Le marché des Minguettes à Vénissieux, jeudi 16 juin (Photo : Grégoire Gindre)

Législatives : "voter ne sert à rien", dépit et consternation avant un second tour promis à l'abstention, reportage aux Minguettes

À Vénissieux, dans l'une des communes les plus abstentionnistes du Rhône aux législatives, la consternation et le dépit des habitants prédominent dans un entre-deux-tours où convaincre d'aller voter semble le principal enjeu. Reportage au marché des Minguettes.

Ils étaient plusieurs centaines à déambuler entre les étalages du marché des Minguettes de Vénissieux ce jeudi 16 juin. La chaleur étouffante de ce milieu de semaine n'a aucunement freiné les riverains déplacés en nombre à la recherche de la perle rare. Pantalon, lunettes de soleil, vêtements d'été ou même simplement des fruits et légumes, le marché des Minguettes a, une nouvelle fois, fait le plein.

La satisfaction d'une gauche unie

À quatre jours du second tour des législatives, il était plus aisé de trouver des passants discutant du thermomètre que du scrutin de dimanche. Seul le candidat Nupes de la 14e circonscription et son équipe de militants étaient présents pour sommer les habitants d'aller voter.

En ballottage favorable à l'issue du premier tour, le candidat de l'union de la gauche Idir Boumertit a récolté 35,8 % des suffrages, devançant le député sortant Ensemble (ex-LREM) Yves Blein (25,5 %). Une réelle satisfaction pour l'entourage du conseiller municipal de La France insoumise à Vénissieux.

"Je trouve qu'il y a vraiment une belle campagne et un très bon groupe de militants, spécialement à Vénissieux", commente Michèle Brunet, elle qui tracte à chaque élection pour Mélenchon depuis 2017. "Il y a un besoin de changement sur cette circonscription. On le sent, on le ressent. Maintenant l'enjeu est dans le taux de participation" surenchérit Matéo Pierre, élu municipal de la commune avant de proposer un tract Nupes à un passant.

Photo : Grégoire Gindre

Dans la 14e circonscription - celle de Vénissieux- trois électeurs sur cinq ne sont pas allés voter. Pourtant, cette union de la gauche chapeautée par Jean-Luc Mélenchon est un réel motif de satisfaction pour l'élu insoumis. "En 2017, la gauche était divisée. Cette année, le fait d'avoir trouvé cet accord Nupes, c'est vraiment bénéfique", se réjouit-il. Quelques minutes plus tard, il rappelle à ses équipes : "on donne [des tracts, nldr] aux jeunes. C'est eux qu'il faut convaincre en priorité".


"En 2017, la gauche était divisée. Cette année, le fait d'avoir trouvé cet accord Nupes, c'est vraiment bénéfique"
Un militant Nupes sur le marché des Minguettes à Vénissieux


Dans le jeu démocratique, les militants se montrent globalement critiques envers leur adversaire de dimanche Yves Blein, député macroniste de la circonscription depuis 10 ans. "C'est l'homme invisible. Les gens ne le connaissent que de nom mais ne le voient pas. Il n'est jamais sur le terrain", s'exaspère la militante Michèle. À Vénissieux, le ton est donné : le salut passera par les urnes, mais également sur le terrain, "au contact de la population" pour reprendre les mots d'un militant.

L'abstention, premier parti de France

L'élan et la dynamique trouvés par les acteurs de la gauche semble pourtant beaucoup plus mesurés "au contact de la population". L'abstention record constatée dimanche au sein de la circonscription, mais également au niveau national, semble se traduire entre les étalages du marché. Amandine, 26 ans n'est pas allé voter dimanche. Elle n'a d'ailleurs jamais voté. "Je regarde un peu la politique à la télé... j'étais pour Mélenchon à la présidentielle. Mais je n'y connais rien du tout à leur programme", assume-t-elle. "On galère tous. On a du mal à s'en sortir", poursuit la jeune femme qui admet qu'elle n'ira pas voter dimanche car elle n'est pas inscrite sur les listes électorales. "Je ne sais pas comment ça marche. Je sais que mes parents votent mais bon...", souffle-t-elle. Alors désintéressement ou dégoût pour la vingtenaire ? Un peu des deux. "Ça ne sert à rien. C'est déjà tout calculé. On est des millions à voter pour Mélenchon, mais ça ne sert à rien. C'est tout leur système qui fait ça. Et nous, on est là, on est des pigeons", s'exclame Amandine.


