Michel Onfray, probablement l'intellectuel le plus populaire de France, a accordé un entretien à Lyon Capitale. Dans son dernier ouvrage, "L’Art d’être français" (Bouquins), le philosophe dresse un portrait amer de la civilisation française, sur le déclin, "d’une époque qui ressemble à celle de saint Augustin qui voit s’effondrer la civilisation gréco-romaine". Pour devenir "transhumaniste".
Pour la rubrique Débats & Opinions, l'espace de Lyon Capitale dédié aux idées autour de l’actualité nationale et internationale, Michel Onfray, l’un des intellectuels français plus lus à l’étranger, ses livres se traduisant dans pas moins de vingt-cinq pays, nous entretient de l'amour de la France - "aimer la France, c’est être cocardier, chauvin, nationaliste, donc belliciste, lepéniste et la série continue avec : fasciste, d’extrême droite, nauséabond, etc." - du déclin français, de la violence dans le débat public actuel, des écologistes mais aussi de Rabelais, de Montaigne, de Voltaire et de Mariveaux.... "La liberté d’esprit de Montaigne, l’éloge rabelaisien du corps jubilatoire et hédoniste, le raisonnement conduit selon le principe cartésien, la pratique de l’ironie voltairienne, le plaisir pris au marivaudage qui est l’art de conduire du désir au plaisir par les mots, le souci lyrique d’une histoire de France faite par le peuple, voilà les éléments d’un portrait-robot qui incarnerait l’esprit français !" Lyon Capitale : L’art d’être français dont vous discourez renvoie à une expression d’un, à l’époque, futur président de la République – Emmanuel Macron pour ne pas le citer – qui, en février 2017, à Lyon, avait déclaré qu’“il n’y avait pas de culture française, elle est diverse”, surenchérissant quelques jours plus tard, à Londres, “l’art d’être français, je ne l’ai jamais vu”. Avez-vous déjà vu l’art d’être français ? Michel Onfray : Je n’ai pour ma part vu que ça depuis que je suis né ! Il est étonnant que, candidat ou président de la République, Emmanuel Macron n’ait eu de cesse de nous dire qu’il était un lettré, un amoureux de littérature, un passionné de théâtre, qu’il avait raté deux fois l’entrée à l’École normale supérieure, qu’il semblait vivement le regretter, qu’il a un roman dans ses tiroirs, qu’il aurait été un proche du philosophe Paul Ricœur, qu’il aurait même été son assistant, qu’il aurait rédigé un mémoire universitaire sur Machiavel avec le philosophe marxiste Étienne Balibar – qui ne s’en souvient pas. C’est le même homme qui, devenu président de la République, se fait photographier avec sur son bureau trois volumes de la prestigieuse bibliothèque de la Pléiade chez Gallimard – Stendhal, Gide et de Gaulle – pour en faire le cliché officiel présent dans toutes les mairies. Élu, il trouve le temps de donner un entretien à la revue, prestigieuse elle aussi, de la NRF. Je ne peux croire que cet homme pense ce qu’il dit quand il affirme pareilles contrevérités débitées dans la perspective de séduire l’électorat islamo-gauchiste et déconstructionniste de la cancel culture."Au sens étymologique, les réactionnaires veulent restaurer un ordre passé assimilé à l’âge d’or. Je ne souscris pas à cet optimisme qu’aucun exemple dans l’histoire n’atteste !"
@AFP) L’art d’être français c’est l’art d’hériter au moins de cette tradition littéraire que connaît bien le président Macron. Ajoutez à cela une façon d’être au monde : un ton, un style, une signature, un mode d’être et de faire en tout. La cuisine française n’est pas la cuisine anglaise, la musique française n’est pas la musique allemande, la peinture française n’est pas la peinture espagnole, l’architecture française n’est pas l’architecture autrichienne, la langue française bien sûr n’est pas la langue hongroise, la mode française n’est pas la mode portugaise, et vous constaterez que je reste dans l’espace européen. Il existe en France un goût de la légèreté qui n’exclut pas la profondeur, de l’élégance qui n’interdit pas la décontraction, du raffinement qui ne s’oppose pas à la simplicité, une ligne claire qui ne tourne pas le dos à la complexité. C’est tout ce que l’on entend quand on écoute une pièce de Ravel ou de Debussy ou qu’on boit l’un des nombreux vins français.
Il vous reste 77 % de l'article à lire.
Article réservé à nos abonnés.