Le championnat du monde de "pâté-croûte" se délocalise à Lyon ce lundi soir. Où comment un canular entre Lyonnais s’est transformé en compétition de haut niveau au point d'emballer la planète et faire œuvre de renouveau de la charcuterie.
C'est le retour en grâce du pâté en croûte. La résurrection d'un monument d'anthologie et de gourmandise. Pendant des années, cette pièce d'artillerie de la cuisine française était tombée au champ d'honneur. Fusillée sur l'autel de la nouvelle cuisine - ce mouvement du milieu des années 70 qui, telle une lame de fond, a tout balayé sur son passage, comme la cuisine fumée et à la braise, désormais de retour sur le devant de la scène (Cocotte, cours d'Herbouville à Lyon 4, en figure de proue), où le lièvre à la Royale qui revient au galop (M Restaurant, pour n'en citer qu'un), bref des plats furieusement rétro.
Le pâté en croûte, alors symbole d'une France populaire, charcutière, laborieuse et un brin canaille, n'y échappe pas et se noie dans les limbes de la ringardise culinaire. Comme dirait Bernard Pivot avec le beaujolais, le pâté en croûte est un plat de lutte des classes, des canuts et des rad-soc’s, de Gnafron et d’Édouard Herriot, des bleus de chauffe et des costumes-lavallière, des mâchons entre vieux potes et des déjeuners de famille, de la gauche-saucisson et de la droite-pot-au-feu.
Du bistrot de quartier au trois-étoiles Michelin
Mal-aimé, relégué au dernier choix des buffets-apéros ou dans une misérable et dédaigneuse version cocktail industrielle sous emballage, le pâté en croûte est aujourd'hui entendu comme le fin du fin, un ouvrage d'adresse et de gastronomie incontournable des tables de division bistrot ou calibrées Ligue des champions version double ou triple étoilée. Pour reprendre le bon mot de nos confrères du Figaro, sous la plume de Maurice Beaudoin, "en perdant sa particule, le pâté-croûte a (re) gagné des lettres de noblesse".
Car à Lyon (dans le Rhône plus largement, mais aussi dans le Champenois, on dit pâté-croûte). Or, c'est à Lyon qu'est née l'idée, il y a dix ans, d'organiser un concours de pâté-croûte via la Confrérie du Pâté-croûte dont l'objectif est "la promotion du pâté-croûte comme pierre angulaire de la gastronomie". À la manœuvre, des amateurs de bonne chère emmenés par Christophe Marguin, le patron des Toques Blanches Lyonnaises, la "mafia" culinaire de la capitale des Gaules et des gueules. Il faut reconnaitre au cuisinier (Le Président, 6e) d'avoir sorti des oubliettes le pâté en croûte et de l'avoir revalorisé à sa juste valeur. "Considéré comme un plat traditionnel, le pâté croûte a souffert pendant longtemps de la charcuterie industrielle, alors que ce dernier est un des plats les plus techniques à réaliser et les plus savoureux à déguster."
Orfèvrerie, MOF et Instagram
C'est vrai qu'avec ces Championnats du monde - dont la 11e édition se tient ce soir à Lyon au restaurant de la Confluence Le Selcius - le pâté en croûte relève de l'orfèvrerie charcutière. Il suffit de voir les noms prestigieux qui composent le jury : cinq Meilleurs ouvriers de France (MOF), quatre chefs étoilés... A qui les douze finalistes présenteront leur pâté-croûte : cinq Parisiens, dont Guillaume Gomez, le chef du palais de l'Elysée, un Pyrénéen, deux Lyonnais (Quentin Cardi de la Mère Brazier et Martin Vey d'Aux 2 Monts (Couzon-au-Mont-d'Or), un Haut-Savoyard, un Japonais, un Coréen et deux Américains, dont une wild card à une frenchie installée à New York, chez Benoît, le bistrot signé Alain Ducasse.
Le petit concours lyonno-lyonnais, puis régional, national est devenu planétaire. On parle donc de wild card comme dans les grandes joutes internationales. En témoigne la délocalisation à Lyon du championnat (historiquement, ces JO charcutiers se déroulaient à Tain-l'Hermitage, chez Michel Chapoutier, Monsieur 100 000 volts du vin)
"Honni soit celui qui sans pâté-croûte prétend servir table royale".
Les 11 lauréats des Championnats du monde du pâté-croûte
2009
Florian Oriol – Daniel & Denise (Lyon)
2010
Eric Metivier – Lenôtre (Paris)
2011
Eric Desbordes – Le Bristol (Paris)
2012
Yohan Lastre – La Tour d'Argent (Paris)
2013
Jean-François Malle – La Pavillon de la Rotonde (Charbonnières-les-Bains)
2014
Hideyuki Kawamura – Maison Lameloise (Chagny, Saône-et-Loire)
2015
Karen Torosyan – Bozar Brasserie (Bruxelles)
2016
Jérémy Delore – La Ferme du Poulet (Villefranche-sur-Saône)
2017
Chikara Yoshitomi – L'Ambroisie (Paris)
2018
Daniel Gobet – So Good Traiteur (Divonne les Bains)
zavez pas honte de me donner faim avec vos photos ? une remarque : une expérience à faire est de vous rendre chez un charcutier de campagne à l'ancienne (il y en a encore dans la région autour de Lyon) et régalez-vous avec son pâté en croute non sotisphiqué !
je rigole : c'est l'émotion qui m'a fait écrire sotisphiqué à la place de sophistiqué 🙂
c'est surtout le prix qui coupe un peu l'appétit mais quel bienfait de la civilisation arrivé d’Ardèche, d'Auvergne du Périgord etc, etc de régions où le cochon est respecté durant sa croissance qui n'ont fait que s'améliorer, ces gens sont des bienfaiteurs de l'humanité,. Qui peut être agressif après avoir dégusté une belle tranche de ce pâté, arrosé d'un cru régional .Et pour Noël plutôt que le ;; blaque fraille dé ;; des bouffeurs de gigot à la menthe, payez vous en donc de bonne part................ "Avec une belle soif" comme aurait dit son éminence Maitre Paul. Chez Chapoutier vous devriez trouver votre affaire !!
ah l'Ardèche justement ! en séjour chez des amis habitant le bout du monde en Ardèche, ils m'ont emmené chez le boucher-charcutier du village...on peut imaginer le régal !