. Elle dispose maintenant d'espaces verts, du gazon et du lierre rampant ont été introduits dans la cour du centre de rétention administrative (CRA) qui dissimulent un peu les grillages, austères aux yeux des étrangers, des policiers et des associations présentes sur place.
Autre amélioration, les salles communes ont été repeintes. Mais elles sont toujours aussi peu utilisées par les retenus selon la Cimade, car “il y fait trop chaud l'été et trop froid l'hiver“. Les étrangers préfèrent utiliser la salle d'attente de la Cimade car “il y fait bien chaud l'hiver“.
Le fonctionnement du centre reste le même. L'espace est divisé en trois zones de hauts grillages, une aile réservée aux hommes plutôt originaires des pays de l'Est, une aile réservée aux femmes et aux familles, et une dernière aile réservée aux hommes originaires d'Afrique. La division de ces trois zones par de hautes grilles “contribue en grande partie à la sensation d'enfermement qu'éprouvent les retenus et les intervenants“, écrit la Cimade.
Des chambres insalubres
En dehors de ces quelques améliorations, à l'intérieur du centre, de nombreux subsistent. Des problèmes d'infiltration d'eau notamment dans les chambres, jugées “insalubres“ par la Cimade. “Les toilettes à la turque sont toujours la règle“ au CRA, poursuit par ailleurs l'association, “malgré les recommandations des services d'hygiène et les problèmes d'accès pour les personnes à mobilité réduite“.
Les travaux de plomberie nécessaires relèveraient du bon vouloir du Secrétariat général pour l'administration de la police (SGAP), mais rien n'est fait malgré plusieurs demandes du responsable du centre. Dans les toilettes et les chambres, les mauvaises odeurs persistent dues aux problèmes d'évacuation.
Derrière les barbelés, 104 enfants en 2008
Huit places sont toujours réservées aux femmes et trois chambres aux familles au centre de rétention de Lyon, ainsi qu'une cour pour les enfants avec des jeux aménagés. Mais cette cour est tellement “étroite et oppressante“ selon la Cimade, “que les familles préfèrent l'éviter et rejoignent systématiquement la cour centrale“, où la présence d'enfants au milieu des retenus “inquiète fortement“ l'association.
Les enfants “pourraient être témoins d'événements violents et leur sécurité serait alors mis en danger“. Par ailleurs, “il est particulièrement choquant pour tous, retenus, policiers et intervenants de voir des enfants au milieu de la cour grillagée. Les retenus (…) nous interpellent systématiquement sur leur présence en rétention. Enfin, on peut sérieusement craindre que des enfants qui subissent une privation de liberté pouvant aller jusqu'à trente deux jours, après avoir été coupés brutalement de leur environnement quotidien (école et amis), en garde des traces au plan psychologique“, écrit la Cimade dans son rapport paru le 2 novembre. Le CRA de Lyon est l'un des onze centres de rétention en France habilités à recevoir des enfants sur vingt trois. Ajouter à cela que la préfecture du Rhône est celle qui place le plus d'enfants en rétention selon la Cimade. L'année dernière, le CRA de Lyon a accueilli trente cinq familles, dont cent quatre enfants. La Cimade milite pour interdire l'enfermement des enfants.
Mensonges et violences policières
Selon la Cimade, les étrangers arrivent de plus en plus au centre de rétention après un contrôle “au faciès“ dans la rue (13% des retenus en 2008). L'association rappelle que ce type de contrôle est illégal. A posteriori, “les policiers le justifient toujours par une infraction telle que “vocifération/crachat sur la voie publique“ ou “pieds sur la banquette“. Selon la Cimade, la violence viendrait plutôt des policiers “ces derniers temps, beaucoup de retenus nous ont relaté une arrestation musclée et font état d'injures et de violences de la part des policiers, lors de l'interpellation ou de la garde à vue“ écrit l'association chargée de la défense du droit des étrangers.
A l'embarquement dans l'avion, les retenus témoignent également de violences. “Les personnes nous ont relaté qu'en cas de résistance, ils étaient attachés pieds et poings liés et qu'on les portaient comme un colis“ jusqu'à l'avion. Mais là, difficile de prouver quoique ce soit une fois les retenus renvoyés dans leur pays d'origine. Cela dit, selon La Cimade, les étrangers auraient de bonnes raison de résister à l'embarquement.
En effet, lorsque les policiers viennent les arrêter chez eux pour les conduire au centre de rétention (12% des placements en 2008), ils font souvent usage de la ruse. Selon la Cimade, "les policiers racontent aux sans papiers qu'ils vont simplement aller faire un contrôle de routine au commissariat. Mais ils les placent en garde à vue et les transfèrent dans la foulée au centre de rétention. Généralement, un avion les embarque le lendemain ou le surlendemain“, s'indigne Clémentine, en poste au CRA de Lyon depuis deux ans pour la Cimade.
A Lyon en 2008, les étrangers sans papiers placés au centre de rétention ont majoritairement été renvoyés vers l'Algérie et la Turquie, suivi de près par la Tunisie et le Maroc,et enfin le Kosovo. Souvent , ils n'étaient vêtus que d'un tee-shirt, voire de leur tenue de travail (80% des étrangers retenus en 2008 avaient un emploi rappelle la Cimade). Comme ce Marocain renvoyé au Maroc en salopette à l'effigie de son entreprise de nettoyage l'année dernière, avec un balai brosse et une serpillère pour tout bagage ... Des pratiques "incompatibles avec la dignité humaine", selon la Cimade.
En 2008, 52 % des retenus du CRA de Lyon soit 1 230 personnes étrangères sans papiers ont été reconduites dans leur pays d'origine par avion sur 2 369.