Les 5 risques chimiques qui menacent Lyon

Lyon est encore une ville industrielle, où la chimie pèse plus de 5 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel. Mais cela comporte des risques, que l'incident à la raffinerie Total de Feyzin ce week-end vient nous rappeler. L'occasion de faire un tour d'horizon des principaux risques industriels dans l'agglomération.

Explosion
L'explosion de type BLEVE est une explosion de gaz liquides surchauffés. C'est l'un des risques majeurs du couloir de la chimie où sont manipulés beaucoup de gaz liquéfié hautement inflammables (butane, propane, éthylène, CVM, chlorure de méthyle, etc.). Ces incidents pourraient se produire à Rhône gaz (Solaize), à Totalfina-Elf (Feyzin) - dans la partie sud de la raffinerie -, à Rhodia organique (St Fons) à Atofina (St Fons) et à Butagaz (Port E. Herriot).
C'est ce type d'explosion qui a causé l'une des premières grandes catastrophes industrielles, à la raffinerie de Feyzin, le 4 janvier 1966. Une série de sphères de gaz (butane et propane) s'enflamment et explosent ; le bilan est lourd : 18 morts, dont 11 pompiers, 84 blessés et des dégâts matériels jusqu'à Vienne, à 25 Km de Lyon, endommageant 1475 habitations. Mais la fermeture rapide de l'autoroute (juste avant la série d'explosions) a heureusement limité les pertes.

Incendie
Tous les lieux de stockage de produits hautement inflammables, très nombreux dans le couloir de la chimie, encourent des risques d'incendie, avec explosion. C'est le cas à Rhodia organique, Rhodia silicones (siloxanes et solvants), Rhodia P. I. Belle étoile (hydrogène), Atofina Pierre-Bénite (fluorure de vinylidène). Ces incendies peuvent s'accompagner d'émission de fumées toxiques à Ciba (Saint-Fons) et Rhodia silicones (libération d'acide chlorydrique).
Exemple d'incendie récent : le 26 juin 2004, un nuage noir chargé en dioxyde de soufre et en azote s'élève au-dessus de la raffinerie Totalfina-Elf de Feyzin, conséquence d'un incendie "banal". La circulation sur l'A7 est coupée 1h, l'incendie est rapidement maîtrisé et les fumées jugées "non toxiques", en deçà du "seuil d'information et de recommandations" aux populations selon les informations officielles.

Boule de feu géante
La boule de feu géante, ou "boil over", est un phénomène difficile à expliquer, lié à l'évaporation de l'eau qui projette un liquide inflammable à des centaines de mètres. Mais les Lyonnais en ont une connaissance très empirique, puisqu'il s'est déjà produit en juin 1987 lors de l'incendie du port Edouard Herriot (Lyon 7e). Un bac de plusieurs tonnes avait d'abord été projeté à 200 mètres de haut, provoquant un incendie d'un bac de stockage de gazole, qui a fini par exploser, formant une boule de feu de 450 mètres de haut et 200 mètres de diamètre. Il aura fallu 22 heures et 200 pompiers pour maîtriser un accident qui a fait deux morts et quinze blessés.

Aujourd'hui encore, c'est l'un des principaux risques industriels dans l'agglomération lyonnaise. Au port Edouard Herriot bien sûr, où sont concentrés les principaux dépôts pétroliers (218 millions de litres, répartis dans 17 réservoirs !), mais aussi à Sant-Priest (94 millions de litres), Feyzin (Totalfina-Elf), Saint-Fons (Rhodia) ou Pierre-Bénite (183 millions de litres).
Nuage toxique
C'est sans doute le pire des scénarios pour les Lyonnais : un produit toxique s'échappant d'une usine et formant un nuage mortel au-dessus de la ville. Ce n'est pas du tout de la science-fiction, et cela a d'ailleurs bien failli se produire en 1976, lorsqu'un nuage d'acroléine s'est échappé de l'usine Atofina, à Pierre-Bénite. Le nuage était immense, pouvant couvrir une grande partie de l'agglomération... et contenait un gaz mortel en quelques minutes. Heureusement, il s'est enflammé au contact d'une étincelle, devenant ainsi inoffensif. Dans le domaine, la transparence n'est pas franchement de mise. Ce n'est ainsi que 25 ans plus tard que Lyon Capitale (28/11/2001) révèle la réalité de cet accident, grâce au témoignage d'un ancien salarié. Aujourd'hui, les mesures de sécurité sont naturellement beaucoup plus fortes au sein de l'usine Atofina à Pierre-Bénite, où l'on trouve encore de l'acroléine, mais aussi des produits guère plus rassurants, comme le chlore, gaz suffocant utilisé dans les tranchées en 14-18, le brome, réputé "tueur d'ozone", ou encore de l'acide fluorhydrique, du trifluorure de bore ou de l'anhydride sulfurique. D'autres usines sont aussi surveillées de près, comme Rhodia à Saint-Fons (chlore), Avantec à Saint-Priest (Ammoniac) et Brenntag à Chassieu (chlore, acide fluorhydrique).

Pollution du milieu naturel
Une fuite d'adiponitrile, liquide toxique entrant dans la fabrication du nylon, pourrait se produire à Rhodia P. I. Belle Etoile (St Fons). Ce fut le cas en 1999, quand, sous l'effet d'un vent fort continu, 120 t d'adiponitrile ne se sont pas écoulées dans le réservoir prévu à cet effet, mais sur le sol à proximité. La zone polluée est alors évaluée à 1600 m2 et la nappe phréatique doit être pompée pendant plusieurs mois. Pour réduire ce risque, Rhodia P. I. Belle étoile a désaffecté un réservoir de 1200 t d'adiponitrile en 2002. A Ciba (St-Fons), l'inflammation de dérivés chlorés pourrait être dangereuse pour l'environnement aquatique.

Anne-Caroline Jambaud et Raphaël Ruffier-Fossoul

Incident à Feyzin : la torche s'emballe
L'image, impressionnante dans la nuit lyonnaise, de la torche de Feyzin projetant ses flammes de 20 à 30 mètres de hauteur, a alarmé de nombreux Lyonnais. Dans la nuit de vendredi à samedi 10 novembre, beaucoup ont pu constater en effet que l'activité de la torche de Feyzin était anormale : la flamme était beaucoup plus haute que d'habitude et dégageait un épais panache de fumée noire. A l'origine de cet incident : un défaut électrique a empêché le stockage du gaz, nécessitant sa combustion rapide. Selon les pompiers, la toxicité de l'air n'en a pas été affectée. Néanmoins, les chiffres relevés le samedi sur le site atmo-rhonealpes.org montraient qu'à 1h du matin à Feyzin, la concentration en poussières avait triplé par rapport à la veille à la même heure. De même, la concentration en dioxyde d'azote avait doublé, restant en deça des seuils autorisés. Cet incident, au final plus spectaculaire que dangereux, a pu être réglé dans le courant du week-end.

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