Hôtel de la Métropole de Lyon © Tim Douet

Le marché du chauffage urbain du sud-ouest de Lyon attribué sur fond de polémique

Le 29 janvier la Métropole de Lyon a finalement attribué le marché du chauffage urbain du sud-ouest de Lyon au groupe Coriance. Un contrat à 350 millions d’euros accordé sur fond de polémique, après un mail anonyme dénonçant du favoritisme dans l'attribution de ce marché public.

Lundi 29 janvier, à l’heure où se tenait le conseil de rentrée de la Métropole de Lyon, tous les éléments étaient réunis pour donner naissance à une situation explosive. Les élus avaient à se prononcer sur l’attribution du marché du chauffage urbain du sud-ouest de Lyon, quinze jours après que BFM Business ait révélé l’envoi, à une quinzaine d’élus de la métropole de Lyon, d’un mail anonyme dénonçant du favoritisme dans l'attribution du marché public.

Lire aussi : Des élus accusés de favoritisme dans l'attribution du marché du chauffage urbain de la Métropole de Lyon

Le signataire de ce mail laissait entendre que l'un des deux industriels en course pour récupérer le marché public, Coriance, aurait été privilégié alors qu'il proposerait un prix plus élevé d'environ 10% pour les particuliers. "L'entreprise qui souhaiterait favoriser serait la plus chère mais vos services essaieraient de la faire apparaître malgré tout comme la plus intéressante", était-il écrit dans le mail reçu par les élus. Ce "lanceur d’alerte", que la Métropole de Lyon préfère qualifier de "corbeau" laissait également entendre qu’un ancien parlementaire EELV reconverti dans le lobbying aurait pu influer dans le dossier et qu’il pouvait aussi y avoir une situation de conflit d’intérêts du bureau d’études choisi par la collectivité pour l’assister dans l’analyse des offres. 

Une plainte déposée par la Métropole de Lyon

Un mail anonyme qui n’avait par la suite pas été étayé par des éléments de preuve tangible. Ce que n’a pas manqué de rappeler lundi Bruno Bernard, le président de la Métropole de Lyon au moment d’évoquer le sujet. "Rien n’est étayé. Cette personne n’a répondu à personne, que ce soit à la Métropole de Lyon ou aux journalistes qui ont cherché à la contacter. En 2022, nous avons créé un dispositif d’alerte éthique, indépendant, qui permet à nos agents et nos délégataires de faire des signalements. Ce corbeau n’a pas saisi ce dispositif, pas plus qu’il n’a transmis le moindre élément à la justice. Nous parlons de rien, il n’y a rien de démontré dans tout cela. Ce n’est que du flan", a martelé l’élu écologiste, écartant de la main les accusations. 

"Nous parlons de rien, il n’y a rien de démontré dans tout cela. Ce n’est que du flan"

Bruno Bernard, président de la Métropole de Lyon

Dénonçant des fausses informations, le président de la Métropole de Lyon a précisé qu’il avait déposé plainte la semaine dernière contre X et que la collectivité s’était portée partie civile. Dans l’entourage de Bruno Bernard, on précise que la plainte a été déposée le 26 janvier du chef de diffamation publique. Évoquant une situation économique tendue entre acteurs sur le marché du chauffage urbain en France, l’élu écologiste s’est notamment interrogé sur l’intérêt "économique" ou "politique" derrière ce mail, n’écartant pas la possibilité d’une "plaisanterie". 

Lire aussi : Chauffage urbain : 40 ans de gestion désastreuse

Un manque d'information pour la droite

Demandant tout de même au président de réaffirmer qu’il n’avait pas eu de rôle dans ce dossier et de confirmer que le bureau d’études choisi par la Métropole pour étudier les offres n’avait pas de conflit d’intérêts avec l’un des candidats, les oppositions se sont finalement très rapidement dissociées de ce mail anonyme. Réaffirmant à l’instar de Christophe Geourjon (Inventer la Métropole) leur "confiance dans l’impartialité des services et des instances de la Métropole de Lyon". 

