Mélanie Hamon, avocate au barreau de Lyon, fait le point sur le recours en excès de pouvoir déposé il y a six mois contre le projet urbain "Presqu'Ile à vivre".
C'est le projet d'aménagement urbain le plus important de Lyon depuis la requalification, en 2006, des berges du Rhône par Gérard Collomb, époque premier mandat. Les bas-ports étaient jusqu'alors dévolus au stationnement automobile (1 600 places de parking). Gérard Collomb en avait fait une promenade de cinq kilomètres de long, répartis sur une surface de dix hectares, reliant le parc de la Tête-d’Or conçu au XIXe siècle à celui de Gerland, créé en 2000.
"Un must des opérations de mise en scène, de scénographie urbaine", analysait la géographe Isabelle Lefort dans Lyon Capitale.
2022. Le projet "Presqu'Ile à vivre", porté de concert, en vert et contre tout (le code de l'environnement), par la Métropole et la Ville de Lyon, se déploie autour de plusieurs axes : le réaménagement de la rive droite du Rhône qui porte sur 2,5 kilomètres de quais et de ponts, entre le tunnel de la Croix-Rousse et l’échangeur de Perrache et l' "apaisement" de la Presqu'Île, qui consiste en la mise en place d'une zone à trafic limité (ZTL), réservée aux piétons où seuls les commerçants, livreurs, artisans ou véhicules de secours seront autorisés et limités à 20 km/h.
"Il n'y a eu que 3 000 contributions" des Lyonnais sur le projet Presqu'Ile à vivre
Une concertation s'est déroulée du 20 juin au 30 octobre 2022. "C'est simplement une consultation qui a été ouverte sur jeparticipe.grandlyon.com, qui n'est pas une plateforme sécurisée avec des personnes qui ont pu s'inscrire plusieurs fois qui ont pu donner plusieurs fois leur avis, se désole Mélanie Hamon, avocate au barreau de Lyon. Et malgré tout ça on n'a eu que 3 000 contributions sur cette plateforme et zéro contribution déposée dans les mairies."
En mai dernier, cette spécialisée en droit public, avec la qualification spécifique "Droit des collectivités territoriales"a déposé, pour le compte de plusieurs associations et commerçants, un recours devant le tribunal administratif.
L'article L121-2 du code de l'environnement dispose que "Les projets qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine font l'objet d'une évaluation environnementale en fonction de critères et de seuils définis par voie réglementaire et, pour certains d'entre eux, après un examen au cas par cas."
Quant à l'article L122-2, il précise que : "Si une requête déposée devant la juridiction administrative contre une autorisation ou une décision d'approbation d'un projet visé au I de l'article L. 122-1 est fondée sur l'absence d'étude d'impact, le juge des référés, saisi d'une demande de suspension de la décision attaquée, y fait droit dès que cette absence est constatée."
Où vont se déporter les 10 000 voitures qui empruntent chaque jour la rue Grenette ?
"Ces deux grands principes auraient dû être respectés dans le cadre de ce projet, ce qui n'a pas été le cas", défend Mélanie Hamon.
"On a appris récemment appris, en réunion publique, que les études n'ont pas été faites en amont de la décision. Donc, a priori, on peut imaginer que le juge, dans les semaines à venir, va invalider la décision de la Métropole." expliquaient, le 22 novembre dernier, dans "6 minutes chrono", Maxime Le Moing et Antoine Nanterme, co-fondateurs de l'association pour le développement de la Presqu'Île de Lyon (ADPL).
Lire et voir aussi : Projet urbain "Presqu'Ile à vivre" : "on engage des millions sans étude d'impact!"
Concrètement, l'avocate explique que 10 000 voitures empruntent chaque jour la rue Grenette, que le projet prévoir de fermer à la circulation à l'horizon 2025.
