Bruno Da Silva, président du tribunal de commerce de Lyon
Bruno Da Silva, président du tribunal de commerce de Lyon, sur le plateau de 6 minutes chrono, septembre 2024 @ GL

Le moral des chefs d'entreprise lyonnais plombé par la carence du gouvernement

Bruno Da Silva, président du tribunal de commerce de Lyon, est l'invité de "6 minutes chrono".

"A partir de la seconde quinzaine du mois de juin, nous avons observé, très objectivement, une forte modification dans le paysage, en ce sens qu'il y a beaucoup d'inquiétudes, un manque de perspectives, une incertitude fiscale et financière, explique Bruno Da Silva, président du tribunal de commerce de Lyon. La carence de gouvernement, je dirais, a fait qu'effectivement ça a pu contraindre quelque peu le moral des entrepreneurs."

Un moral plombé un peu plus par les chiffres des défaillances d'entreprises. A l'échelon national, les dernières statistiques de la Banque de France font état d'une diminution très légère des défaillances d'entreprise pour le mois d'août. Diminution assombrie par le fait que ces défaillances d'entreprises augmentent largement depuis janvier 2022. Dans le ressort du tribunal de commerce de Lyon, entre janvier et août 2024, ces défaillances sont en constante progression, soit + 13% de défaillances par rapport à la même période de l'année précédente. "Une hausse qui continue toujours à s'expliquer par ce rattrapage post-Covid des années 2020-2022 pour lesquels nous avons connu environ 1 500 défaillances de moins que les années." explique Bruno Da Silva, président du tribunal de commerce de Lyon.

Tribunal qui, dès le 1er janvier 2025 verra son nom changé, pour devenir le tribunal des affaires économques, avec un élargissement de ses compétences.

L'article 26 de la loi du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 permet d'initier une expérimentation majeure pour la justice économique : l'expérimentation d'un tribunal des activités économiques (TAE). Ce nouveau dispositif juridictionnel instaure en matière commerciale une juridiction aux compétences élargies afin de présenter aux justiciables un bloc de compétences unique, plus facilement lisible.

Dans le cadre de cette expérimentation, le TAE sera composé des juges élus du tribunal de commerce, de juges exerçant la profession d'exploitant agricole, ainsi que d'un greffier.

180 à 200 dossiers en plus par an pour le futur nouveau tribunal des affaires économiques de Lyon

Il sera doté des compétences du tribunal de commerce, étendues à l'ensemble des procédures amiables et collectives, quel que soit le statut du débiteur (à l'exclusion des professions libérales réglementées du droit). Compte tenu de leur technicité, les contentieux des baux commerciaux et de la propriété intellectuelle continueront de relever des tribunaux judiciaires, à l'exception du contentieux des baux commerciaux présentant un lien de connexité suffisant avec la procédure collective.


La restranscription intégrale de l'entretien avec Bruno da Silva

Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 minutes chrono. Nous recevons aujourd'hui Bruno Da Silva.

Bonjour Guillaume.

Vous êtes président du tribunal de commerce de Lyon. Les dernières statistiques de la Banque de France, au niveau national, font état d'une diminution très légère des défaillances d'entreprise pour le mois d'août. Diminution qui est quand même largement tempérée par le fait que ces défaillances d'entreprises augmentent quand même largement depuis janvier 2022. Dans le ressort du tribunal de commerce de Lyon, si on fait un petit point de situation, on en est où au niveau des défaillances ?

Nous sommes en progression, en constante progression, depuis le début de l'année et à fin août, nous sommes à plus 13% de défaillances par rapport à la même période de l'année précédente. Une hausse qui continue toujours à s'expliquer par ce rattrapage post-Covid des années 2020-2022 pour lesquels nous avons connu environ 1 500 défaillances de moins que les années.

Rattrapage Covid, évidemment, remboursement PGE j'imagine aussi c'est toujours sur la table?

