Quatre lycéens par classe, en moyenne, aujourd’hui en France, soutiennent l’un de leurs proches malades, en situation de handicap ou souffrant d’addiction.
17%. C'est le pourcentage des jeunes lycéens soutenant un de leurs proches malades en situation de handicap. "Ça fait en moyenne 3 à 4 jeunes par classe de lycée" consolide Axelle Enderlé, fondatrice de La pause Brindille, dont le siège est à Lyon.
Association d’intérêt général, créée à Lyon en 2019, La pause Brindille soutient les jeunes aidants, âgés de 7 à 25 ans, confrontés à la maladie, au handicap ou à l’addiction d’un proche. Estimés à 1 million en France, ils ne sont que peu reconnus et accompagnés malgré le rôle essentiel qu’ils jouent. Les impacts de cette situation sur leur propre santé physique et mentale, leur vie scolaire et sociale, sont importants et durables : isolement, épuisement, dépressions, difficultés voire décrochage scolaire.
Voir aussi :
- "J'ai réalisé la solitude qu'on vit quand on reçoit le diagnostic de trisomie 21 pour son enfant"
- "Regarder la singularité dans ce qu'elle suppose d'intelligence de rapport au monde."
"Pourquoi on en parle si peu ? Moi, je pense qu'il y a effectivement un petit tabou sur cette situation, qu'on a du mal à voir à considérer cette jeunesse qui, dans l'ombre, agit pour soutenir les proches dans son foyer."
Discussion avec Axelle Enderlé pour "6 minutes chrono".
Pour en savoir plus sur La pause Brindille, c'est ici.
La retranscription intégrale de l'entretien avec Axelle Enderlé
Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 minutes chrono. Nous accueillons aujourd'hui Axelle Enderlé. Bonjour.
Bonjour.
Merci d'être venus sur nos plateaux. Vous êtes fondatrice de La pause Brindille, une association qui va aider les jeunes aidants. 17%, c'est le pourcentage des jeunes lycéens soutenant un de leurs proches malades en situation de handicap. 17% ?
Tout à fait. Ça fait en moyenne 3 à 4 jeunes par classe de lycée. Et là, je parle vraiment des jeunes qui aident au quotidien, pas seulement qui sont confrontés à la maladie à la maison. Et ça représente 1 million de jeunes en France.
C'est un chiffre énorme quand même.
C'est énorme.
Pourquoi on en parle si peu au final ? Il y a un truc tabou ?
C'est une grande question. Pourquoi on en parle si peu en France ? Parce que si on prend l'Angleterre, par exemple, ça fait plus de vingt ans ans qu'ils sont sur ces questions, il y a même des dispositifs des lois pour les soutenir. Effectivement, en France on a du retard. Et pourquoi ? Moi je pense qu'il y a effectivement un petit tabou sur cette situation. On a mis bien 15 ans avant de pouvoir considérer les aidants. C'est aussi en lien avec notre système de santé, qui est censé être très soutenant, et qui se casse un petit peu la figure ces derniers temps. Et voilà je pense qu'on a du mal à voir à considérer cette jeunesse qui, dans l'ombre, agit pour soutenir les proches dans son foyer.
Comment finalement l'idée de créer La pause Brindille ? De quel constat
Comme souvent quand on porte ce genre de projet très lourd et très profond parce que c'est un sujet émergent qu'il faut vraiment qu'on porte, ça vient d'une histoire personnelle. Moi, j'ai une enfant qui est en situation du handicap et j'ai sa grande sœur qui est en situation de l'adolescence, comme j'aime à le dire, et qui toute petite m'a alerté sur la charge mentale, en fait, qui pesait sur elle. J'ai la chance d'avoir cette enfant qui parle et j'ai vu, grâce à elle, beaucoup, beaucoup d'autres jeunes qui ne parlent pas. Ce sont des jeunes qui sont extrêmement discrets. Et donc, nous nous sommes réunis avec plusieurs adultes qui ont connu ça, eux dans leur enfance, dans leur jeunesse, et qui n'ont pas été soutenus, et qui en paient aujourd'hui le prix un prix assez fort.Et nous avons décidé de créer une association pour agir en prévention.
Justement quel est votre travail au sein de cette association ? Comment ça marche finalement ?
La pause Brindille a quatre axes qui guident son action. Sensibiliser, puisque ce sujet est invisible.
Là vous êtes là sur le plateau de 6 minutes chrono pour sensibiliser...