"Si vraiment ils voulaient faire quelque chose pour les autres, ils l'auraient fait depuis longtemps",
Amandine, 26 ans, n'a jamais voté de sa vie


L'énervement laisse même une place à la consternation dans le discours de la jeune femme. "Si vraiment ils voulaient faire quelque chose pour les autres, ils l'auraient fait depuis longtemps", conclut Amandine en quittant le marché.

Le vote "par dépit"

La cartographie électorale affichée à l'échelle nationale mais également dans les 14 circonscriptions du Rhône montre très clairement un recul du groupe de la majorité par rapport à 2017. Pire encore pour Emmanuel Macron et son parti : l'union de la gauche semble être en ballotage favorable pour apparaître comme la première force d'opposition à la majorité.

Sur le terrain, les chiffres enregistrés au niveau national semblent se confirmer. Sylvie, préparatrice en pharmacie à la retraite, est exaspérée par le parti majoritaire à l'Assemblée nationale. Dimanche 19 juin, au second tour des élections législatives, elle glissera un bulletin dans l'urne "par dépit", avant d'ironiser "je ne vous dirai pas pour qui je vote mais je ne voterai pas pour le parti de Macron", sourit-elle. Yves Blein, étant laissé sur la touche, il ne reste donc plus que le candidat de la gauche Idir Boumertit.

Photo : Grégoire Gindre

Sentiment anti-Macron

Un sentiment anti-Macron partagé par Linda, vendeuse de chaussures sur le marché des Minguettes depuis plusieurs années. "Dégoûtée" par les résultats de la présidentielle et "très déçue par ces cinq dernières années", la commerçante admet ne pas être allée voter au premier tour. "Je suis blasée, les gens sont blasés", commente-t-elle. "C'est la première fois de ma vie que je ne suis pas allé voter. En revanche, j'irai voter dimanche pour la gauche" et surtout "contre Macron". À la présidentielle, Linda a "voté Mélenchon au premier tour et Marine Le Pen au second". Pourtant, elle en est persuadée : "voter ne sert à rien", martèle-t-elle.


"C'est la première fois de ma vie que je ne suis pas allé voter",
Linda, commerçante sur le marché des Minguettes


De son côté, Abdel, 75 ans et retraité d'une longue carrière chez Total fait partie de ces déçus par le quinquennat Macron. "Dès la deuxième année de son mandat, je l'ai écarté". Pourtant, il avait bel et bien voté pour le candidat d'En Marche de l'époque. "Je l'aimais bien, c'était un président jeune qui avait de l'avenir. Je me suis dit que ça allait donner un peu de sang neuf. Mais que dalle", fustige-t-il. Dimanche, lui aussi ira glisser un autre bulletin que celui de Macron dans l'urne.

Aux côtés d'Abdel, juste derrière son étalage de vêtements de costume, Hervé, 55 ans et commerçant "aux Minguettes" depuis 20 ans. Il assume fièrement avoir "voté pour la droite" au premier tour. Quid du second ? "Je ne supporte pas Mélenchon, ni tous les extrêmes en général. Puis Macron a pas mal aidé les commerçants pendant la crise covid", rappelle celui qui votera "pour la majorité" dimanche 19 juin.

Une nouvelle fois, au second tour des législatives ce dimanche, le match opposant Ensemble à Nupes risque de ne pas parvenir à rivaliser face au premier parti de France, l'abstention.

Photo : Grégoire Gindre

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