"C'est un grand axe qui relie l'Est et l'Ouest de Lyon. Même s'il y aura un taux d'évaporation, comme le prévoit la Métropole de Lyon, vous aurez forcément des véhicules qui continueront qui devront traverser Lyon d'Est en Ouest. Et ils ne pourront plus passer par la rue Grenette, ils vont donc devoir emprunter d'autres axes."
Or, les impacts de ces déports de flux de circulation de la rue Grenette vers le tunnel de la Croix-Rousse n'ont pas, entre autres impacts sur la santé et l’environnement, été pris en compte par un cabinet indépendant.
Pour aller plus loin : jugement du 21 février 2018 du tribunal administratif de Paris annule une délibération du Conseil de Paris déclarant l’intérêt général de l’opération d’aménagement des berges de la rive droite de la Seine.
La retranscription intégrale de l'entretien avec Mélanie Hamon
Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 Minutes Chrono. Nous accueillons aujourd'hui Mélanie Hamon, avocate au barreau de Lyon chez Admys Avocats. Bonjour.
Bonjour.
Merci d'avoir accepté notre invitation. Le Conseil de la métropole de Lyon a adopté, en mars dernier, le grand projet urbain "Presqu'Ile à vivre", avec deux axes: la rive droite du Rhône et un apaisement de la Presqu'Ile. Un recours a été déposé devant le tribunal administratif deux mois plus tard, en mai 2023. Ce recours pointait du doigt le fait qu'aucune étude d'impact n'avait été commandée par la Métropole de Lyon sur ce sujet. Six mois après on en est où de ce recours Mélanie Hamon ?
Alors ce recours a effectivement été déposé en mai 2023. Six mois plus tard on n'a toujours pas de mémoire en défense de la part de la Métropole. On s'inquiète de ne pas avoir d'étude d'impact déposée dans le cadre de ce dossier.
Plusieurs moyens ont été développés contre cette délibération du 27 mars. Mais j'ai envie de dire que c'est notre moyen phare dans le cadre de notre quête, c'est cette absence d'étude d'impact.
En quoi cette étude d'impact elle est obligatoire dans ce cas-là du grand projet "Presqu'Ile à vivre" ?
En fait, il y a deux choses qui sont obligatoires et que l'on a rappelées dans le cadre de notre requête. C'est effectivement, d'un côté, cette étude d'impact du point de vue du Code de l'environnement, je vais en dire un mot, et de l'autre côté c'est la concertation et l'information du public. Ces deux grands principes auraient dû être respectés dans le cadre de ce projet, ce qui n' a pas été le cas. D'abord, du point de vue de l'enquête publique effectivement, on a le Code de l'environnement qui nous dit que quand un projet a une incidence un impact pour l'environnement, il doit faire l'objet d'une étude d'impact du point de vue du Code de l'environnement. Et on a notamment l'ADEME qui intervient sur ces questions et qui nous a dit que sur les projets de ZTL (trafic à zone limitée), on avait effectivement l'obligation de procéder à ces études d'impact du point de vue du Code de l'environnement. Ce qu'a fait, par exemple, la ville de Paris quand elle a voulu mettre en place sa ZTL sur certains secteurs de son centre-ville, elle a saisi les autorités environnementales pour savoir quel type d'étude d'impact elle devait mettre en place.
Précisément, on a mis dans notre recours une décision de la direction régionale de l'environnement qui a répondu à la ville de Paris qui a formulé une demande à cette direction de l'autorisation environnementale pour savoir quel type d'impact devait être fait. Et cette autorité environnementale a répondu notamment que compte tenu des reports de flux de circulation, puisqu'une ZTL effectivement on va "assainir" une zone, dépolluer une zone dans laquelle il n'y aura plus de passages de véhicules, mais ces véhicules vont se déporter ailleurs. Et en l'occurrence vous savez que la rue Grenette, qui doit être fermée, si on suit le projet du 27 mars 2023 de la Métropole, cette rue qui va être fermée fait passer aujourd'hui plus de 10 000 véhicules par jour. C'est un grand axe qui relie l'Est et l'Ouest de Lyon. Ces véhicules, même s'il y aura un taux d'évaporation comme le prévoit la Métropole de Lyon, on l'espère, et comme le prévoyait la ville de Paris à l'époque puisque la ville de Paris parlait également de taux d'évaporation, l'autorité environnementale a dit malgré ce taux d'évaporation, vous aurez forcément des véhicules qui vont continuer qui devront traverser Lyon d'Est en Ouest et ils ne pourront plus passer par la rue Grenette donc ils vont devoir emprunter d'autres axes.
