Le nouveau visage des nuits lyonnaises

Pendant de nombreuses années, les Lyonnais ont boudé leurs nuits. C’était un peu le serpent qui se mordait la queue : comme il n’y a rien à faire la nuit, on ne sort pas. Mais, depuis le milieu des années 2000, la belle endormie séduit et se prendrait même à rêver d’être un papillon de nuit. Longtemps qualifiée de ville morte en matière de fête, Lyon est en passe, dans les prochaines années, de devenir une ville qui compte en matière de nuit.

Le Sucre ()

©Pierre-Antoine Pluquet

 

Article paru dans Lyon Capitale n°746 (juillet-août 2015)

"Le pitch : vous venez faire la fête à Lyon – il n'est que 2h30 du mat – vous ne souhaitez pas aller en boîte – que faire ? – une seule solution s'offre à vous : aller se coucher !" L'avis de décès de la nuit lyonnaise est daté de février 2012. Les professionnels de la nuit lyonnaise, peu enclins à se fédérer – le milieu étant réputé très individualiste –, appelaient à une union sacrée pour "sauver la nuit". Le pitch, c'est aussi celui que les Lyonnais ressortent à tout crin, estimant que la nuit à Lyon, c'est le vide intersidéral, le degré zéro de la fête. Du moins dans son volet grand public, car il y a toujours eu une vie nocturne, un espace de nuit à Lyon, mais peut-être plus pour initiés.

Trois ans et demi plus tard, la ville de Lyon et le "milieu" tentent d'abolir les clichés liés à la vie nocturne et de créer un label certifiant la qualité des établissements de nuit. "Il y a toujours eu une vision populiste de la boîte de nuit, explique Thierry Lahon, président de l'Umih Rhône-Alpes, qui regroupe tous les professionnels du secteur. Pour la grande majorité des gens, la nuit est associée aux mots "mafia", "drogues", "perversité", etc." Les lignes semblent néanmoins bouger. Preuve en sont les récentes déclas de l'adjoint à la sécurité du maire de Lyon, Jean-Yves Sécheresse : "Une agglomération comme la nôtre ne peut pas se passer d'une vie nocturne de qualité. C'est une évidence. Il faut arrêter de considérer la vie nocturne seulement sous l’angle de la sécurité et de la santé. La nuit ne doit pas être un fardeau. Nous devons donc proposer une vie nocturne attractive pour toutes les classes d'âge et tous les portefeuilles." Et Pierre Chambon, président de la branche "nuit" de l'Umih, d'enchérir : “La nuit doit être vue comme un vrai facteur d’attractivité touristique.”

Night city breaker et soldes d’hiver

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©Pierre-Antoine Pluquet

On est encore loin de New York et des 8 milliards d'euros de retombées économiques de l'industrie de la nuit, de Berlin et de ses mœurs fêtardes et noctambules, interlopes et trash, douces et égalitaires, de Barcelone où 6 % de la population active travaille dans le secteur de la nuit (soit un chiffre d'affaires similaire à ceux de la banque et de la construction, les deux secteurs les plus importants d'Espagne). Mais, à l'instar du gouvernement britannique qui a bien saisi l'impact économique du tourisme nocturne de Londres, les élus lyonnais semblent moins fermés à l'idée de faire de Lyon une ville qui vit entre le coucher du soleil et l'aube.

Le lobbying a semble-il bien fonctionné et l'idée d'un night city break à la lyonnaise a fait son petit bout de chemin auprès de Gérard Collomb. L'idée : vendre la destination Lyon à travers le prisme de la fête pendant un week-end. Les promoteurs du concept ont proposé les soldes d'hiver, après les fêtes de fin d'année, histoire d'organiser un grand événement. "On viendrait à Lyon faire les soldes, qui deviendraient alors festifs. On pourrait imaginer faire des happenings piscine à 23h, assister à un défilé de mode à 1h du matin, aller chez le coiffeur à 2h, manger à 4h..." De quoi faire mentir le directeur général d'OnlyLyon Tourisme et Congrès, qui décochait le mois dernier dans Lyon Capitale : "Lyon n'est simplement pas la capitale de la fête, c'est tout."

Chefs d’entreprise 2.0

Si Lyon devient doucement une ville moteur en matière d'attractivité nocturne, elle le doit beaucoup aux Nuits sonores. “Lyon is more than ready for any rush", a récemment écrit The Guardian, dépeignant Lyon comme un "hub culturel", en évoquant le festival de musique électronique lyonnais.

Créé il y a treize ans par Vincent Carry et l'association Arty Farty, le soundwalk urbain est aujourd'hui un véritable marqueur culturel de la ville. Il a boosté Lyon en renvoyant vis-à-vis de l'extérieur une image dynamique, jeune et branchée, de la ville. Les Nuits sonores, c'est pas loin de 300 journalistes accrédités, dont cette année des Chinois et des Américains.

Qu'on se le dise, le rayonnement international de Lyon passe par la nuit. Les nouveaux faiseurs des nuits lyonnaises l'ont parfaitement intégré. "Lyon est devenu une plateforme festive connue et appréciée de l'étranger", explique Cédric Dujardin, le patron du Sucre, joyeux toit-terrasse de la Confluence.

Les nouveaux petits princes de la nuit ont rompu avec les codes et les agissements de leurs aînés des années 1980-1990 et se comportent plus comme de véritables chefs d'entreprise que comme de banals patrons de discothèque. "On est une entreprise comme une autre, entonnent en chœur Brice Busta et Benjamin Roche, les moins que trentenaires du Petit Salon, l'un des établissements de nuit les plus prisés de la jeunesse lyonnaise. On fait travailler une douzaine de personnes chaque soir, sans compter la société extérieure de sécurité. On se considère comme chefs d'entreprise... de la nuit."

Le Sucre ()

©Pierre-Antoine Pluquet

Lyon, the place to club ?

Aujourd'hui, la nuit à Lyon n'a pas à rougir face à ses "rivales" européennes. Lors des Assises du tourisme, il y a tout juste un an, Laurent Fabius a cité deux villes en matière de dynamisme nocturne : Paris et Lyon. Au dernier Monaco International Clubbing Show (MICS), le premier salon des lieux de nuit en Europe, ce sont les Lyonnais Thierry Lahon et Pierre Chambon qui ont animé les conférences.

Si aujourd'hui Lyon est surtout célèbre pour son offre patrimoniale et sa vie nocturne quelque peu en retrait, reste qu'elle est devenue sexy, elle attire. L'aspect "nuit" du rayonnement touristique nocturne est en train d'être compris et pensé. Encore faut-il, comme le souligne le sociologue Dominique Wolton, ne pas être "trop clinique" et ne pas "trop pasteuriser la nuit", sous peine de l'étouffer.

Le pitch : vous venez faire la fête à Lyon – il n'est que 2h30 du mat – vous ne souhaitez pas aller en boîte – que faire ? – une seule solution s'offre à vous : continuer à faire la fête !

Lire aussi : Lyon, lauréate des Trophées de la Nuit pour sa politique nocturne
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