Père Gréa

"Le pape François doit régler le problème du célibat"

Teaser. En préambule au grand dossier que Lyon Capitale consacre, dans son numéro de mai, à la question du célibat des prêtres - suite au départ du père David Gréa de l'église Lyon Saint-Blandine -, nous vous proposons un entretien avec Philippe Levillain, historien de la papauté.

Le pape François a récemment confié à Die Zeit qu’une réflexion sur l’ordination sacerdotale des viri probati (hommes mariés ayant fait leurs preuves au plan humain et pastoral) serait « utile ». Quelle est l’importance de cette annonce ?

Le pape est en train d’essayer de régler le déficit des vocations en Europe. Il essaie d’éviter une rupture pour changement de vocation des prêtres, comme cela a été le cas à Lyon avec le père David Gréa. Le pape fait cela en douceur. Il veut éviter le séminariste qui rentre dans les ordres et se marie après. D’autre part, il cherche des hommes stables, mûrs, une typologie nouvelle qui correspond, au fond, à ce que sont les diacres.

Est-ce le début d’un débat sur le célibat des prêtres ?

C’est très possible. De plus en plus de séminaristes, en porte-à-faux, hésitent au moment de prononcer leurs voeux et de nombreux prêtres quittent leur fonction. Nous n’avons pas de chiffres de ces départs car les évêchés se gardent bien de donner des précisions. Mais il ne s’agit pas d’une hémorragie, comme on peut le lire ici et là.

Ces question pourra-t-elle être abordée lors du prochain synode, en octobre 2018, selon vous ?

Je le pense oui. Le pape François ne peut pas quitter sa fonction pontificale sans avoir résolu le problème du célibat des prêtres et celui de l’homosexualité dans l’Eglise.

Le pape François est soumis à de fortes pressions de la curie…

La curie a toujours été un problème pour le pape. Mais ce n’est pas nouveau : il existe une pesanteur historique de la curie. Le pape François essaie, tant bien que mal, de réformer la curie dans son recrutement, dans ses attributions et dans son fonctionnement. Mais cela reste extrêmement compliqué.

"Le pape François ne peut pas quitter sa fonction pontificale sans avoir résolu le problème du célibat des prêtres et celui de l’homosexualité dans l’Eglise"

En tant qu’historien spécialiste du Vatican, comment analysez-vous le départ du père Gréa ?

Je crois qu'on a fait grand bruit autour d’une chose qui relève de la conscience profonde. Mais aujourd’hui, il faut noter que l’opinion publique est très favorable au pape François, plus chez les non-chrétiens que les catholiques d’ailleurs. Ce côté "diagonal" que le pape prend, le fait qu’il marche dans les marges du catholicisme romain, plaît aux anticléricaux, aux athées alors que les catholique sont parfois désorientés. Le non-chrétiens observent le spectacle d’un pape qui parfois dérange les catholiques, et cela les réjouit si je puis dire.

L’Eglise doit-elle, selon vous, assouplir la règle du célibat des prêtres ?

Sans critiquer le clergé, il faut reconnaître que beaucoup de prêtres l’assouplissent déjà par eux-mêmes. Faut-il la théoriser ? Cela permettrait de faire baisser la tension - au sens de la pression artérielle. Pour le coup, il s’agit d’une question de stratégie. Mais il faut bien se dire que la vie des prêtres, aujourd’hui, est difficile. Le pape est un latino-américain qui ne connaît pas l’Europe. Mais il a conscience de beaucoup de problèmes que rencontre l’Eglise catholique occidentale.

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