C’est la première mosquée à avoir été fermée dans le cadre de l’état d’urgence. C’est la première qui a rouvert.
Le préfet du Rhône, Michel Delpuech, doit se rendre ce mercredi en fin d'après-midi à L'Arbresle, petite ville située à une trentaine de kilomètres au nord-ouest de Lyon, où la mosquée a été fermée le 26 novembre dernier par arrêté préfectoral.
Le préfet avait alors estimé que la salle de prière était "fréquentée par de nombreux salafistes, dont certains en relation avec des individus pouvant se trouver en Syrie", ajoutant que cette fermeture concourrait à "prévenir les risques de radicalisation auxquels sa fréquentation et son fonctionnement exposent de nombreux jeunes".
Deux “islamistes radicaux” autour de la mosquée
À l'époque, le beaujolais nouveau avait cédé la place au radicalisme islamiste dans les discussions de cette commune viticole de 6 000 âmes. Chacun y allait de sa petite phrase mais, pour l'essentiel, la décision en avait étonné plus d'un.
La préfecture s'était basée sur plusieurs notes blanches des Renseignements concernant Julien B. et Éric B., deux convertis identifiés comme "islamistes radiaux". Le premier, explique à Lyon Capitale le président de l'époque, "on ne l'a pas revu depuis cinq ans". "Au quartier, on jouait au foot. On a senti qu'il était bizarre. Les jeunes nous disaient qu'il leur parlait de Ben Laden. On lui a rapidement fait comprendre de dégager, ce qu'il a fait. La préfecture nous a dit que c'était lui qui avait des relations avec des gens partis en Syrie. Je vous le répète, il n'est jamais revenu depuis. Et il aurait pas intérêt !"
Le second individu suspect avait fait parler de lui en octobre dernier, à la salle de prière de la Duchère. L'imam, apparemment trop modéré pour lui, s'était plaint de "menaces de mort" et avait alors porté plainte, avec le soutien du conseil régional du culte musulman (CRCM). Le tribunal correctionnel avait relaxé le prévenu. Depuis, mal vu sur le plateau, Éric B. était allé à L'Arbresle à plusieurs reprises à cette période.
La préfecture avait également reproché aux responsables de la salle de prière d'avoir fait venir des conférenciers salafistes. "Jamais ils n'ont eu des propos haineux, toute la communauté musulmane de L'Arbresle peut en attester, toute ! Ils disaient même, les conférenciers, que Daech, c'était des chiens de l'enfer !"
“Ils nous ont fait tourner en rond”
Depuis, de nombreuses réunions ont eu lieu entre la mosquée, le maire et le CRCM, ce dernier demandant au bureau de l'association qui gérait la mosquée de démissionner. "En gros, le CRCM s'engageait à ce que la préfecture rouvre la mosquée si on démissionnait, précise l'ancien président. On s'est résigné, pour le bien de la mosquée. Et pourtant, le maire nous avait avoué que ce n'était pas les responsables qui étaient mis en cause mais quelques personnes autour."
Un nouveau bureau de l'association en charge de la gestion administrative est nommé. Au bout de quinze jours, rien n'a bougé. Le CRCM revient à L'Arbresle pour demander de créer, en parallèle, une association cultuelle loi 1905, en charge du culte (lire Les 10 propositions du culte musulman dans le Rhône). Les responsables se plient à la demande. Quinze jours passent. "Ils nous ont fait tourner en rond", explique l'avocat de la mosquée de L'Arbresle, qui, mardi 26 janvier, décide d'engager un référé-liberté contre l'arrêté préfectoral du 26 novembre ordonnant la fermeture de la mosquée. À 17h, le verdict tombe : la demande est rejetée. Le juge administratif confirme la légalité de l'arrêté préfectoral.
Aujourd'hui, la préfecture rouvre la mosquée. "Depuis cette fermeture, les différents partenaires (Etat, commune, CRCM et responsables musulmans locaux) ont travaillé ensemble pour permettre sa réouverture dans les meilleurs délais afin que les musulmans puissent exercer leur culte dans des conditions apaisées. Les membres du bureau de cette association se sont engagés à respecter un projet associatif visant à la pratique d'un islam de paix, de tolérance et respectueux des règles de la République. Ils devront ainsi adhérer au CRCM et à ses principes, mais aussi assurer une gestion financière transparente."