Difficulté de trésorerie, oui c'est ça. Et également un peu de sujets plus structurels qui concernent certaines grosses entreprises de taille intermédiaire qui, malgré tout, connaissent des difficultés, parce qu'un certain nombre de secteurs sont très affectés. Je vois notamment l'immobilier, tout d'abord, et les secteurs périphériques, comme la construction, évidemment, et puis, par ailleurs, également des sujets qui concernent l'industrie, qui peuvent toucher l'industrie. La semaine dernière, nous avons ouvert effectivement une procédure de redressement au bénéfice de la société Vencorex, dans la chimie, et il est à penser que d'autres sociétés dans un secteur industriel soient malheureusement concernées aussi par des procédures de redressement judiciaire dans les prochaines semaines.

Vous qui rencontrez beaucoup de patrons, de chefs d'entreprise, de petites et des moyennes entreprises, mais aussi des plus grosses, quelle est leur moral ?

Écoutez, on a observé, très objectivement, qu'à partir du mois de juin, et notamment à partir de la seconde quinzaine du mois de juin, une très forte modification dans la façon, dans le paysage, en ce sens qu'il y a beaucoup d'inquiétudes, beaucoup d'inquiétudes, un manque de perspectives, l'incertitude fiscale, l'incertitude financière. La carence de gouvernement, je dirais, a fait que effectivement ça a pu contraindre quelque peu le moral des entrepreneurs.

Alors il va y avoir un gros changement au 1er janvier 2025 pour le tribunal de commerce puisque c'est l'une des douze juridictions françaises qui va expérimenter de nouvelles compétences. Il s'appellera non plus tribunal de commerce mais tribunal des activités économiques. Quelles seront ses nouvelles compétences ?

Alors, on va élargir les compétences du tribunal de commerce à d'autres professions, concernant les difficultés que rencontrent les entreprises, les problématiques de défaillance. Nous allons élargir aux professions libérales non réglementées, aux associations également, aux sociétés civiles immobilières et puis, également, au monde agricole puisqu'on va avoir à connaître effectivement des procédures qui concernent le monde agricole.

Que cherche le gouvernement avec cette expérimentation ?

Je pense que c'est de simplifier. Ces procédures-là sont suivies par le tribunal judiciaire, mais le nombre, finalement, à Lyon le nombre d'affaires qui est suivie est finalement assez réduit et quelque part est un petit peu en marge de leur activité globale. Pour nous c'est 10% d'activité, 10% de dossiers en plus et d'entreprises en plus à s'occuper à l'année je dirais globalement on doit pouvoir être en mesure de l'absorber effectivement assez assez rapidement.

Et ces 10% d'activité supplémentaire ça représente combien de dossiers à peu près ?

C'est environ 180-200 dossiers par an.

Cela va-t-il nécessiter une nouvelle organisation ?

Alors, effectivement, on va refondre l'organisation, on va l'adapter par rapport à cet élargissement de compétences. On est en train de retravailler sur le sujet, de préparer cela. Et puis, parallèlement à cela, on va avoir la nomination et la désignation qui va être fait dans les prochains jours de six assesseurs exploitants agricoles qui vont venir renforcer les rangs des juges du tribuna, l le futur tribunal des activités économiques.

Des juges vont-ils être formés à ces nouvelles compétences ?

Alors, le président, le vice-président et un certain nombre de juges vont suivre cette formation du tribunal des activités économiques. Cela va concerner, en un premier temps, essentiellement les présidents de chambres et les assesseurs exploitants agricoles vont également suivre une formation, un peu comme les juges consulaires. Ensuite, je dirais, le projet se mettra en oeuvre effectivement à partir du 1er janvier.

Il y a souvent une appréhension pour les chefs d'entreprise d'aller au tribunal de commerce parce qu'il y a la possibilité de la liquidation, à cause de la cessation de paiement. Le fait de changer le nom du tribunal de commerce en tribunal des activités économiques va rassurer selon vous ?

Je ne sais pas puisqu'on aura toujours la notion de tribunal. En revanche, effectivement, la compétence du tribunal de commerce d'hier va être élargie aux activités économiques dans leur entièreté, et donc, c'est vrai, que ça renvoie un message également au monde économique d'une façon plus globale.

Merci Bruno Da Silva d'être venu sur notre plateau. A très bientôt au revoir.

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