Et ça l'autorité environnementale n'a pas dit que l'étude d'impact doit pouvoir évaluer les effets positifs ou négatifs du projet sur l'environnement et la santé dans le cadre notamment des déports de flux de circulation. En l'occurrence on a un sujet très particulier qui concerne la ville de Lyon c'est la pollution du tunnel de la Croix-Rousse et qui pollue notamment l'école Michel Servet dans le premier arrondissement de Lyon. Eh bien est-ce que les études d'impact sur le déport de ces flux de la Grenette qui vont forcément aller vers le tunnel de la Croix-Rousse est-ce que ça ça a été concrètement évalué ?
Le maire de Lyon a effectivement dit en réunion publique reconnu qu'aucune étude d'impact n'avait été commandée par un cabinet indépendant. Je voulais juste savoir, et c'était bien que vous preniez le temps pour expliquer tout ça mais d'aller un petit peu plus vite sur le fait, est-ce que finalement le juge le tribunal administratif peut invalider cette décision sur ce projet ?
Complètement à 100 %. Et c'est la raison pour laquelle 18 associations et commerçants ont déposé ce recours. Et c'est pas rien d'arriver à avoir autant de personnes morales qui se mettent d'accord autour d'un projet commun pour contester une décision. Je veux dire c'est presque unique on va dire à ce niveau-là de mutualisation, on va dire, de recours, c'est pas rien. Et effectivement, c'est parce qu'on considère que cette décision du mois de mars 2023 est illégale, À plusieurs titres. On a développé beaucoup de moyens dont deux principaux qui sont cette absence d'études d'impact et cette absence de concertation. Puisque sans études d'impact fiables et qui dit aux résidents et aux personnes intéressées qui auraient dû être consultées dans le cadre d'une enquête publique sans études d'impact, comment est-ce que vous voulez informer correctement les citoyens des conséquences de votre décision ? C'est impossible. Et donc nous contestons effectivement la bonne information et la concertation du public.
Et je précise, sur ce sujet-là, je vois que l'heure tourne, je voudrais dire quelque chose sur ce sujet de la concertation. C'est qu'effectivement la Métropole de Lyon nous dit qu'il y a eu une forte adhésion du public lors de la phase de concertation préalable. Ça c'est ce que dit la Métropole. En réalité, cette phase de concertation ça n'a pas du tout été une étude une enquête publique qui a été menée par un commissaire enquêteur ou une commission d'enquête. C'est simplement une consultation qui a été ouverte sur jeparticipe.grandlyon.com, qui n'est pas une plateforme sécurisée avec des personnes qui ont pu s'inscrire plusieurs fois qui ont pu donner plusieurs fois leur avis. Et malgré tout ça on n'a eu que 3000 contributions sur cette plateforme et zéro contribution déposée dans les mairies. Donc on n'a que des contributions sur cette plateforme.
C'est ce que vous dites c'est qu'il y a eu très peu de concertation. C'est vraiment fondamental.
C'est le lien entre l'absence d'enquête publique et le défaut de concertation des citoyens. C'est ces deux moyens soulignés.
Ce sera le mot de la fin. Merci beaucoup en tout cas Mélanie Hamon d'avoir été Merci. À bientôt. Au revoir.
Les méfaits de l'écolo-gauchisme à l'oeuvre...