... Voilà ça en fait partie. Libérer la parole, parce que dès que les jeunes se disent "ah ça c'est mon histoire, ça c'est enfin quelqu'un qui parle de ce que j'ai vécu", très souvent cette personne a envie de parler, quel que soit son âge que ce soit parler de son enfance.
Je fais une parenthèse sur ce deuxième axe, libérer la parole, ça veut dire qu'il y a des adolescents, pour diverses raisons, qui gardent ça pour eux, qui ont du mal à en parler.
Oui, alors vous dites adolescent, c'est vraiment l'âge où on a le plus de mal à parler. C'est l'âge où on a besoin de normalité, avec une normalité qui est parfois un peu fantasmée d'ailleurs. Mais c'est le moment où les jeunes disent le plus que leur famille est comme les autres et cachent le plus ce qui leur arrive. Et donc, ce sont des jeunes qui disent toujours que tout va bien, pour des raisons assez évidentes, qu'ils ne veulent pas en rajouter en fait par rapport à ce que vit déjà la famille. Donc libérer la parole et puis ensuite des actions de soutien. Et nous, on a un gros axe qui est de faire communauté sur les réseaux sociaux. On travaille beaucoup sur le digital puisque c'est quand même là que sont les jeunes. Et faire communauté, avec notamment notre festival, Tribu Brindille Festival, qu'on organise tous les deux ans et qui est réorganisé là, à Sainte-Foy les Lyon, le 6 juillet 2024.
La pause Brindille, dont vous êtes la présidente fondatrice, justement si on parle de la communauté ça représente combien de personnes ?
Alors si on prend les réseaux sociaux, ça fait beaucoup beaucoup de monde. Sur TikTok déjà on est plus de 18 000, sur un sujet qui n'est vraiment pas généralement le genre de sujet qu'on voit sur TikTok. Donc c'est beaucoup de monde. Si on rajoute ensuite tous les autres réseaux (Instagram 5 000, Facebook 1 800, LinkedIn 3 000, NdlR), on est vraiment très nombreux. Et ensuite, on a aussi une ligne d'écoute qui là, pour le coup, n'est pas lyonnaise mais qui est nationale et qui nous permet de soutenir entre à peu près 1 000 jeunes par an.
Est-ce quevous recevez aussi dans vos locaux des jeunes aidants ?
Oui, alors tous les mois sur Lyon, c'est parce qu'on est lyonnais quand même, on a des activités ludiques, de partage et de témoignage. Les jeunes se parlent beaucoup entre eux sur trois tranches d'âge : les enfants, les adolescents et les jeunes adultes.
Et les enfants c'est quoi ?
À partirde 7 ans. C'est 7-12, 13-17 et 18-25 ans . En gros, les trois tranches d'âge on les sépare parce que ce sont des problématiques différentes et puis surtout des modes d'expression différents. Donc, dans notre local, qu'on a depuis peu de temps, on les accueille pour faire des activités.
Et vous trouvez que la parole elle commence à se libérer ?
On voit sur d'autres sujets, qui n'ont rien à voir, mais on sent que dans la société de manière générale il y a un grand mouvement de fond de libération de la parole.
Est-ce que sur ce sujet particulier ça se libère un peu ?
Oui, alors nous on a fait un podcast, le premier podcast des enfants aidants, par exemple, qui a libéré beaucoup de paroles chez les enfants. Mais les enfants, je dirais c'est ceux qui ont le plus de facilité à parler. Ça s'arrête à l'adolescence et ça revient avec un fort besoin, une forte envie de témoigner chez les jeunes adultes, et chez les adultes, anciens jeunes aidants, qui ont envie d'agir pour ceux qui arrivent désormais.
J'ai une dernière question parce que le temps court vite. Si vous profitiez de ce plateau pour poser une question au gouvernement, qu'est-ce que vous demanderiez justement sur le sujet des jeunes aidants ?
Alors, il y a une stratégie nationale pour les aidants, qui est sortie, la deuxième est sortie il y a quelques mois. Le sujet des jeunes aidants est abordé notamment sur la question du repérage. Donc, il faut repérer les jeunes aidants. Moi, ce que je dirais au gouvernement c'est les repérer OK mais pour leur proposer quoi ? Voilà nous on a beaucoup d'axes d'action. On a un laboratoire d'innovation sociale. Donc on développe plusieurs actions notamment au sein même des établissements scolaires et des lycées et universités. Donc les repérer pour ne rien leur proposer ça n'a pas vraiment de sens. Donc il faut aller beaucoup plus loin et, en parallèle, lancer le repérage et l'action.