Pour autant, une fois passée l’affaire du corbeau/lanceur d’alerte, sur le fond le sujet n’a pas manqué de faire débat dans l’hémicycle. La droite, par la voix de Myriam Fontaine (La Métro Positive) s’attachant notamment à dénoncer le manque d’informations sur ce "rapport complexe par sa technicité et qui a un enjeu financier majeur pour la collectivité et les habitants qui auront une facture à payer". Emmenés par Philippe Cochet, le maire LR de Caluire, les élus de droite, qui ont estimé ne pas être "à même de porter un avis éclairé sur le choix du prestataire" ont d’ailleurs fini par voter contre le dossier, après que l’exécutif ait décidé de ne pas reporter le vote. 

Une fluctuation de coût qui interroge

Car si le sujet fait autant parler, au-delà des rumeurs, c’est que le contrat de délégation de service public (DSP) qui a finalement été accordé au groupe Coriance, comme pressenti, au détriment du groupe Idex, c’est en raison de son importance. Estimée à 350 millions d’euros, la DSP d’une durée de 25 ans décrochée par Coriance doit permettre de raccorder environ 14 500 habitants au réseau de chauffage urbain, soit un réseau de 38 km. Un contrat négocié par la Métropole de Lyon pour les bénéficiaires, qui devront s’acquitter des factures inhérentes pour les 25 prochaines années. C’est peu dire que l’enjeu est important. 

"Ce dossier nous pose un soucis dans la mesure où on estime qu’il y a une fluctuation possible des tarifs trop élevée et on est un peu surpris sur le choix du candidat de ce fait"

Pierre Chambon, La Métropole pour tous (opposition)

D’autant que comme le soulevait l’auteur du mail anonyme et ce qu’à rappelé Pierre Chambon le dossier Coriance "pose un souci dans la mesure où il y a une fluctuation possible des tarifs trop élevés [par rapport aux cours mondiaux de l’énergie, NDLR]". Par ailleurs, à en croire un autre élu d’opposition, Christophe Geourjon, les tarifs proposés par Coriance apparaissent plus élevés que ceux d’Idex. Selon lui, dans le rapport d’analyse d’offre présenté aux élus, la facture type proposée par Coriance "est 5% plus chère". Sur une autre facture jointe au dossier, établi à une autre date, le montant de la facture évoluait même "de 13% pour l’offre Coriance" contre "seulement 4% pour l’offre Idex".

"Les futurs clients de ce réseau ne pourront pas faire jouer la concurrence, ils [...] seront obligatoirement engagés avec l’offre du réseau urbain que vous avez choisie et ceci pour une durée de 25 ans"

Christophe Geourjon, Inventer la Métropole (opposition)

De quoi interroger Christophe Geourjon, qui n’a finalement pas pris part au vote, déclarant qu’il "aurait paru important de privilégier l’offre assurant plus de stabilité financière pour le client". Selon lui, en commission permanente, l’exécutif aurait expliqué que derrière le choix de cette offre "le but était de réduire le risque financier pour la Métropole de Lyon".

Premières livraisons de chauffage fin 2025

Finalement adopté, le détail du vote de ce rapport, très éparpillé, illustre bien les interrogations des élus. On compte ainsi 75 votes pour, 31 contre, 20 abstentions, neuf personnes n’ayant pas voté et 11 élus n’ayant pas pris part au vote. Le vote étant passé et la DSP ayant été attribuée à Coriance, les premiers travaux permettant de relier les communes d’Oullins-Pierre-Bénite, Saint-Genis-Laval et La Mulatière au réseau de chauffage urbain débuteront dès 2024. Et les premières livraisons de chaleur devraient être opérées fin 2025

Les commentaires sont fermés

Suivez-nous
tiktok
d'heure en heure
d'heure en heure
Faire défiler vers le haut